Il y a quelques années, on bouffait de la Japanime à la télé en quantités industrielles. Des producteurs achetaient au kilomètre, traduisaient à la va-vite et faisaient leurs doublages dans des hangars avec des acteurs embauchés à la sortie du métro (lapsus: j'avais écrit “micro” à la place de “métro”). Résultat, la France s'est retrouvée comme un des pays les plus avancés en matière de Japanime, découvrant sentaïs, shojos et OAVs bien avant “les américains et le reste du monde”, comme on dit dans Independence Day. Et du coup, a acquis une réputation d'animation cheap produite à la chaîne; ce n'est pas complètement faux, mais vous savez que c'est également loin d'être vrai.

De nos jours, les choses ont bien changé. Télérama a arrêté de cracher sur l'animation japonaise, Dorothée a pris sa retraite et le genre a gagné ses lettres de noblesse. Par là, j'entends que la place dans les rayonnages de la Fnac est devenue conséquente, que Disney a réalisé qu'il gagnerait plus d'argent en important le phénomène plutôt qu'en le combattant, qu'AnimeLand n'est plus le seul périodique sur le sujet ou que le côté marginal de tout cela s'est estompé, devenant partie intégrante de l'héritage de toute une génération. Il y a un instant, je parlais de l'espace occupé dans les magasins: en effet, nombreux sont ceux qui effacent leurs VHS pour s'acheter les DVD de Cat's Eyes, Sherlock Holmes ou des Samouraï Pizza Cats. Nom de Dieu, si même les Samouraï Fucking Pizza Cats ont droit à une résurrection DVD, c'est vraiment qu'on a passé une étape, non? A l'époque, si on voulait revoir une série aimée, on devait empiler les cassettes vidéo, sauter les pubs et supporter le Splitch-Splatch-Splotch-Vlan. Qualité d'image pourrie, traduction plus que moyenne dans le meilleur des cas, détérioration avec le temps. Maintenant, c'est DVD, produit relativement luxueux (surtout quand les originaux sont en 4:3 mono) pour symboliser qu'on est passés du dada d'enfant au passionné pour un bout de temps.

Le passionné bouffe du fansub, parce qu'il tient à être au courant des dernières diffusions ou tout simplement parce qu'il n'en a jamais assez vu. Et ce n'est plus la télé d'aujourd'hui qui pourra satisfaire ce mangavore, alors il va sur le Net. Chose amusante, le fansub de Saint Seiya Hades a quasiment servi d'activateur, comme un code secret pour remettre en service un agent secret dormant; vous avez tous vu la tête d'un ancien accro aux Chevaliers du Zodiaque apprenant que sa série a une suite à la sauce XXIème siècle, non^^?
D'aucuns s'inquiètent de l'omniprésence des subs, rippés, traduits, stylés, timés, encodés et diffusés en à peine quelques jours après la diffusion à la télé nipponne. Dit comme ça, on est en droit de s'inquiéter de la qualité du travail, non? En fait, même pas besoin de s'inquiéter: c'est du mauvais travail et on le sait. Un fansub reste une vidéo de 200 Mo à l'encodage destructif, traduit par des amateurs qui aiment bien les effets flashy sous Adobe Premiere et qui finira son existence sur un CD-R ou un DVD-R, support dont on connait bien les limites par rapport à un vrai DVD pressé.

Vous voyez la constante? Les fansubs sont les VHS modernes. Hier et aujourd'hui, il s'agit de supports enregistrés à la chaîne pour ceux qui n'en ont jamais assez, qui sont de mauvaise qualité, et qui confine à du gavage d'oie. Ben oui: dans les deux cas, le visionneur empile vite les VHS ou les DVD-R sans avoir le temps de tout regarder, et quand il mate quelque chose pris au sommet de la pile, c'est avec l'esprit distrait et par paquets de cinq heures. Frustré par l'image décolorée, le son en stéréo et le disque gravé qui s'use plus vite qu'on ne le croit, il finit bien par se payer un bô DVD. Et il devient d'autant plus exigeant sur la qualité d'image, de son et de valeur ajoutée, ce qui pousse les éditeurs à faire de beaux articles. Qui se vendent bien et prennent de la place dans les magasins. Et qui finissent par attirer le regard des néophytes.