Vous vous souvenez de l'amie de QTCX qui nous avait enseigné le secret de l'économie japonaise pour rester en forme? Elle est de retour dans un autre mail, elle n'a toujours pas pris son Prozac et a donc toujours ce style que vous avez plébiscité dans les commentaires (c'est quand même autre chose que mes blagues sur Clamp et les consoles de sony). Alors hop, la voilà qui va voir des combats de sumo. Enjoy, et si le formatage est pourri, c'est la faute à QTCX qui sait pas faire un attachement dans un mail!

Nous penetrames dans ce grand edifice, et l'on nous distribuat les bentoo (apparemment tout le monde y avait droit, c'etait compris dans le prix, et comme escompte... pas de sake!)... Nous entrames ensuite dans une salle enorme, entouree de sieges en velours rouge comme au cinema, et ou tronait au plafond les photos (5m x 3m) des plus recents yokozuna (grade le plus haut dans la hierarchie du sumo, apellee Banzuke, il y en a d'habitude un ou deux en meme temps)... Nous nous assimes, abasourdis par la taille de la salle, et commencames derechef a deguster nos bentoo et notre sake. Le bentoo consistait de plein de riz, de quelques legumes, et de plein de trucs immangeables a la gueule bizarre (petits cailloux de merde sechee legerement sucree, gomme translucide faite de collagene de poisson, petits rouleaux de petrole luisants renfermant de la glaire de crabe, etc.)... Bref, encore heureux qu'on avait le sake pour faire passer tout ca, hein?

Au milieu des gradins, 15m plus bas (faut pas charrier quand quand meme, on a mis les gaijin a la pire place, celle ou l'oxygene se fait rare a cause de l'altitude, remplie de piliers, et ou il faut se baisser toutes les deux secondes pour pas se prendre un 747 dans les dents... Mais bon, j'me plains pas -on pourrait croire!-, car c'etait gratos...), se trouve un cercle d'environ huit metres de diametre, apelle le dohyo, recouvert d'une sorte d'argile, et surmonte d'un toit de chaume qui rapelle le toit des anciens temples shinto, lui-meme surmonte du Hi no Maru, le drapeau japonais... Sur ce ring s'ebattent les rikishi, les lutteurs de sumo, vetus seulement de leur string legendaire, duquel pendent des trucs qui ont l'apparence d'antennes de tele usagees...

Voici, grosso peto, comment se passe un match de sumo, sachant qu'on en a vu une vingtaine... Un arbitre, le gyoji, vetu d'un costume traditionnel ressemblant au kimono du Moyen-Age, et coiffe d'un chapeau de gaze noire, comme les pretres shinto, s'avance sur le dohyo, muni d'un eventail sur lequel il lit les noms des deux lutteurs (il chante plutot qu'il ne lit d'ailleurs avec une voix super nasillarde qui monte et qui descend), et d'ou ils viennent (du Japon, surtout, mais il y a aussi des Mongols, des Hawaiens, des Europeens de l'Est, et.... un bresilien, vetu d'un string vert et d'antennes de tele jaunes!).
S'avancent ensuite les deux gros en question, l'air menacant (vous me direz, meme avec un sourire affable, un gars de 2 m qui pese plus de 150 kilos a facilement l'air menacant... Carlos en oublierait son "Big Bisou"!)... Ils se toisent, puis se tournent le dos, chacun dans un coin du dohyo, et se tapent les cuisses et le cul pendant 3 bonnes minutes... Apres ils se retournent, se toisent, et puis ils prennent du sel dans un petit receptacle prevu a cet effet et aspergent le dohyo avec pour le purifier (ca s'apelle le Shio-maki, et je sais desormais par experience que plus le rikishi le jete haut et loin, plus il a la rage de vaincre, et plus le combat va etre agressif). Ils font ca deux ou trois fois (genre "c'est moi qui fait pipi le plus loin"), histoire de gacher plein de sel .
Ensuite, nos deux gars levent chacun la patte (mais genre super haut, a en faire palir d'envie la Goulue et toutes les danseuses du Moulin Rouge, et Pongo et Perdita apres un long voyage en voiture, mis ensemble, car ces gars-la te font le grand ecart aussi facilement que je bois du sake... et c'est pas peu dire!) plusieurs fois de suite, puis ils s'acroupissent (position sonkyo) et se relevent, la encore plusieurs fois de suite, et puis ils prennent enfin la position finale pre-combat du shikiri (terme technique pour dire le pet' en l'air et les deux poings poses par terre comme des gorilles)... La, on se dit: "Chouette! Ca fait 10 min qu'on attend ca...", et puis finalement non, l'un d'eux decide qu'il est pas pret, alors il se releve et c'est reparti pour 3 min de toisage, jetage de sel, levage de pattes, acroupissage, relevage, etc. Et ca, ca peut se reproduire plusieurs fois de suite ("Reveille-moi quand ils se foutent sur la gueule, cheri!")... La tension devient palpable, et pas que pour les rikishi, mais pour le public aussi, car il veut du sang, de la graisse et des grosses baffes! On est venus pour ca, merde!

Vient l'instant magique du tachi-ai (terme technique pour "foutage sur la gueule"), et ce choc initial produit un son proche de celui que font en se rencontrant dans une melee le pack francais et le pack anglais, a egalite dans le score dans les 20 m de l'equipe d'Angleterre a trois minutes de la fin du match... Toute la salle est parcourue par l'onde de choc produite par la rencontre de plein fouet a plein de kilometre-heure de deux mastodonts, pesant a eux-deux le poids d'une Smart, voire plus. Deux cas de figures se produisent alors...

Soit le plus gros gagne en ejectant le petit (le Pot de terre et le Pot de Fer), soit le plus petit gagne en evitant l'assaut du gros qui s'etale tout seul (le Chene et le Roseau)... Ce dernier cas de figure est assez marrant a voir, surtout que c'est surtout la tactique des rikishi Europeens ("Eh, les p'tites kekettes!")... Mais le premier cas de figure est bien marrant aussi, car souvent les arbitres et les spectateurs qui ont paye plus de 100 euros pour etre au premier rang se prennent un rikishi en pleine tronche, et ca, ca doit etre une experience unique au monde (peut-etre aussi parce qu'une fois qu'on a ressenti quel effet ca faisait, on a plus trop envie de s'asseoir au premier rang!)

Donc une fois les premiers moments de stupeur et de decouverte du sport passes, pendant qu'ils font leur petit manege rituel, on discute, on picole, on se decrotte le nez, on passe aux gogues, on se cure les dents, on fait des mots-croises, on fait une belote, on lit La Critique de la Raison Pure et Guerre et Paix, on redige son memoire de maitrise, on compte les moutons, bref, on attend le tachi-ai, qui dure de 3 a 10 secondes en moyenne (pour 10 minutes de preparation!)... Le sumo est un sport intense pour les spectateurs aussi....

Mais que se passe-t-il soudain? L'ambiance dans la salle change... Les gens crient, hurlent, trepignent, font des bruits de chimpanzes, jetent des bigorneaux et des praires... Je leve mes yeux de Guerre et Paix et je vois s'avancer environ 14 gros, en zoulis tabliers au dessus de leur string (Pensez-vous que sur ces zoulis tabliers soient representes des grues, des tortues, des dragons, des animaux mythiques ou des paysages typiques japonais... Meeeeeeeeuuuuuuu non, pas du tout! Chacun de ces tabliers est recouvert de messages publicitaires pour les grands sponsors: du yaourt bulgare pour le bulgare (si, si, je vous jure!), des compagnies d'assurance, des marques de voiture, et meme Hello Kitty !)... Ces rikishi deguises en panneaux publicitaires vivants sont les maegashira, komusubi, sekiwake, ozeki et yokozuna, qui font partie du maku-uchi, les plus hauts rangs dans la hierarchie du sumo... A partir de maintenant, ca rigole plus... Enfin!

Ils mettent en rond autour du dohyo, et tapent dans les mains, ils saluent la foule, font trois petits tours et puis s'en vont... Et la, ca devient excitant! Avant chaque match, les sponsors font defiler des bannieres autour du dohyo, pour dire qui sponsorise le match, et au fur et a mesure, y' de plus en plus de bannieres, et la foule s'echauffe... Nous aussi! (C'est peut-etre aussi du au fait que depuis quelques temps deja, notre bouteille de 2 L de sake est deseperemment vide...) Le sel gicle a 2 m, on sent les vieilles rancunes des tournois precedents, et les matchs sont plus equilibres et durent donc plus longtemps...
YEEEEEEEEEEEEESSSSSSSSSSSSSSSSS!

Enfin, on voit s'approcher un rikishi SANS TABLIER PUBLICITAIRE, et dont le tablier est surmonte de shime-nawa, c'est-a-dire de corde sacree, la meme que celle qui entoure les lieux de culte shinto... Cet homme-la est un dieu vivant, adule par la foule, desire par les plus belles (et les plus avides femmes du Japon! Avis aux celibataires: ce gros nounours de 23 ans est encore un coeur a prendre! Pour plus d'info sur ou le rencontrer et comment l'aborder, ecrire a l'adresse de notre magazine "J'aime les gros Nippons riches et celebres", en joignant un cheque de 1 500 yens et le tour est joue! Peu serieuses s'abstenir...). C'est le champion en titre: le yokozuna!
Il nous fait une petite danse, et cede la place aux 25 gugusses portant les banderoles des sponsors de cette derniere rencontre qui font le tour du dohyo (ils y tiennent meme pas tous en meme temps!) La foule est au bord de la crise de nerfs, on frise les syncopes multiples... Helio et moi, qui jusqu'ici, pour egayer un peu la journee, pariions a chaque match 50 yen sur le vainqueur, pris dans cette vague d'enthousiasme delirant, decidons soudain de monter les encheres a 100 yen (d'accord, d'accord, 100 yen ca vaut moins d'un euro, et on est des p'tits joueurs, j'avoue!)...

En moins de deux, le combat est fini, et le yokozuna gagne... Un peu decevant... Le souffle retombe soudain, le ballon se perce, le Pape lache un pet de souris, Citizen Kane casse sa pipe apres son fameux "Rosebud"...

Reste la ceremonie de la remise des prix... Apres un vibrant Kimi ga you, l'hymne national japonais ("Debout les gaijin!"), pendant lequel chaque Japonais present dans la salle semblait regarder dans une direction differente SAUF celle du drapeau au-dessus du dohyo (ou alors on est p'tet cense regarder vers l'est et ils ont tous un mauvais sens de l'orientation...), le yokozuna revient sur le dohyo... Avant de recolter ses cadeaux, il execute des mouvements de ouf malade super rapides genre majorette en accelere avec un arc de 2 m (le yumitori shiki) pendant 5 minutes sans s'arreter ni ralentir le mouvement (Helio et moi avions repris nos paris debiles pour savoir combien de temps il tiendrait sans se le fourrer droit dans l'oeil)...

Ensuite... Les cadeaux! Les cadeaux! Il recoit d'abord, comme tous ses petits camarades vainqueurs de la journee une enveloppe pleine de pognon, puis des delegations venues de quelques pays du monde viennent lui offrir des cadeaux... (je sais pas ce qu'il fout de tous ces vases, coupes, sculptures grandeur reelle an papier mache, mais j'espere que son appart' st grand!)... Il y a eu une delegation chinoise, mongole, tcheque (mon collegue tcheque, qui n'a plus entendu parler sa langue natale depuis plus de trois mois, est remonte nous voir dard-dard de l'endroit ou il prenait ses photos, pour nous annoncer la nouvelle et a failli fondre en larmes!), mexicaine, et... Coricooooo! Frere Jacques, Jacques Chirac, ou vas-tu, trou du... une delegation francaise... Tous parlaient d'abord en japonais, puis dans leur langue natale... Mais alors, accrochez vous bien... Le brave gars avait pas dit trois mots en japonais (dont aucun ne faisait reference a la France!) que tous mes potes (le tcheque, le Portos, l'italien, le Bresilien... et meme le Mongol, qui n'a JAMAIS etudie un mot de francais!) se retournent vers moi et se marrent comme des baleines ayant pris trop de popper's, car l'accent de mon compatriote etait de loin LE PLUS POURRI DE TOUS LES TEMPS!!! La honte... J'ai failli huer le gars! Non mais merde, ca se trouve des francais qui lisent mieux le japonais que ca! "Ouatashioua... euh... Tchiyotailleukailleu... euh..." (Watashi wa, sans le "euh", Chiyotaikai, sans le "euh"..., etc.)

Bref, que d'emotions... Et l'emotion, tout le monde le sait, ca donne soif! Alors pour finir cette journee typiquement japonaise riche en decouvertes, en rencontres, en sourires partages, en emotions (merde je l'ai deja dit ca!), en delectation, en contemplation, en calcification, en ramification (je vous laisse trouver d'autres mots sympathiques se terminant par "ion"...), nous sommes alles feter dignement et a notre maniere la victoire du yokozuna (je sais meme plus son nom, c'est l'emotion... sniff, sniff...) dans une izakaya, non tenue par des yakuza cette fois...