Hier, il y a eu un truc bizarre dans Arrêt sur Images, chez France 5 - vous savez, l'émission du grand Daniel Schneidermann, dont je lis religieusement l'hebdomadaire chronique Médias dans Libération (que je lis tout aussi religieusement parce que je dois être un dangereux gaucho). A la fin du programme, juste avant que la petite Chloé Delaume arrive, armée (d'un décolleté qui me fait chavirer et) des questions-réactions du forum de France5.fr pour les exposer à l'équipe. M. Schneidermann discute avec Paul Nahon, directeur de l'info sur France 3 (souvenez-vous, il présentait Envoyé Spécial à l'époque reculée où je regardais encore la télé), au sujet des bloggeurs-vidéastes-podcasteurs qui font eux-même leur actualité en allant (d)épouiller communiqués de presse, discours et informations mises à leur disposition.
Sujet qui semble lui tenir à coeur, puisqu'il l'a déjà abordé à maintes reprises dans Libé ; généralement, il en profite pour rappeler que l'avantage du "vrai" journaliste est son éthique ou objectivité, qui même si elles sont toutes relatives, aident à savoir que ce dernier n'a pas bavé son texte en étant influencé par un quelconque lobby, d'autant plus anonyme à travers le voile de l'Internet. Ben oui, le journaliste, il a quand même une réputation à tenir, sinon il écrit plus. Et il n'est plus payé, donc est par extension condamné à mourir de faim, contrairement au bloggeur qui fait ça sur son temps libre et avec ses idées à lui. Le bloggeur, c'est comme un journaliste, mais juste avec les bons côtés, sans avoir à être tenu par des trucs aussi chiants qu'un vrai contrat de lecture ou une ligne éditoriale. Quand le bloggeur cafouille, c'est difficile de le savoir, et sa seule punition, c'est de perdre des pageviews sur ses GoogleAds.
Daniel Schneidermann a donc déjà sa petite idée sur la question, mais en excellent journaliste qu'il est, il pose sa question à Paul Nahon avec une neutralité de suisse. Alors, si tout le monde peut faire son actu, quel rôle joue encore le journaliste ? Est-ce qu'en plus de l'actualité, il va devoir également être amené à analyser le travail de ses pseudo-confrères qui bossent en amateur ? Est-ce que vous avez des pistes de réflexion ou des solutions pour exister dans ce nouveau décor médiatique ?

Réponse de M. Nahon : Non.

"- C'est vrai ? - Ah non non non, on patine, hein. Clairement." Un ange passe. "-Ah mais c'est euh... -Ah mais je vous le dis comme je le pense.[...]On est face à un défi qu'on n'a jamais connu." Il dit qu'il va falloir "réinventer le rôle du journaliste", mais qu'ils n'ont aucune idée du comment. Merde alors. Le quidam caché derrière son écran, motivé par ses idéaux personnels ou son désir de faire passer son point de vue, aussi subjectif et dénué de toute réflexion soit-il, a assez de pouvoir pour faire trembler le quatrième pouvoir. Ne me regardez pas comme ça ; okay, j'ai écrit des pages dans des magazines en papier qui m'ont trouvé grâce à cettte colonne, mais je n'ai aucune idée de comment tout ça va évoluer. Nom d'une pipe, je reçois des communiqués de presse sans même savoir comment ils ont trouvé mon mail, ou à plus forte raison, le présent éditorial. Mais pour quelqu'un qui aimerait bien vivre un jour de sa prose, croyant qu'il pourrait garantir son indépendance en cherchant des informations pour des lecteurs qui paieraient en échange de services de véracité et de pertinence, je vous garantis que ça fout les jetons.