Maintenant que j'ai une bécane digne de ce nom, les titres de ces derniers mois passent tour à tour dans la playlist. Dont Bioshock, récemment passé à 20€ sur pécé et 30€ sur 360. Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est un FPS mâtiné de RPG, dans une ambiance art-déco proprement inédite dans un jeu vidéo. Un mec parfaitement anonyme (dont le seul signe distinctif est un tatouage aux poignets), seul survivant d'un crash d'avion au milieu de l'Atlantique, découvre une cité sous-marine en ruines, coincée dans les années 50. Téléchargez la démeau, vous verrez par vous-mêmes.

J'insiste sur l'ambiance. Le héros ne parle presque pas, et un ange gardien coincé dans un talkie-walkie vous dit où vous rendre. Le déroulement est linéaire, mais à la manière d'un Deus Ex, les règles d'engagement avec l'environnement sont assez larges, entre armes et pouvoirs psychiques. Ce n'est pas un jeu qui en dévoile beaucoup - ou pluto pas assez pour que le joueur puisse reconstituer l'histoire par lui-même. C'est laissé à l'imagination de chacun, et l'immersion n'en est qu'améliorée.

Sous-entendu, je me faisais un film et j'étais à fond dans le trip. Ce gars tatoué, dont on n'entend qu'une phrase dédaigneuse dans la cinématique d'intro, m'avait tout l'air d'être un vrai fils de pute, ce qui n'était pas pour me déplaire. Un fils de pute paumé au milieu d'une ville sous-marine construite par et pour une élite de connards coincés dans une utopie partie en pièces. Que faire, à part essayer de trouver une sortie qui n'a aucune chance d'exister ? Quand quelque chose merde au fond de l'eau, où fuir ?

En tout cas, ça me plaisait. Largué et oublié de tous, mais capable d'enflammer n'importe qui en claquant des doigts. Surhumain, doté de pouvoirs divins, mais quand même bloqué au fin fond de l'océan, toujours impuissant quand il s'agit de trouver un moyen de rentrer chez soi. Midas avait le même dilemme, sauf que lui, il crevait la dalle en étant entouré d'or. Alors, on prend sa mitrailleuse avec balles anti-blindage et on va faire un safari aux scaphandriers, pour tuer le temps faute de pouvoir sauver sa peau en bonne et dûe forme.

Sur la jaquette de Bioshock, on voit un spécimen des emblématiques Big Daddies, ces armures géantes qui hébergent on ne sait quelle monstruosité. Le Big Daddy protège une Little Sister, une enfant génétiquement modifiée qui n'est plus qu'un générateur de mana ; pour utiliser vos pouvoirs psychiques, vous avez besoin de la substance (mana, ici appelée Adam) que ces gamines fabriquent. Chaque Little Sister est accompagnée d'un Big Daddy, et il faut se le faire pour gagner son mana après de la gamine ; retenez ça, c'est important pour la suite de cet article. Résumé : je suis donc un connard planté dans une cité oubliée du monde, chassé par des junkies en manque de mana, cette dernière étant protégée par des monstres en armure, pendant qu'un autre survivant me parle dans les oreilles pour essayer de nous sauver tous les deux.

Bioshock n'a connu qu'un seul patch, qui a principalement amené le jeu à ce qu'il aurait dû être dès sa sortie. Par exemple, il y a un peu partout des points de résurrection, si nombreux et dénués de malus qu'ils enlèvent toute importance à votre (sur)vie. Ou encore, en dépit des indications de chemin dans le (superbe) décor, vous avez une grosse flèche qui vous indique où aller. Le patch permet de désactiver ces gadgets, pour une expérience de jeu encore plus intense. Et ça tombe bien : comme je n'y avais pas joué avant, j'ai donc lancé ma première partie de Bioshock directement en mode "grandes personnes" : pas de guides, pas de résurrection, on s'en tient à sa QuickSave et à ses couilles. Start Game, en avant.

Je vais être direct : Bioshock cherche à me baiser la gueule, et je n'aime pas ça.

Ces histoires de difficulté, j'en ai déjà parlé à propos de Call of Duty 4 ou Half-Life² : il semblerait qu'on ne puisse plus faire confiance aux développeurs pour adjuster correctement la difficulté de leurs produits. Avec l'arrivée de la génération Playstation il y a presque quinze ans, les jeux vidéo investissaient leurs deniers dans des expériences rapides et intenses, faciles à finir mais qui en mettent plein les mirettes. Ceci, à l'opposé des cartouches 16-bits qui justifiaient leur prix par un gameplay plus profond, difficile ou bourré de passages secrets. Dans les deux cas, les clients en ont pour leur argent : dans un cas, sur la forme, dans l'autre, sur le fond. A présent, cette next-gen et ses budgets qui font encore un bond, ajouté à l'arrivée des "casuals", ces débutants qui ont enfin une étiquette collée sur le front par l'industrie vidéoludique, élargissent encore le nombre de joueurs. Et les développeurs ne savent plus comment adjuster la difficulté pour que ça plaise à tout le monde. Nous jouions depuis des siècles en difficulté "Nomale" ou "Facile" ? Ca ne veut plus rien dire, à présent. Le Facile est maintenant réservé à votre grand-mère, et le Normal est bon pour votre cousin qui joue 10 minutes par semaine, occupé qu'il est par sa tecktonik et son skyblog. Si même moi je peux boucler Call of Duty 4 en difficulté max, c'est vraiment qu'il y a quelque chose de pourri dans le royaume.

Bref. Je joue donc à Bioshock sans la résurrection et sans la boussole, et c'est là qu'il y a quelque chose qui cloche. Quand on meurt, on ne peut pas recharger sa sauvegarde ; la touche QuickLoad ne marche que quand on est encore sur ses deux pieds. Sinon, on doit attendre de revenir au menu principal, de cliquer sur Continue, et... d'attendre que tout le niveau se recharge, parce que voyez-vous ma bonne dame, le jeu a été prévu pour la Xbox 360 et ses 512 Mo de RAM, on peut pas garder le niveau en mémoire, pensez-vous. Même en épluchant les fichiers INI et les forums, impossible de lui faire comprendre que le cache peut se permettre quelques luxes, comme par exemple, m'épargner 30 secondes de chargement à chaque mort.

Mais j'ai vraiment l'impression que Bioshock a cherché à me faire lâcher l'affaire. Et vous savez quoi ? Il y est arrivé. Lors du premier combat contre un Big Daddy. C'est impressionnant, un vrai boss méchant et violent, qui encaisse plus que vous, qui vous regarde de haut, vous, pauvre merde tatouée paumée au fond de l'eau, tout ça.
Parenthèse : je ne comprends pas pourquoi je dois tuer le Big Daddy, pourquoi je ne peux pas éviter toute confrontation avec ces créatures qui ne vous attaquent pas tant que vous ne les emmerdez pas. Pourquoi la porte est fermée tant qu'il n'est pas mort. Dans les jeux vidéo, je n'attaque presque jamais en premier, et parfois, je ne comprends même pas pourquoi l'ennemi m'en veut. C'est peut-être pour ça que j'aime bien Postal² : dans ce jeu, on peut remplir pas mal de missions sans se faire agresser, et les gens vous attaquent soit parce que vous les avez cherchés, soit parce qu'ils ont une motivation clairement exposée (s'ils sont fous, le jeu vous le fait comprendre aussi). Ou alors, vous pouvez faire le dingo, mais Postal² ne vous laissera pas faire. Bref, il ne vous prend pas en traître et vous savez à quoi vous en tenir.
Donc, je sors mon fusil à peupon-wesh-wesh-yo-yo, mes cartouches électrifiées et mon pouvoir de pyrokinésie. C'est super, ça gicle, c'est pas facile, il est fort l'enfoiré. Je meurs, je me retape ces fucking chargements de 30 secondes (avec ma motivation qui s'effrite au fur et à mesure à cause de ça, mais pas assez vite pour que j'abandonne)... Finalement, je le tue. Maintenant, je peux récupérer ma récompense auprès de la Little Sister, et euh, elle est où la gamine ? Elle a disparu. Je cherche partout, rien. Gros bug. Soupir, QuickLoad, on prend les mêmes et on recommence.

Et là, je le refroidis à nouveau. Munitions, Medikits et mana un peu à sec, mais c'est Bioshock qui veut ça. La Little Sister pleure son protecteur mort pour la batterie. Choix éthique : soit je tue la gamine et c'est le gros rush de mana, soit je la sauve et j'en ai un tout petit peu, mais y'a un perso qui m'a promis que je serais grassement remercié pour cela. Il y a trois fins : toutes les sauver, toutes les tuer, ou n'importe quoi entre les deux. J'hésite. C'est le but, après tout : premier combat, le jeu est toujours en train de m'apprendre ses ficelles. Tu as envie de sauver ces gamines ? Tu as vu combien tu en as chié pour le tuer? Ton sens moral est-il prêt à encaisser de pareils combats pour une récompense vaguement promise au début de l'histoire ? Bref, je joue le jeu, et reste devant la fillette pleurnichante, sachant que mon choix influera sur la conclusion de l'aventure, l'écran proposant "Tuer" ou "Sauver". Après quelques secondes, ma réflexion est interrompue par un râle caractéristique :



Il y a un autre Big Daddy. Non accompagné d'une gamine. Et je suis à poil. Je l'évite, et le suis : il s'approche d'une de ces petites portes réservées aux Sisters, semblables aux trous du lapin d'Alice aux Pays des Merveilles. Quand on commence à s'attaquer à un Daddy, elles s'y réfugient, et s'il gagne, il retourne frapper à ces portillons pour que la gamine puisse sortir. Donc là, ce second Big Daddy ignore le cadavre de son pote et la Sister en larmes, va frapper à une porte... et aucune enfant n'en sort. Je regarde sur le menu, qui indique effectivement qu'il n'y avait qu'une seule Sister accompagnée d'un seul Daddy. Je vérifie sur GameFAQs, il ne doit y avoir qu'un seul Daddy. Ce gros lard est un énorme bug. Re-soupir, re-QuickLoad, re-30 secondes à chaque mort, re-victoire, re... putain il est encore là ce con ? Bon, je vais faire le choix de sauver la gamine et passer à la suite de l'histoire et oh le chacal il m'a tué pendant la fucking cinématique mais merde quoi.

Bref, rien à faire : je veux, mais Bioshock ne veut pas. Oui, un peu comme les femmes, merci.



Mise à jour : jeu terminé, nouvel article posté.