Décidément, c'est la période : après le joyeux reportage de Zone Interdite, c'est au tour de Télérama de s'y mettre cette semaine, avec un dossier consacré au nouveau Spirou goût sushi. Faut dire qu'on peut les comprendre, les gens de Télérama, tellement ils n'en finissent pas de retourner leur veste sur leur traitement des mangasses dans les années 80-90. Sous la couverture hallucinogène signée Beb-Deum - davantage habitué au quotidien Libération - on a droit à un article bien soigné, qui change quand même de M6. Pour ceux qui n'auraient pas suivi la dernière aventure du groom de chez Dupuis, je résume : la bédé franco-belge étant complètement à la ramasse sur son propre territoire depuis que les jeunes se sont mis aux mangasses, J-D Morvan, scénariste des aventures de Spirou et par ailleurs mangavore, lance le héros au Japon en croisant son aventure au format franco-belge (genre 60 pages couleur grand format à 10 €) avec un manga pur sucre (genre 200 pages petit format noir et blanc pour moité moins cher) réalisé "là-bas" par un mangaka.
L'idée de base, c'est que la narrative selon le manga, privilégiant le développement des personnages sur l'histoire à proprement parler (et parfois, il ne se passe rien du tout) est une mécanique moderne que la bédé franco-belge doit intégrer, sous peine de bouffer les pissenlits par la racine. M. Morvan se prend à rêver de grandes collaborations franco-belgo-nipponnes, avec des mangakas qui bosseraient sur de beaux albums en couleur et des frenchies qui exposeraient leurs idées exotiques au pays qui bouffe le plus de bandes dessinées au monde. Ce qui serait peut-être possible, si l'industrie du manga n'était pas obnubilée par son propre nombril. Et comme je l'ai dit plus haut, Télérama a bien fait les choses, puisqu'ils sont allés recueillir l'avis de Frédéric Boilet, qui ne croit pas trop (comprenez : pas du tout) à ce genre de projet ; il raconte même qu'un éditeur l'a carrément interdit de visiter ou contacter Jirô Taniguchi, auteur quelconque en son propre pays qui vend des albums en France par charters entiers, précisément grâce au travail de M. Boilet...
Il y a de quoi dire sur les franco-belges qui, après avoir fait preuve d'un bon gros racisme caractérisé, finissent par (tenter de) s'adapter à une forme de bédé qui leur bouffe à présent la moitié du marché. Un autre exemple cité par l'hebdo est Shogun Magazine, projet des Humanoïdes Associés que j'ai reçu dans le courrier pour y avoir corrigé quelques textes. En fait, c'est tout con : c'est un excellent clone de Shonen Jump ou n'importe quel autre pavé nippon de 300 pages gavées de bédés à qualité variable (imprimées sur un papier tout aussi variable) qui entrent et dégagent par référendum des lecteurs. Les auteurs y sont français, bossent comme tels (seuls, quoi) mais sont tenus de suivre un rythme de parution "japonais" (comprenez : stakhanoviste). Il y a énormément à lire et le style se veut évidemment manga, mais on sent bien que certains projets tiennent du franco-belge assimilé manga avec quelques gouttes de sueur et autres mimiques ajoutées sur une bédé qui aurait parfaitement eu sa place dans un Echo des Savanes. Certes, ce n'est que le premier numéro, mais ça représente bien le dilemme qui frappe les Humanos, Spirou et les gens qui sont derrière : c'est dur de se prendre pour ce qu'on n'est pas.



Hors sujet : Au cas où vous ne le sauriez pas déjà, dites au revoir à Lik-Sang et dites bonjour à Firefox 2.

Autre chose : le mois dernier, Goldy, l'auteur du podcast NipponActu, partait en voyage au Japon avec la ferme intention de nous faire des vidéos de ses aventures une fois de retour et un blog sur place sur ses mésaventures. J'avais alors invité les lecteurs vivant sur Tokyo à prendre contact avec lui pour le guider sur place (ou revendre sa chair de gaijin à un yakuza, au choix). Alors qu'il partait le lendemain, vous avez bravé le décalage horaire pour lui filer quelques adresses et conseils lors de la session IRC du dimanche soir.
Il rentre ce week-end en France, et à travers la dizaine de billets qu'il a écrits, on comprend surtout qu'il a eu de sérieux problèmes de bagages perdus et que Poshu lui a bien rendu service. Je crois qu'il en a profité pour rencontrer d'autres lecteurs de l'éditotaku... Enfin, tout ça pour vous remercier d'être aussi géniaux et généreux ; même à l'autre bout du monde, vous êtes prêts pour aider un touriste à acheter des doujins hentai alors qu'il n'a même plus de vêtements propres à se mettre. Je crois que là, c'est le moment où je devrais vous serrer fort dans mes bras.