Il était une fois une chaîne de télé française qui faisait une chute d'audimat. Et à chaque pourcentage en moins, elle se répétait: "jusqu'ici tout va bien... jusqu'ici tout va bien... mais c'est pas la chute qui compte, c'est l'atterrissage". Depuis que Canal Plus (ou Canal + pour les puristes) a décidé d'écouter son petit cousin qui regarde des fansubs, elle a fait une bonne et une mauvaise chose. La mauvaise: engager un réformé P4 de GameOne comme présentateur de la case horaire pour les 18-25 ans - chez Canal, on écrit pas "case" mais "Kaz" d'ailleurs. La bonne: taper dans le catalogue de Dybex et Kaze pour nous montrer des animes récents, mal doublés et avec le générique d'origine. Noir se termine (dixit Laura sur #editotaku: "ça vire au drame lesbien sur la fin"), et on enchaîne sur Full Metal Alchemist. La grande question étant: "vont-ils prononcer 'alkemist' ou 'alchemist'?"

Série en deux saisons commencée au Japon en octobre 2003; la vélocité de la chaîne cryptée est louable, voire détentrice du record de la diffusion d'un anime la plus rapide de la TV française. Au fait, les éditions Pika semblent être sur les starting blocks pour la version française du manga. C'est animé par le studio BONES (Wolf's Rain! Cowboy Bebop!), produit par Square-Enix (assurant une flopée de jeux certifiés pourris) et édité chez nous par Dybex (garantissant l'absence de piste audio japonaise sur C+ Numérique, contrairement à Kaze pour GTO). Faut voir le bon côté des choses: les dialogues, riches en termes ésotériques, ont plongé bon nombre de fansubbers dans une confusion proche de la mienne quand j'ai entendu Brandon de Beverly Hills 90210 expliquer à ses parents et avec l'air le plus sérieux du monde qu'il était bourré au volant et avait planté la décapotable parce qu' "on [lui] avait servi du ponch en lui disant que c'était du jus de fruits" (moralité: "maintenant, j'ai un casier judiciaire"). Bref, entre les homonculi et la pierre philosophale, les fansubs français ont donné des résultats hilarants.
Parce que c'est un peu ça, Hagane No Renkinjûtsushi (pour les frimeurs et les japonais) ou Full Metal Alchemist (pour les autres): une quête de la pierre philosophale pendant les 26 premiers épisodes, des homonculi (singulier: homonculus) pendant les 26 autres, et un peu d'humour pour diluer le tout.
L'histoire? Deux frangins enfreignent les lois de base de l'alchimie (c'est pas bien de sauter les pages écrites en rouge de "L'Alchimie pour les Nuls"; ça tombe bien, y'a un rappel au début de chaque épisode) et y laissent quelques plumes, plus un bras (pas d'inquiétude, il se fait greffer un bras bionic), une jambe et un corps entier. L'anime suit donc leur voyage initiatique dans un univers steampunk, avec une guerre civile qui couve et des alchimistes un peu partout. Le concept de cette "magie" dans l'anime est très écarté de la version de Nicolas Flamel pour pousser le facteur "fun" au maximum: résultat, des éclairs, des boules de feu, des Gatlings et des trucs délirants tout partout. Techniquement, c'est très agréable à l'oeil, les génériques (qui changent à chaque moitié de saison, un effort réservé aux valeurs sûres du marché) sont bons, la musique orchestrale est bien assumée... On voit où est passé l'argent et c'est tant mieux.

La première saison tient du shônen convenu, avec ses allusions à l'adolescence, la découverte du monde ou les horreurs que l'Homme peut connaître (l'épisode 7 a la réputation méritée de secouer les téléspectateurs; ne dites pas qu'on ne vous aura pas prévenu!). On se force un peu à regarder les 26 premiers épisodes (les personnages auxiliaires auraient peut-être mérité un peu plus d'attention), mais la suite est davantage à la hauteur; on passe d'un bon anime commercial à un très bon divertissement aux rebondissements calculés et à l'histoire développée. Ca change de Noir...