L'avantage d'écrire un article tous les jours ou tous les deux jours, c'est que l'on peut donner ses sentiments à chaud - tout en ayant le temps de réfléchir un peu avant d'écrire. En ce moment, je compile un pseudo-best-of des deux dernières années de cette colonne et ce qui précède s'y confirme: par exemple, Onegai Twins a eu droit à trois articles tout au long de sa diffusion, chacun représentatifs d'un état d'esprit qui a évolué.
Seulement, c'est parfois bon d'attendre un peu. Tout simplement parce que le jury peut toujours être en train de délibérer (Call of Duty n'a été discuté qu'après l'avoir fini), ou parce que le sujet est trop brûlant pour être abordé. Trois exemples: Kana Imouto, un dating sim hentai pour PC (version "épurée" sur Xbox également dispo), dont l'article non publié est dans mes papiers depuis plus de six mois. Koi Kaze, un anime qui est en arrive à ses derniers épisodes et que je n'ai toujours pas critiqué parce que la balance est toujours dans le neutre. Enfin, Aishiteruze Baby, dont je me décide à aborder le cas.

Anime en vraisemblablement 13 épisodes, puisque le 13ème va être diffusé la semaine prochaine et que si ça tient 26 chapitres, ils peuvent se les fourrer où je pense. L'histoire est croustillante, ne vous y trompez pas: une gamine de 5 ans est larguée par sa mère, devenue veuve un peu trop tôt. La mioche est récupérée par le reste de la famille, qui en confie la garde au fils ado, qui porte des boucles d'oreille et est un vrai Roméo avec ces dames. Ajoutez à ces deux persos la signification profonde du titre et comprenez pourquoi j'hésitais à vous en parler.

C'est pas compliqué: durant les huit premiers épisodes, il ne se passe rien. L'obsédé attend son lot de comportements pseudo-incestueux? Tout ce qu'il a à se mettre sous la dent est qu'ils partagent la même chambre et le même lit. Je vous l'accorde, c'est quand même largement suffisant pour en faire de la chair à fanfiction.
Pendant ce temps, Yuzuyu (la fillette) et Kippei (le garçon) passent des épisodes entiers à résoudre des interrogations profondes dont tout le monde se fout: un épisode entier pour cuisiner un bentô à Yuzuyu, deux épisodes pour lui apprendre à gérer les gens méchants qu'on croise sur les bacs à sable. Bref: le cerveau se met quand même à hurler "mais putain Raton, t'as foutu en l'air 7h30 de ta vie à regarder c'te merde!" Pour éviter de finir avec une lame de rasoir plantée dans les veines, on peut justifier l'intérêt sociologique, parce que là c'est pas piqué des hannetons. Un épisode entier parce que Yuzuyu, de passage dans l'école primaire du coin, n'a pas le même uniforme: le suspense insoutenable s'achève sur l'achat des vêtements appropriés et elle rentre dans le rang. Un épisode entier parce qu'elle n'arrive pas à marcher au pas, angoisse terrible à l'approche du défilé pour le festival de l'école: dormez braves gens, la petite trotte comme un vrai soldat avant le générique de fin. Un épisode entier où les autres mômes se foutent de sa gueule parce qu'elle n'a pas de maman? Moralité sous-entendue après 26 minutes: peu importe que tu sois différente, tant que tu fais comme nous.
En fait, à part la flopée de messages bien pensants (qui arrivent à flots dès le 9ème épisode où la série décolle enfin), il n'y a pas grand chose à tirer d'Aishiteruze.... Pêle mêle, on découvre aussi que s'occuper trop jeune d'un gosse, ça vous fait mener une vie de merde (Kippei est complètement ignoré des autres filles dès qu'il prend Yuzuyu sous son aile!). Une mère qui abandonne sa fille, ça a vraiment une sale gueule et ça pleure tout le temps. Au fur et à mesure, on a de plus en plus envie d'écorcher la toute-mignonne-quelques-épisodes-plus-tôt-purée-qu'elle-est-capricieuse-en-fait Yuzuyu. Et enfin: même si ça n'est pas vraiment assumé, la petite est vraiment amoureuse de Kippei, scènes de jalousie comprises. Une histoire d'amour "normale" entre Kippei et une fille de sa classe est ajoutée au mix, mais elle est tellement délaissée et secondaire qu'elle sert surtout aux auteurs pour se donner bonne conscience: "mais non, notre anime n'est pas qu'un gros fourre-tout d'allitérations pédophiles".
Alors, avis du raton-qu'en-dira-t-on? Aishiteruze Baby est une perte de temps. Considérez comme "perte" dans le sens que c'était parfaitement inutile, ou dans le sens que ça mène à la perte d'une innocence que l'être humain a pour habitude de chérir. Pour chaque référence dégoulinante de bons sentiments à la love story, je comptais un craquement clairement audible quelque part dans ma tête. Faut croire que l'adage est faux: finalement, on ne s'habitue pas à tout.

Evidemment, on est en droit de craindre le marketing si cette série quitte le Japon pour être vendue à un public occidental. Soit ce sera orienté vers les pervers qui ont aimé Popotan, soit ce sera jeté en pâture aux pré-Lolitas éthérées qui regardent Fox Kids. Donc ouais, pas d'inquiétude, ça risque pas d'arriver chez nous - et si c'est le cas, c'est le flop assuré.