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Dans une interview reproduite dans Spirou peu après sa mort, Peyo avait raconté quelques anecdotes sur l'adaptation animée des Schtroumpfs par les américains. J'en ai déjà parlé dans le lien précédent, mais recopions la chose pour ceux qui ne cliquent pas (j'ai des noms). Par exemple, les producteurs "là-bas" avaient émis des réserves sur le schtroumpf costaud qui tapait le schtroumpf à lunettes avec un marteau quand celui-ci devenait chiant ; ils craignaient que les enfants distribuent la sagesse à coups de marteau dans leur entourage. Peyo dit, le schtroumpf à lunettes peut passer hors-champ, on entend un boum, et il revient à l'écran avec une bosse en voyant 36 chandelles. Les américains répondent, ben non, les enfants colleront des bosses à leurs copains. Finalement, le schtroumpf costaud du dessin animé assome le binoclard avec une enclume, parce que c'est trop lourd et peu commun dans les garages. CQFD. Dans les autres remarques de Peyo aux scénaristes US : les schtroumpfs ne jouent pas au base-ball, ne mâchent pas de chewing-gum et n'ont pas d'argent - à l'exception du schtroumpf financier dans le dernier album. La plupart des histoires proposées étaient du genre "un schtroumpf trouve un trésor et les autres veulent le piquer" ou "un schtroumpf hérite et les autres veulent encore lui chourraver ça". Mercantile.

J'ai éteint ma DS sans prévenir, paf, Off, alors que je jouais à Elite Beat Agents. Pas besoin de parler du jeu, codak le fait bien mieux que moi. Dans Ouendan, on encourage des petites gens du Japon d'en bas, qui essaient de sauver leur restau ou leur amour. Dans Elite Beat Agents, on aide un petit con blindé de fric à hériter de l'usine familiale, un prestidigitateur à Las Vegas, un chasseur de trésors en mer, et j'ai donc coupé le jeu quand il fut question d'un roi du pétrole. Le gameplay, le choix des musiques, le relooking graphique, tout ça n'a rien à voir. Ca reste du Ouendan, ils ont rajouté plus de "double-clics" et "triple-clics" (une pastille numérotée sous une autre, on doit donc taper plusieurs fois de suite), mais ça reste le même jeu, tel un Dragon Quest qui se joue fondamentalement de la même façon depuis vingt ans avec toujours le même scénario pourri. Alors pourquoi ça me tape sur le système dans ce cas précis ? Pourquoi ai-je éteint ma console ?
Là, je vous aurais bien mis un lien vers un texte que j'avais écrit il y a deux ans, où un dilemme moral dans Star Wars - Knight of the Old Republic 2 m'avait poussé à me poser quelques questions sur moi-même. Sauf que j'ai fait don de ce texte au camarade Pipo, qui a apparemment décidé de le garder jalousement pour lui - il est une pute, c'est un fait reconnu. Bref, on va faire sans.

Pourquoi, donc, ai-je éteint ma console ? Le concept d'Ouendan/EBA, c'est d'aider des gens dans la merde en jouant les pom-pom girls. Ils ont le moral dans les chaussettes, et sans les toucher, on leur redonne espoir. Par extension, le joueur chope aussi la patate devant tant de bonne humeur. Les situations dans Ouendan sont d'authentiques merdiers, réalités ou métaphores de panards dans lesquels tout un chacun s'est retrouvé : ça arrive à tout le monde de stresser à mort dans les transports en commun avant un gros évènement, ou de vouloir briller au boulot devant ce fonctionnaire de sexe opposé. Même quand l'enjeu dépasse la vie de tous les jours, l'idée est la même : il faut être plein d'énergie, avoir le sang qui bout - en japonais, nekketsu, un mot qui apparait d'ailleurs dans le titre d'Ouendan 2. C'est désintéressé, moral, pur : on sauve ta fille, tes études ou le monde entier, on s'en fout, ce qui compte c'est que tu aies la rage, bordel, et on va t'aider pour ça. Aide-toi, les Ouendan t'aideront, les Elite Beat Agents t'aideront, et peut-être même que le ciel t'aidera si ça suffit pas. Mais ça suffira. C'est ça le principe d'Ouendan. Les mangas en introduction de chaque chapitre sont là pour bien faire comprendre la détresse et l'enjeu : cette femme enceinte perd les eaux et il te reste qu'un point sur ton permis, t'es vraiment dans la merde, help, envoyez les Agents. Il faut que le joueur sache pourquoi il va se démener. Et s'il se prend un game over, on fait quand même une fin de partie avec un gag, histoire de garder la banane. Le joueur doit être motivé pour mieux motiver à son tour.
Mais mettez-vous à la place de ces agents : on les dépêche pour aider un connard gâté-pourri à hériter de la compagnie à papa ? Y'a pas un cas plus urgent ou désintéressé à aider ? Comment être gonflé à bloc, le stylet fermement en main, prêt à soulever des montagnes et cliquer en rythme sur des pastilles à l'écran ? c'est navrant, et a moitié des scénarios sont du même acabit. Voire : une des histoires, remixées d'Ouendan, aborde le sujet de nos chers disparus, et autant dans Ouendan, c'était délicat et émouvant, autant dans EBA, l'échec vous démoralise vite fait, si l'intro du niveau ne vous a pas déjà mis à terre.

Voilà pourquoi EBA est gonflant : ses histoires ne poussent pas vraiment le joueur à réussir. Mission accomplie, le sale môme déjà plein aux as a hérité de l'usine automobile familiale, WATCH ME NOT GIVING A SHIT. Pourquoi est-ce que c'est particulièrement grave dans ce jeu ? On peut jouer à Splinter Cell et se foutre de la propagande à Tom Clancy, après tout. On peut regarder des animes sans faire le gros con borné qui met en doute la politique militaire d'un pays qui envoie à la guerre des gamins génétiquement modifiés. Mais de par son principe et son rythme très rapide (l'évolution de l'histoire est rappelée toutes les 30 secondes par de petites animations entre chaque round), le joueur doit être à 100 % dans le scénario. Et quand l'Ouendan deviennent une brigade de mercenaires proposant leurs services au plus offrant, ce n'est plus le cas. Je vais me forcer à continuer, mais le coeur n'y est pas.