(article terminé à la hache parce que le numéro 2 vient de sortir)

Vous vous souvenez de cette scène de La Mort Dans la Peau, où Jason Bourne tabasse un mec avec un magazine avant de faire exploser les lieux à l'aide dudit canard ? Cette revue devait être le premier numéro d'Amusement.

Un mag' qui considère les jeux vidéo comme un style de vie ?

Déjà, en matière de papier sur les JV, il faut apprécier le pavé : 196 pages avec au grand max, cinq pages de pub. Il faut remonter aux Gen4 de notre adolescence pour trouver pareil gabarit, mais surtout plus bouffi de pubs. Rien qu'avec ça, Amusement est une étrangeté sortie de la dimension Bizarro - la même qui nous a donné Yoko Matsugane, Shenmue et le Nutella.

C'est clairement un magazine de luxe, le genre de produit "qui fait bien sur ta table basse quand les gens passent". Introuvable en kiosque, et après commande sur le site, c'est le papelard le plus cher de ma collection : 13€ en comptant les frais de port. Pour ce prix, je m'attends à le recevoir, rapidement... rien au bout de deux semaines. Après un email, ils se rappellent mon existence et envoient le bousin dans une enveloppe épaisse comme du papier à cigarette, garantissant une reliure déchirée. Par contre, l'abonnement est à 15€ par an pour 4 numéros, avec Echochrome PSP offert ? Et le numéro 2 est vendu 5€ ? Okay, là c'est vraiment bizarre. C'est imprimé sur du papier plus cher que le matelas sur lequel je dors, et c'est censé être rentable ? Le Gaming de Grégoire Hellot avait claqué après six numéros épiques toujours sur mon étagère, et il était loin d'être aussi opulent. Cependant, les gars derrière ce canard sont loin d'être des pingouins - allez savoir, ils ont dû trouver la Bourse de Fortunatus.

En fait, c'est carrément un mook (magazine/book) façon Pix'n'Love, mais avec un carnet d'adresses occidental et non japonais. D'ailleurs, on trouve un extrait de l'un dans Amusement 2 ! Occidental, donc : une interview de Sébastien Tellier ou de Will Wright, une autre de William Gibson (où l'interviewer spoile son dernier bouquin dans une question, merci mec), des pages en anglais...

Mais quand il s'agit de faire du nippon, on repasse : le texte sur Suda 51 est une paraphrase de son article sur Wikipédia, et une page mettant à l'honneur une dédicace de Tetsuya Mizuguchi, qui écrit lui-même Mizuguchi, a un joli texte où l'on trouve "Musuguchi" à plusieurs reprises.

Y'a quand même des moments où l'on se pose des questions sur l'expertise des auteurs. Non, pas l'orthographe en général, sur 200 pages c'est bien normal de se planter ou de ne pas avoir un secrétaire de rédac' dès le premier numéro. Mais "Actarus" écrit avec un K ? Teamspeak écrit avec un C ? Parler du wiki massif de David Perry sans donner l'adresse ? Ou même qu'on s'interroge sur la légitimité de certains écrits sur ce beau papier. Vous ressortez parfois de vieux mags, non ? Vous croyez vraiment que David Taborda avait conscience que ses conneries reviendraient le hanter quinze ans plus tard ? Y'a certains textes, comme celui où une demoiselle (qui écrit dans Technikart et pond un roman) raconte sa partie de Jackass sur DS. Mais c'est écrit au format blog, avec du caps lock et de l'introversion àdeuballes. Par format blog, j'entends ce dump mémoire sans filtrage, y'a pas de limite de place je suis sur le Net, et comme là je suis sur papier, ben je remplis ma page sans coûter bien cher en effort mental. Extrait : "un mec immobile semble attendre que je le sollicite. [...] Je me place à côté (sic) de lui. J'essaye de me fixer, bien en face de lui. [...] Ah non, là je suis trop à gauche. Trop à droite. En toute logique si je me mets derrière lui il ne pourra pas me parler." Et encore, j'abrège. Ca mérite vraiment d'être immortalisé, ça ? Ou la même chose avec Devil May Cry 4 en racontant une scène de baston. Youpiii. Quand j'écrivais dans des mags papier, je faisais au moins en sorte d'assumer. Ouais, même la rubrique hentai de Game Fan avec Sexy Beach.

Evidemment, on retrouve quelques poncifs de la presse jivé. L'article sur l'artiste Invader, celui sur les vendeurs de pénis dans Second Life(évidemment écrit par Michael Stora), et les thématiques genre "les femmes et les jeux vidéo", "le sexe et les jeux vidéo", "le jeu vidéo est-il un art", bref, le genre de texte qui fait acte de naissance de tout canard vidéoludique.

Voilà, Amusement, c'est ça. Des invités de plus ou moins haut vol, mais avec une opinion forcément haute de leur personne et du jeu vidéo. Vu l'apparat du mag', c'est de bonne guerre : des gravures de mode en pleine page, où les mannequins portent des lunettes 3D Master System ou des VFX1 empruntés à MO5, et des screenshots pixellisés en pleine page comme on en trouve chez GamesTM. Une thématique sur le jeu vidéo deupoinzéro, où le joueur exploite le produit à son propre compte via les bugs, les mods, les mouvements politiques dans les MMO, dans un magazine sans forum ou site web décent, sans contact avec les auteurs, sans inviter les lecteurs à participer.

C'est le magazine "paquet de textes que vous devriez lire" et non le magazine "paquet de jeux que vous devriez acheter ou éviter". On n'a jamais le moindre avis qualitatif sur le moindre produit, et après lecture, on ne risque pas de savoir ce qu'il vaudrait mieux se procurer dans les sorties récentes. Pour ça, démerdez-vous, allez sur le Net, demandez à vos potes, à Micromonio, mais pas à Amusement. Clairement au-dessus de ces considérations, qu'ils sont. Si vous n'avez pas compris que les mecs qui écrivent (et lisent ?) ça ont assez de blé ou de contacts pour se procurer tout ce qui sort, vous feriez mieux de retourner sur le site de votre banque pour voir si vos Assedic ont été versés.

Malgré tout, c'est difficile de bouder son plaisir. Quand Gaming sortait, on l'achetait sans sourciller, et les yeux n'ont commencé à réagir que lorsqu'il a cessé de paraître. Avec plein de larmes, la réaction lacrymale, hein. Et puis merde, quoi : comme je l'ai écrit au début, c'est tout simplement un des plus beaux mags de JV publiés en France.




Pendant ce temps : qu'est-ce que je foutais ? Ben, j'ai bouclé la pseudo-première partie de la vidéo sur Japan Expo, qui pèse 40 minutes. Et DailyMotion laisse le tout dans les limbes de la validation depuis la semaine dernière... Mais si vous avez 503 Mo à perdre, vous pouvez télécharger ça en regardant sur #editotaku@irc.worldnet.net .