Jeu d'aventure en Point and Click qui fait peur et qui est gratuit. Téléchargez pendant que vous lisez ce texte !

Le "New Games Journalism" est à la mode, au moins pour une raison évidente : on en apprend davantage sur l'auteur. Non pas que ce soit intéressant ou que ça contribue à créer un quelconque Star(t) System, mais parce qu'on sait si on peut suivre son avis. Si l'éditorialiste n'aime pas les mêmes jeux que moi ou méprise ceux que j'aime, je sais que son avis m'importe peu. Or, à travers des articles de NGJ, l'auteur est bien plus enclin à lâcher ce genre d'info (primordiale pour le lecteur, l'importance du joueur-spectateur étant bien plus importante que dans n'importe quel autre art ou média) que s'il était en train de nous faire un inutile rapport graphismes / animation / musique / maniabilité.
Nous parlons ici d'un jeu qui fait peur. Donc, pour savoir si vous aussi vous allez vous pisser de trouille devant votre écran, tentons de shématiser numériquement ce qui m'a foutu la frousse. Si vous avez à peine esquissé un soupir devant des titres qui m'ont horrifié, vous savez que je suis une poule mouillée et que vous n'avez rien à cirer de mon avis - et vice-versa. Le pouvoir des chiffres, ça c'est une invention diaboliquement destructrice de notre civilisation. Donc, sur une échelle de 1 à 10, 10 étant le plus terrifiant :
- Clock Tower SNES se tape un 10,
- Silent Hill 2 se prend un 2,
- Alien Versus Predator 2 se place entre 6 et 8 selon la campagne (6 pour l'Alien, 7 pour le Predator, 8 pour le Marine),
- Silent Hill obtient un 7,
- D mérite un 4 (6 pour la première partie),
- Super Mario World tombe à 0 (oui, c'est hors-échelle),
- The Harvester monte à 3 (dont un point pour la centrale nucléaire qui ne sert absolument à rien si ce n'est à vous faire tuer),
- Silent Hill 3 tourne aux alentours de 5,
- Phantasmagoria 2 - A Puzzle of Flesh mérite 4 (après tout, le jeu se voulait plus "adulte" qu'effrayant),
- Project Zero me secoue suffisamment pour que je n'ose pas le terminer et mérite 9,
- Eternal Darkness - Sanity's Requiem fait flipper le jury qui lui colle un 8,
- The White Chamber commence à 9 et finit à 7.

Ainsi, nous avons affaire à un projet amateur pondu par une équipe de trois personnes. Tout le travail est très soigné, mais le graphisme garde cette touche "super méga petit budget mais on a fait de notre mieux" ; en même temps, quand l'artiste cite Satoshi Urushihara parmi ses auteurs favoris, le designer Radiant Silvergun dans ses jeux fétiches et le musico les Pillows (Fuli Culi !) comme inspiration, on sait que le résultat ne peut pas être foncièrement mauvais. Tout le jeu doit tenir sur une quinzaine d'écrans, la durée d'une partie tournant entre 1 et 2 heures (pour 4 fins différentes, 2 étant qualifiables de conclusions "violentes" à votre périple). L'ambiance sonore se vaut largement, mais aurait gagné à être plus aléatoire pour surprendre le joueur : rajouter quelques sons balancés sans raison ou couper la musique est une recette qui marche bien plus que quelques fonds sonores en boucle. C'est d'ailleurs le principal reproche que l'on puisse faire à cette chambre blanche, expliquant l'indice de terreur qui descend au fur et à mesure de votre progression : une fois la première demi-heure écoulée, on a bien compris les mécanismes de peur utilisés par les auteurs. Leur principale inspiration est Silent Hill (plusieurs tableaux ont d'ailleurs un grillage en guise de sol !), et certains passages m'ont également remémoré Phantasmagoria 2. Comme on réalise vite que ce sont les mêmes méthodes qui sont réutilisées pour nous faire dresser les cheveux sur la tête, on se blinde rapidement l'esprit. On reste certes vulnérable à un éventuel changement de technique de la part des auteurs, mais ce dernier n'arrive jamais. Pour le scénario (une demoiselle qui se réveille dans une station spatiale aux murs repeints à l'hémoglobine), n'importe quel fondu d'animation japonaise verra bien le mélange d'influences classiques que l'on retrouve dans toute oeuvre réalisée par des otakus anglo-saxons : yeux à la Yu-Gi-Oh, base spatiale abandonnée, héroïne amnésique, humour à base de références obscures (dont une au fiasco E.T. sur Atari 2600), coiffure à la Dragon Ball Z, coups de théâtre narratifs que l'on voit arriver à 10 kilomètres. Il n'empêche que l'on mord volontiers à l'hameçon au début, et que l'ambiance suffit largement à garder la pression sur le joueur. Donc, mission accomplie.
La maniabilité est évidemment simplissime (mais aurait mérité un peu d'explications, que voici : l'inventaire s'obtient en passant la souris en haut de l'écran, le menu d'action sur le clic droit permet de regarder ou d'agir, on sauvegarde / charge / quitte avec Echap), mais le gameplay fera hurler à la lune ceux qui haïssent la dirigistocratie. Par exemple, de nombreux objets apparaissent magiquement dans des lieux déjà visités après que l'on ait accompli une action particulière ! Normalement, je devrais être en train de faire un scandale, mais non ; l'espace de jeu n'a pas été surestimé, on ne tourne jamais longtemps en rond puisqu'il y a peu de salles, les énigmes sont logiques, et surtout, on a les chocottes grosses comme des oeufs Kinder au début et même si elles se dégonflent un peu, elles restent bien présentes dans l'estomac jusqu'à la conclusion. On est en droit d'ajouter qu'en cette période de dèche monumentale en matière de jeux d'aventure, ça fait véritablement plaisir d'avoir droit à un titre qui fait largement son travail : nous remuer un peu les méninges et les tripes au coeur d'une aventure qui tient la route. Bref, on ne boude pas son plaisir car il est bien présent, et c'est tant mieux.