Mon copain ak-cell et moi, on a été gâtés ces dernières semaines: Devil May Cry 3 pour lui, OTOGI 2 en PAL pour moi. Deux hack'n'slash bien sauvages, avec des épées et des méchants par centaines et de la technologie qui pousse bien la ps2 et la bobox pour deux fans qui se mettent à pousser des cris de collégiennes rien qu'en voyant l'intro de leur saga préférée.

ak-cell gagne à pile ou face et il met son DMC3 en premier sur l'écran. Cet homme est vraiment atteint: malgré les meilleurs arguments du monde, il continue à adorer le deuxième opus. Comme pour se laver de la mauvaise réputation de l'opus précédent, Dante's Awakening commence avec son héros qui sort de la douche. Il répond au téléphone d'un coup de pied, mange sa pizza, vit dans un quartier au milieu d'une décharge, utilise sa moto pour escalader une surface verticale... Il manque parfois quelques polygones ça et là, mais contrairement à God of War, la console ne vomit pas ses tripes.
Je profite d'un moment d'inattention de sa part pour lui coller un bon coup sur la nuque et mettre Otogi 2. Dès les options, la plus grosse erreur du premier opus tel que nous le connaissons est corrigée: "Voices: English/Japanese". Okay, c'est toujours en anglais, mais on peut désactiver les sous-titrages et les voix peuvent rester en japonais... Dans cet univers aussi fortement ancré dans ses origines (le pays où avoir des tentacules est très efficace pour draguer), c'était un peu tache d'avoir des voix ricaines. Nom de Dieu, depuis que les jeux sont sur des DVD même pas remplis, pourquoi est-ce que personne ne fait comme avec les films, hein?

Le spectacle commence. Après les évènements du premier épisode, Raikoh est rappellé pour ressortir du combo x400 sur les démons s'en prenant une fois de plus à la capitale impériale. On a donc une gardienne pour le ramener dans le monde des vivants et quatre généraux qui lui confient leur vie. Attention, on touche le premier point pas commun pour un jeu vidéo: toute l'histoire est une fois de plus basée sur des personnages légendaires. Raikoh était un exécuteur pour faire le sale boulot de l'empereur et combat maintenant pour expier ses péchés, Suetake était un magicien qui a fusionné avec un arbre pour devenir un grand magicien... Tout ce beau monde est apparu dans la légende de l'araignée de terre, dite Tsuchigumo. Elle est évidemment contée via le théâtre Nô et aussi dans l'anime Otogizoushi qui met l'histoire "au goût du jour". Ca n'a rien de bien étonnant après tout, regardez les nombreuses interprétations de Saiyuki... Otogi-le-jeu-vidéo reste dans l'ambiance heroic fantasy nipponne, avec musique traditionnelle, écrans d'interface et de chargements (traduits en anglais sous les caractères... en chinois!) tout en laques et ukiyo-e... Le travail de recherche a dû être délirant tellement les pagodes, maisons, armes, objets et détails sont soignés. Sadamitsu, qui était un homme dans la légende, devient une femme avec un kimono frémissant à la moindre injonction du pad et une faux en guise d'arme, Seimei porte les habits traditionnels de la noblesse du XIIème siècle (en clair, elle est fringuée comme Sai dans Hikaru No Go!), les démons respectent les peintures qui ont tenu le coup dans les musées avec squelettes, invocations de papier, et même un renard à neuf queues - hé oui, Naruto n'a rien inventé. Comme pour Panzer Dragoon Orta, le soin apporté à l'esthétique est exceptionnel et crée un cachet unique.
Otogi 2 est sorti en décembre 2003. Presque un an et demi pour arriver chez nous. Depuis, Halo 2, Chronicles of Riddick, Ninja Gaiden et Splinter Cell Chaos Theory ont mis la barre graphique vraiment très haut. Et pourtant, même après avoir vu les débauches de technologie suscitées, le jeu est magnifique. On peut avoir des centaines d'ennemis à l'écran sans que la console rame (à part sur deux ou trois passages), les effets de blur lors de grosses attaques sont omniprésents, les monstres font un vrai feu d'artifice en crevant, la distance d'affichage est énorme, les temps de chargement sont minimes. Oui, on a aussi du boss qui fait 10 fois votre taille, et plusieurs fois. Un détail de l'animation proprement hallucinant tellement les mouvements de sauts ou d'attaques sont précis. Quand vous vous tournez vers le crépuscule, les teintes à l'écran rougissent; quand vous entrez dans une grotte de glace, vous êtes aveuglé par la lueur blanche; quand vous êtes dans une forêt, la rosée en devient palpable. Atmosphère incroyablement servie par une perfecttion technique. Le seul truc aussi beau qui me passe par la tête en ce moment, c'est la poitrine d'Aoi Sora. Au moins.
Et bien sûr, les environnements destructibles sont encore plus nombreux - en fait maintenant, on peut vraiment tout péter. Sur ps2, pensez à la géniale mais épileptique série Gungrave (Gungrave OD sort bientôt en Europe!), mais en beau. Creuser un cratère dans le sol à force de pillonner les monstres, noircir les murs, et même hiérarchiser tout ça: par exemple, détruisez une poutre au plafond pour blesser les ennemis en-dessous, et les lampes qui y étaient pendues chuteront en les enflammant. Ce n'est même pas un gadget car c'est intégré au gameplay, comme cette mission dans un temple hanté et rempli de plusieurs dizaines de statues en bois: les fantômes prennent le contrôle de ces sculptures, et détruire les "possédées" ne pousse l'esprit qu'à s'enfuir pour en incarner une autre! Ajoutez à cela le moteur physique, qui est le premier à avoir su se faire oublier. Souvenez-vous de vos expériences en la matière: les cadavres "ragdolls", le Katamari, le Gravity Gun. A chaque fois, on "voyait" la physique tellement elle s'imposait au jeu: tout le gameplay (ou toute une arme) lui était dédiée, genre "on a payé une fortune pour avoir la licence Havok alors autant la rentabiliser". Dans Otogi 2, son utilisation est tellement intégrée qu'elle n'est qu'une facette supplémentaire du jeu. Sur les six disponibles, deux personnages peuvent attraper les ennemis par la peau du cou pour les envoyer promener sur leurs petits copains, et tous disposent d'attaques suffisamment puissantes pour les faire voler très loin. On va peut-être me jeter des pierres pour ce que je vais dire, mais c'est DBZ-esque. Prenez le deuxième niveau: une araignée de feu, tabassez-là avec un combo... et là, c'est le drame: elle traverse une maison, se prend un mur avec une violence inouïe (le son, les tremblements à l'écran et sur la manette, tout fait ressentir la force des impacts), y laisse un beau trou, puis atterrit sur le sol à côté de ses copines en explosant (bah oui, araignée de feu), qui voleront à leur tour en tournoyant pendant que votre compteur de combo continue à monter. Ca aussi c'est très fort: les ennemis qui tournent comme des toupies, un peu comme dans les crossovers Marvel/Capcom, rajoutant encore à l'impression de surpuissance. C'est tout naturel d'envoyer chier les monstres aux quatre coins du niveau, de les voir ricocher sur le sol comme un galet sur l'eau, de percuter leurs camarades comme des quilles tout en pulvérisant des châteaux entiers. C'est dans l'ordre des choses tellement c'est bien fait, tellement ça correspond aux fantasmes apocalyptiques nourris par les mangas de Katsuhiro Otomo ou le cinéma hollywoodien. Lors de duels, le mouvement de dash qui vous permet de flotter dans les airs et les magies qui invoquent des dragons/chimères/papillons de lumière finissent de convaincre du trip Akira Toriyama et consorts. Et les combos, aussi insensés que GigaWing et ses scores en trilliards de points. Faire un enchaînement de 130 n'est pas rare, et alors que le premier opus avait plafonné à 430, mon record ici est à plus de 4800!
La dimension RPG est toujours là, avec les statistiques des personnages, les objets qui boostent des compétences, les gains de niveaux, le magasin de sortilèges. Le gameplay ne connaît aucune restriction ou punition: vous pouvez finir le jeu avec un seul héros ou jouer avec tout le monde. Chacun a un style de jeu différent, avec ses armes, ses combos, ses points forts et faibles; on joue pas à la Fort Boyard avec des missions pour M. Muscle ou Miss Vitesse que vous foirerez lamentablement si vous ne prenez pas le "bon" perso. C'est comme un Street Fighter: si on vous donne 6 combattants au lieu d'un, c'est uniquement pour varier vos plaisirs.

Vous l'avez remarqué, cet article ressemble à du léchage de boules. Je suis complètement fan du premier Otogi et cet épisode ne rajoute qu'au mythe - d'ailleurs, beaucoup de choses que je raconte ici dans le cadre du deuxième opus sont également valables pour le premier. Sega sort moins de bons jeux qu'avant, donc on ne peut que chérir chaque perle avec encore plus de joie. Surtout quand on a affaire à un titre aussi obscur dans son univers et sa narration, typiques d'un titre réservé au marché nippon sans la moindre considération à l'exportation - et pourtant, Sega prend le risque. Un jeu où l'on philosophe avant un duel, où l'on voit les esprits condamnés par notre main demander le pardon à leurs ancêtres avant de les rejoindre, et où dans un scénario de fin du monde, un personnage se tourne vers vous pour annoncer le plus calmement du monde qu'il va vous regarder combatte pour "mieux être témoin de votre force". Le tout en ancien japonais, qui plus est. Un "hack 'n' slash zen" - tout un oxymore.
Vous voulez les défauts? Allons-y, bande de charognards... Primo, c'est plus facile et court que le premier: alors que ma sauvegarde d'Otogi est coincée à l'avant-dernier niveau (on doit se retaper tous les bosses, c'est tendu comme un string) pour un total de 30 heures de jeu, je viens de finir Otogi 2 en deux fois moins de temps (au fait, il y a plusieurs fins)! Pourtant, il y a toujours une trentaine de niveaux... Ceux qui ne joueront qu'avec Raikoh pourraient aussi sentir que ce deuxième opus tient un peu de l'add-on, puisque l'on pouvait déjà avoir plusieurs styles de combat avec des armes très variées dans le premier épisode. Premier épisode que vous pouvez d'ailleurs maintenant trouver pour une bouchée de pain, hein.

Mais au fond, pourquoi avoir parlé de Devil May Cry 3 au début de ce texte? Encore une question d'apparence, le fond et la forme. On l'a dit au début, les deux jeux sont identiques dans leur principe: héros surpuissant qui fait du snowboard sur un missile ou détruit un météore, techniquement au top de leur plate-forme respective, à fond dans un univers, néo-gothique ou médiéval-fantastique, et au gameplay excellent. Chacun a une liste de features longue comme le bras, mais vendue de façon complètement différente. Devil May Cry, c'est une bande de punks qui font une course de chariots dans un supermarché: ils ont une boombox qui hurle du Rammstein, se vautrent dans le rayon boucherie, dévalisent les DVD en prenant tout ce qui a un monstre sur la jaquette, passent en trombe devant la caissière, et le gérant du magasin est monsieur Capcom dans un costard saupoudré de coke, qui les laisse passer en leur annonçant d'une voix criarde qu'ils sont le millionnième client. Otogi, c'est le vieil épicier derrière son ancestral comptoir en bois: vous entrez dans sa boutique, des odeurs d'épices flottent dans l'air, certaines boîtes de conserve sont écrites dans un langage inconnu - et si vous lui adressez la parole, selon que vous soyez bon ou mauvais, il vous contera les fleurs du Coran ou vous fera goûter du fusil à canon scié caché sous le comptoir. Dans les deux cas, vous sortez avec votre pot de Nutella ou la satisfaction d'avoir sauvé le monde, mais ce n'est pas vraiment le même souvenir que vous en gardez. C'est donc complètement subjectif, mais j'opte pour la duologie Otogi.

J'adore ces jeux.