Attention, coup de coeur! Au même titre que la série de courts Colorful, ce Genshiken est l'anime réservé à un public bien précis, que je pourrais résumer de façon paresseuse et nombriliste comme "les gens qui lisent ce site". Attention, ça va être long et élogieux.

Pour savoir ce qui passe comme nouveaux animes au Japon, il n'y a pas 36 façons. Cessons de nous voiler la face; la facilité d'utilisation, le faible coût et la rapidité du Net font que n'importe qui peut être aussi bien renseigné qu'un professionnel. Ou alors ce sont les pros qui se laissent aller et se réduisent aux mêmes moyens d'information que tout un chacun, allez savoir. La semaine dernière, GameOne a parlé du film Naruto en passant le fansub AnimeHeaven de la bande-annonce à l'antenne, sans rien créditer, brut de décoffrage et en croyant que ça se verrait pas. Puis le Level One Invité qui a suivi opposait yohann à la marjolaine de TF1 sur un SoulCalibur 2 JPN avec même pas tous les perso déverrouillés - morceau choisi quand l'asiatique prend Talim: "Alors, toi aussi tu mets des petites tenues sexy?" Pour ceux qui ne l'auraient pas encore réalisé, la seule chose qui différencie G1 des sites web d'amateurs, c'est qu'ils ont des caméras là où les autres ont un script PHP.
Mais revenons à notre sujet. Pour voir des animes tout frais sortis au Japon, soit on y habite et on les voit à la télé, soit on se fie aux gentils japonais qui les enregistrent et les postent sur le Net pour nous, soit on importe les DVD. Et là, même les pros n'ont pas d'autre moyen pour écrire leurs articles. Criez si ça vous fait du bien, mais tremblez d'effroi en suivant ma conclusion et en apprenant que AnimeLand ou Japan Vibes passent eux aussi par les fansubs.
Détrompez-vous: la phrase précédente et assassine n'était pas le véritable CQFD de deux paragraphes tout aussi bileux - continuons donc. En ce début de saison, comment savoir ce qu'il vaut mieux regarder? Les japonais ont des pubs à la télé. Nous n'avons qu'un nom de fichier avec les initiales d'un groupe de fansub et un code CRC en plus du nom de la série et du numéro d'épisode.

Pourquoi je parle de ça? Et pourquoi cet anime va nous amener à parler davantage de notre otakulture que de lui-même? Parce que c'est le sujet même de Genshiken. Présentation de la bête pendant que vous téléchargez le premier épisode.
C'est dès l'intro que le format fansub montre sa grosse faille: qu'est-ce que c'est que ce générique pour une série qui s'appelle "Kujibiki Unbalance" alors que j'ai téléchargé un fichier nommé "Genshiken"? Le chara design est ultra moe-moe, genre les chaussures plus grosses que la tête, Pita-Ten est dans la place, des champignons partout, et du Under17 dans les oreilles. Pour ceux qui ne connaissent pas, facile: quand un anime commence avec ce groupe de J-Pop, vous pouvez vous planter des cutters dans les oreilles et être à peu près sûr que vous pouvez ensuite vous les insérer dans les yeux. Vous êtes trop vieux pour cette série; le problème, c'est que votre petite soeur pense pareil, et celle d'avant aussi, et celle d'avant... Suicide collectif au cutter, beurk. Voilà, j'ai fait mon quota de gore pour Halloween.
Avec un générique aussi déstabilisant, les boulets qui jugent un anime au seul générique d'intro ont déjà quitté la salle. Et ils sont nombreux: ils se justifient en disant qu'il y a trop de choses à voir pour perdre son temps sur un épisode entier. Pour aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils sont généralement de la même trempe que ceux qui matent des saisons entières en une soirée quand ce même générique d'intro les séduit. Alors que ces pensées traversent l'esprit, le nom de l'épisode apparaît à l'écran: "Etude de la Culture Visuelle Moderne".

Voilà le scénario génial de Genshiken: on suit un otaku refoulé qui rejoint un club d'otakus assumés de son lycée, alors que la série qui passe dans leur télé et qui vient de commencer se nomme Kujibiki Unbalance - ou KujiAn pour les intimes. Nous ne verrons cette série qu'à travers leurs yeux - ou avec les quelques épisodes offerts sur les DVD à paraître au Japon. Evidemment que l'on pense à La Nuit Américaine de Truffaut, ne montrant un film que par les gens qui bossent dessus. La mise en abîme est d'ailleurs assumée à fond: le générique de fin montre le club devant un épisode de KujiAn observé par une non-otaku, et si vous aussi êtes observé par un copain de passage, la boucle est bouclée.
Toute la structure de Genshiken semble être en trompe-l'oeil: les persos discutent de l'équipe technique, des libertés prises par rapport au manga, ou font remarquer qu'un français a déjà posté un commentaire dans le forum officiel de la série. Le nom complet de leur club est le "Groupe d'Etude de la Culture Visuelle Moderne" (Gendai Shikaku Bunka Kenkyuu Kai, ainsi abrégé Genshiken), est hébergé dans un bâtiment pourri, et reste évidemment à l'écart des traditionnels clubs d'anime et de manga: une couverture comme une autre (mais quand même sacrément culottée) pour avoir la paix.

Il y a tellement de choses à remarquer dans cet anime: on voit une référence explicite (dans tous les sens du terme) à Kimi Ga Nozomu Eien, des doujinshis pour adultes, ou tout simplement des moments qu'on a tous vécu.


Ecrasés dans une chambre bourrée de bouquins et de plastique, en train de préparer un tournoi de jeux vidéo et bouffant de la junk food. Vous savez que ça vous est arrivé.


Les personnages sont des portraits à eux seuls, et cet article est déjà assez long comme ça - on en reparlera. Enfin, côté technique, rien de bien spécial: KujiAn ne révolutionne pas le WAFF, et ce n'est pas son but. Les recettes classiques sont appliquées, jusqu'au filtre un peu flou qui atténue les angles et donne l'impression qu'on a chopé la grippe. Pour Genshiken, le trait est vif, l'animation est dans les normes (après tout, ça ne bouge pas beaucoup), et on attend de voir plus de persos pour juger le chara design. Mention spéciale pour avoir mis Satsuki Yukino, la seiyuu qui a plus de ki que Jet Li, dans un rôle qui lui sied à merveille. Rien qu'avec un épisode, Genshiken devient l'anime à surveiller de près: il a le potentiel pour devenir le nouveau Otaku No Video, rien que ça.