(Je poste ça depuis le fin fond de la campagne avec un adaptateur CPL que je garde connecté en tenant la prise avec le pied. Le tout sera édité dimanche soir, pendant la session IRC, avec les liens et le reste. Bon ouikende à vous !)



Meilleur jeu vidéo : Orange Box
Nominé : World In Conflict
On peut tourner le problème dans tous les sens, mais force est d'avouer que Valve a super bien joué sa mise en orbite. Avant Half-Life², ils lancent Steam sur les malheureux joueurs de Counter-Strike 1.6, pour tester la technologie d'authentification à distance. Les résultats sont si calamiteux que nombreux sont ceux qui restent sous C-S 1.5. Quand les choses finissent par se stabiliser, HL² est obligatoirement fourni avec la bestiole : comme il s'agit d'un des jeux les plus importants de l'histoire du jeu vidéo PC, les installations de Steam sur les PC de joueurs deviennent aussi communes que Napster en son temps (et c'était le bon temps !). Par des promotions intéressantes, Valve encourage à passer par sa plate-forme pour acheter les aventures de Gordon Freeman, éliminant complètement les revendeurs et éditeurs de l'équation. Certes, le téléchargement digital ne les avait pas attendus, mais à la manière d'iTunes pour la musique, Steam est le premier système qui propose des sécurités simples et peu invasives pour le client. Ainsi, de simple développeur, Valve devient éditeur à part entière et à part tout court, puisqu'il n'a pas pignon sur rue tout en proposant des centaines de produits. Ca commence par les indépendants, et voilà qu'Activision, Eidos ou Sega proposent leurs titres sur Steam.

Pour que ce texte ne ressemble quand même pas à une fellation, rappelons une forte et concrète réserve émise à son encontre. Okay, ça vient de George "When It's Done" Broussard, monsieur 3DRealms et grand clown du cirque Duke Nukem Forever, mais n'oublions pas que c'est aussi Apogee (devenu 3D Realms quand Duke3D est sorti) qui a généralisé le concept de shareware aux cotés de id Software. Bref, le monsieur s'y connait en matière de distribution digitale. Et George pense que Valve, en étant à la fois éditeur et développeur de jeux de shoot, est en conflit d'intérêts. Explication : Valve garde un secret absolu sur les chiffres de vente de son système. Si des concurrents des produits maison (Half-Life, Counter-Strike, Day of Defeat, Team Fortress...) sortent sur Steam, Valve dispose de précieuses informations sur les ventes des différents jeux, sans parler des autres pouvoirs, comme établir un agenda qui ne causerait pas de vagues pour ses propres titres. Et comme Valve finance ses jeux avec les bénéfices de Steam, les concurrents financent ainsi leurs rivaux ! Alors, George a deux solutions : primo, faire un concurrent de Steam. Ce qu'il fit, en soutenant le système Triton, qui hébergea Prey et était destiné à recevoir Duke Nukem Forever (*rires enregistrés*). Sauf que Triton s'est planté comme une merde sans que George soit au courant , et George a été obligé d'envoyer des boites de Prey par la poste à ceux qui l'avaient acheté par ce biais. Secundo, encourager Valve à ce que Steam devienne une société séparée, mais on voit mal Valve se séparer de pareille pompe à fric. Ironie du sort : Prey est devenu disponible sur Steam, sûrement en guise de ballon d'essai avec un produit en fin de vie.

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Pour mieux vous expliquer que Valve, développeur autofinancé par excellence, peut se permettre bien des choses qui font leur qualité. Avoir un support technique sous acides, inviter n'importe quel bozo dans leurs studios, recommencer quatre fois un jeu sur dix ans, embaucher des petits jeunes pour qu'ils sortent un jeu qui se termine en trois heures, ou sortir la meilleure compilation de jeux avec un nom et une jaquette incompréhensibles. Parce qu'ils peuvent se le permettre, c'est tout. L'Orange Box : Team Fortress 2, qui renoue avec les plaisirs simples du multijoueur sur le Net, éclipsant les trop gourmands Unreal Tournament 3, Crysis et Enemy Territory Quake Wars (en plus, ils sont moins marrants). Surtout, TF2 prouve à l'industrie qu'on peut faire un jeu "pour les grands" avec un design non réaliste, et d'ailleurs, qu'il y a autre chose que le réaliste et le cell-shading dans la vie. Un succès commercial visuellement atypique : cet évènement est aux graphismes ce que la Wii est aux manettes. Rien que ça.

Tout à l'heure, je parlais de Prey. Dans ce jeu, on sépare l'esprit de son corps, on flotte vers des boutons physiquement inaccessibles, et on retourne dans son enveloppe charnelle. Ajoutez quelques monstres, rincez et répétez pendant six heures. Ou les énigmes dans Soul Reaver 1 et 2 : le même enchaînement de puzzles avec des cubes à déplacer pour reconstituer des frises murales. C'est toujours comme ça : un développeur se réveille un jour avec une idée de génie, fait un jeu sur ce concept, un éditeur lui dit que le bousin doit durer au moins dix heures pour justifier ses 60 euros, alors le pauvre programmeur étire son gimmick comme un chewing-gum mâché toute la matinée. Portal n'aurait jamais fait autant d'effet sans son inclusion dans l'Orange Box : on l'aurait mis de coté, comme un effort philanthropique de Valve pour les gentils développeurs indépendants. Trois heures, pas d'armes, un cube et des trous dans les murs : le FPS le plus féminin qui soit, et en plus, il chante.

Enfin, les aventures de Gordon Freeman, qu'on se retrouve à mettre de coté - on en est le premier surpris. C'est comme si on regardait une éruption volcanique en haussant les épaules, arguant qu'on a déjà vu des évènements naturels plus impressionnants que ça. Voilà, c'est ça, l'Orange Box ; en plus, il paraît qu'il y a du gâteau dans cette boite.


Pire jeu vidéo : les jeux Wii par des éditeurs tiers.
nominé : la totalité de la logithèque ps3, à l'exception d'Uncharted Drake's Fortune.
A l'époque de la Nintendo 64, aucun développeur ne voulait se limiter à la taille des onéreuses cartouches qu'il fallait acheter à tonton Mario. Tout le monde développait sur CD pour la Saturn ou la psone. Alors Nintendo était tout seul sur sa machine. Le Gamecube doit son échec à une faible valeur ajoutée pour les éditeurs, coincé qu'il était entre une ps2 omniprésente et une Xbox plus puissante ; et Eternal Darkness ou Resident Evil 4 n'ont pas suffi à lui enlever son image de jouet.

Quand la DS est sortie, personne n'y croyait ; tout le monde pariait sur la psp, ses batteries qui fatiguent, ses pixels morts, ses UMD hors de prix gavés de jeux déjà sortis sur psone ou ps2, et ses temps de chargement. Nintendo a fait ses preuves, allant jusqu'à faire un blockbuster avec un simulateur de chiots. Alors, tous les éditeurs s'y sont mis : faire une 3D approximative, inviter le joueur à gratter l'écran, et vendre le tout à 40 €. Il y a des jeux du "devine à quel nombre je pense", le genre de truc que j'ai écrit à 7 ans sur mon Thomson TO8-D, nom de Dieu. Si Nintendo arrive à vendre un machin de QI ou pour les yeux, sortons un truc pour faire du yoga ou devenir ambidextre, ça marchera ! Ah, non, les gens ils achètent que des jeux Nintendo comme Animal Crossing ou Zelda. Alors, Nintendo vend tout seul sur sa machine.

La Wii, c'est pareil. Les éditeurs voient cette machine comme la solution "pas chère" pour faire des jeux de salon, contrairement aux ps360, où les coûts de développement n'autorisent pas l'échec. La Wii devient la nouvelle ps2, le cul du marché où l'on sort des merdes en rafale : c'est pas risqué et vu le parc installé, y'en aura bien qui achèteront. La ps2, elle, est devenue la chasse gardée des RPG nippons, niche hardcore s'il y en a. Le plus marrant, ce sont les nombreux articles où les éditeurs tiers se plaignent de l'hégémonie de Nintendo sur ses propres plate-formes, "comme à l'époque de la N64 et du Cube". Ils n'en foutent pas une rame et ils croient que ça va se vendre ? Vous pouvez me citer des jeux non-Nintendo qui soient vraiment intéressants sur la Wii ? Purée, vivement que Zack & Wiki débarque.

(maintenant que vous avez lu tout ça, vous avez pigé pourquoi ce texte a été posté en retard. Et c'est pas fini en plus)

Meilleure surprise de l'année : Nolife
Nominé : Francis dans Super Paper Mario
Ils décrivent toutes les transformations causées par le Midnight Bliss de Dimitri dans DarkStalkers et les autres jeux où il apparait. Ca laisse une plage horaire de plus de 50 minutes à un superplay commenté de Radiant Silvergun. Les jingles de la chaine sont composés par Akira Yamaoka, Sanodg et Yuzô Koshiro, qu'ils dénomment à l'antenne en mettant le nom avant le prénom. Ca diffuse les films de City Hunter en VO sous-titrée. Même les rarissimes publicités sont sympathiques. Ils propagent une otakulture d'élite sans être élitistes, et n'en cachent pas la difficulté quand ils doivent rester dans les rails du CSA ou de la comptabilité. Il paraît même que certains membres de l'équipe lisent l'éditotaku... Chaque journée de diffusion de Nolife est un gigantesque pied de nez surréaliste au reste du PAF. C'est comme si Radio Intrépides (*) existait pour de vrai ; ne riez pas, après tout c'est Red Fromage qui en est le patron. On regarde, et on se dit que c'est encore plus impossible que le Virus Informatique, Gaming ou Epitanime. Un matin, on se réveillera, et tout aura disparu, comme un réadjustement de la Matrice ou un truc du genre, prouvant bien que ça ne devrait même pas exister. Et pourtant, elle tourne.

(*) non, vous ne vous souvenez pas de cette vieille série télé sur Canal J où un Lorant Deutsch prépubère émettait une radio pirate depuis un studio fabriqué en Meccano.

Meilleur jeu indie de l'année : Rückblende
Nominé : GumBoy Adventures
Arrêtons de parler de Passage, merci. Rückblende dure 10 minutes (et pèse 500 Mo !). Ce n'est pas un jeu vidéo, plutôt un livre d'images virtuel. Le soin apporté à chaque détail fait qu'on aimerait évidemment en avoir plus, mais qu'on réalise parfaitement que c'est matériellement impossible pour un seul développeur. En plus, ça fait retomber en enfance. Les années précédentes, j'ai encensé The White Chamber ou Cave Story, des jeux gavés d'un super gameplay ; pour une fois, et surtout, pour cracher dans la soupe du formatage graphique de l'industrie, montrons quelque chose de différent.

Meilleure chose qui soit enfin arrivée sous nos latitudes : le manga Genshiken
Nominé : Elite Beat Agents
C'est bien édité, bien traduit, réservé aux otaques mais assez accessible à ceux qui nous observent sans être des nôtres, et en plus, c'est drôle. On en a déjà parlé dans cette colonne, alors contentons-nous de répéter que Genshiken fait preuve d'une certaine maturité éclairée sur l'otakulture - évidemment inspirée par du vécu - qui crée inévitablement une grande familiarité avec le lecteur. D'ailleurs, en parlant de ça...

Meilleur anime de l'année : Lucky Star
Nominé : Gurren Lagan, que je n'ai pas suivi au-delà des premiers épisodes : face à un tel degré de qualité, j'ai tout simplement refusé de regarder des téléchargements. J'attends les DVD. Vraiment.
Familiarité avec le spectateur, donc. Comme Sakura Mail, un de ces derniers animes principalement réalisés "à l'ancienne", avec les cellulos aux couleurs chaudes et aux décors tendrement colorés, montrant les saisons qui passent dans le coeur des lycéennes en fleur. Le genre d'anime qu'on matait sous une grosse couverture avec une énorme tasse de thé à la vanille, et qui explique bien pourquoi il y a tant d'otaques en ce bas monde.
Lucky Star réussit l'exploit d'être une de ces couvertures sous lesquelles on se laisse porter, un sourire béat et niais sur les lèvres. Je croyais que c'était fini, tout ça, envolé avec les cellulos, les teintes à l'huile et les VHS. Et Kyoto Animation arrive à ressusciter ce sentiment de chaleur capitonneuse, sans mièvrerie, avec juste des filles entre l'adolescence et quelque chose d'autre qui profitent tranquillement de leurs plus belles années. Peut-être que l'anime d'Azumanga Daioh (auquel Lucky Star a été comparé) avait tenté de faire pareil, je n'en sais rien, mais il restait encore dans l'humour slapstick du rythme à quatre cases du manga originel. Lucky Star profite plus largement des personnages, rajoutant du bien (un rythme sympathique) et quand même un peu de mal (la publicité permanente pour Haruhi Suzumiya). Je l'ai déjà dit, techniquement, ça vole pas bien haut, tant on sent que KyoAni se concentre davantage sur d'autres projets et considère Lucky Star comme nous : une bonne grosse récréation où l'on a le droit de somnoler à l'ombre des arbres. Mais en plus, et c'est là le bonus qui tue, la cerise sur le gâteau, le pin's parlant dans l'édition limitée : le téléspectateur est inclus à l'intérieur de la série. Coup de coeur, rien de plus et rien de moins.

Meilleure chose qu'on attend encore sous nos latitudes : le manga de Welcome to the NHK
Nominés : Nadesico, Full Metal Panic! The Second Raid
Welcome to the NHK tarde à arriver, en raison de son contenu quelque peu licencieux. Okay, c'est pas non plus Kodomo No Jikan (sorti aux USA sous les foudres des censeurs et sous le nom de Nymphet), mais dès les premiers chapitres, un des persos se pervertit en se planquant dans les buissons pour photographier des écolières à la sortie des cours. Alors oui, l'éditeur francais qui distribuera ça aura les reins assez solides pour essuyer une éventuelle invasion de grenouilles de bénitier. Ce qui nous amène à la catégorie suivante...

Meilleure page de manga de l'année :
Pas de nominé. Mais quand on voit la page gagnante, on comprend pourquoi : L'Amour en Cours, tome 2, aux éditions Tonkam. N'oubliez pas que ça se lit de droite à gauche.