C'est marrant, ça. Le mois dernier, il y a eu une polémique assez monstrueuse autour de l'épisode 4 de Gurren Lagan. Je résume, pour ceux qui ont autre chose à foutre dans leur vie que de suivre les psychodrames du Net :
- la Gainax, qui produit cet anime, lance un blog où l'on peut poster des commentaires. Ce qui 1) est sévèrement burné, 2) est important pour la suite.
- l'épisode 4 de Gurren Lagan sort, et est techniquement déplorable.
- 2ch, le forum nippon qu'on adore détester (à l'origine des OS-tans, Densha Otoko et de tant d'autres tumeurs du Web), se lâche dans lesdits commentaires du blog cité plus haut.
- Accessoirement, les 2channeurs découvrent des commentaires du réalisateur dudit épisode 4 qui considère que "2ch est comme un anus" et un autre membre du studio qui souhaite que tous les otakus crèvent la gueule ouverte.
- la version américaine de 2ch, dont le nom ne doit pas être cité, se rend également dans le même blog.
- 2ch étant japonais, il est xénophobe par nature. S'ensuit un choc des civilisations - au sens propre du terme.
- Le réalisateur quitte le staff et son nom disparait du générique.
- ?
- Profit !

Etrangement, personne ne semble en avoir parlé sur la (soupir) blogosphère francaise ; j'avais hésité à poster là-dessus, mais bon, Epitanime, tout ça. Par contre, la déclaration du réalisateur de l'anime Bokurano (produit par Gonzo) sur les lourdes modifications par rapport au manga, là, tout le monde semble en parler. On va refaire une liste à puces, parce que c'est idéal pour résumer un truc sans tomber dans des phrases tordues comme j'ai le chic pour les pondre (la preuve !) :
- L'auteur de NaruTaru, un des pires mangas de l'Histoire, si atroce que Glénat a stoppé sa parution après avoir sorti seulement trois tomes, pond une nouvelle horreur, Bokurano.
- Parenthèse : NaruTaru parlait de gamins qui récupéraient une sorte de bestiole à eux, qu'ils ne comprenaient pas et qui était assez portée sur la destruction. Certains se servaient de leur ersatz de Pokémon dégénéré pour tuer des gens, d'autres essayaient de l'apprivoiser, pour un résultat généralement sanglant. Il y avait des scènes de tueries, de tortures (dont un viol), et il y a eu un anime en 13 épisodes orienté pour les tits n'enfants. Ca se finissait en sous-End of Evangelion pour le manga et en queue de poisson pour l'anime. Fin de parenthèse.
- Bokurano parle d'une quinzaine de gamins qui pilotent à tour de rôle un bon gros Mecha des familles pour sauver le monde. Sauf qu'après chaque combat, même en cas de victoire, le pilote crève et laisse place au suivant. Certains y vont presque de bon coeur parce qu'ils en ont déjà marre de leur vie de petit japonais, d'autres deviennent fous en réalisant ce qui les attend.
- Bref, Kitoh Mohiro, l'esprit malade qui engendre ces mangas, est un argument vivant en faveur des autodafés.
- Bokurano est adapté en anime par le studio le plus commercial de l'archipel, j'ai nommé Gonzo. Ca fait quelques années qu'il n'y a plus un gramme d'originalité ou de passion dans leur travail : ils se contentent de faire le strict minimum pour ne pas énerver les fans tout en produisant un anime facilement exportable (sauf Gankutsuou qui fut un coup de chance de Rouge Citron Productions, c'est Déclic Images qui achète leurs licences à la chaine pour la France).
- Ainsi, le réalisateur de la version animée parle des changements auxquels les lecteurs du manga doivent s'attendre - à savoir, pas de morts de gamins.
- Kitoh Mohiro donne son point de vue de l'entretien avec le réalisateur, concluant que ce dernier n'aime pas le manga et que ses fans ne devraient pas allumer leur télé.

Il y a un instant, je disais que Gonzo produit des animes prêts pour le marché international. Regardez Welcome to the NHK : Gonzo est arrivé à "internationaliser" des passages assez adultes, comme les évènements sur l'île déserte. Toutes leurs adaptations, faciles à digérer, visent des publics adolescents, orientaux ou occidentaux. Pareil pour le bad boy Gantz : version censurée ou pas, le malaise psychologie du manga s'est envolé dans l'anime - il ne reste qu'une violence graphique qui excite les teenagers. Mais pour faire rentrer le détestable Bokurano dans ce moule, il y a du boulot ; comme pour le reste de leur catalogue, Gonzo fait des modifications. La seule différence, c'est qu'ils le font savoir par une voie (ou voix) peu commune : le blog du réalisateur, qui ne fait que parler de son boulot, aussi peu créatif soit-il. Ce n'est pas la première fois qu'ils apportent des changements importants à l'histoire d'un manga pour mieux l'animer. Tout le monde parle de cette histoire et réagit comme si c'était nouveau, comme si toutes les adaptations étaient (et se devaient d'être) fidèles à la page.

Sauf que ce manque d'inspiration, cette production à la chaine, a fini par assécher le studio de ses talents. En témoigne Origine, long métrage réalisé sur un scénario original, faisant carrément office de démonstration technique des talents graphiques de Gonzo : l'histoire n'était qu'un prêchi-prêcha écolo sous-inspiré par Hayao Miyazaki. C'est comme le Peintre de Nicolas Gogol (dans sa nouvelle "Le Portrait") qui a passé sa vie à gâcher son talent pour de l'argent facile, réalisant trop tard qu'il y a sacrifié son art et sa passion. Ce qui répond peut-être à ceux qui se demandent pourquoi le réalisateur aurait "choisi" d'adapter un manga qu'il n'aime pas... Et aussi pourri Gonzo soit-il, on ne peut que les défendre pour essayer de rendre Bokurano potable - ou tout du moins, "accessible au plus grand nombre". C'est pas de l'art, juste un business.



Ce soir, y'a une session IRC sur #editotaku@irc.worldnet.net, comme chaque dimanche à 21 heures, mais avec double ration de frites !