Par Mdt


Cet article est une réponse à celui de Nixou, lisible plus bas. N'ayant pas prévu de le faire et manquant de temps, je m'excuse par avance pour son caractère brut et mal fini.


Cette semaine quartier libre sous le signe astrologique du Troll. Après mon humble participation sur les otakettes, Nixou fit encore plus fort : il conspua non plus le tier de la proportion de la communauté otake (proportion de fille inventée par moi-même à l'instant), mais sa totalité. Ou, du moins, le spécimen qui constitue le coeur de cible de l'éditotaku, à savoir l'otaku éclairé.
Il part du postulat que notre génération, celle qui a grandit devant Jackie, Corbier et Dorothée, appréciait alors des animés japonais de qualité médiocre, moqués par la société adulte. Et explique le cycle infernal que constitue ce curieux retour aux origines : les otakus désormais adulte tentent désormais de justifier leur passion enfantine, en décernant aux animés récent diverses palmes : scénario intelligents, réalisations osées, thèmes fédérateurs, portraits soignés d'une société, d'une civilisation qui n'est pas la notre. De censuré, l'otaku serait devenu censeur.


Cette vision des choses n'est hélas pas totalement faussée. Le passage où il explique la vile méthode qui consiste à comparer le meilleur d'une culture au pire d'une autre pour glorifier la première et descendre la seconde est plutôt pertinent.
Cette méthode, en jargon scientifique, est définie comme hypercritique. Elle permet par exemple à de sombres connards de nier les génocides nazis. Point de Godwin ici, cette précision est uniquement présente pour votre culture personnelle.
Ce qui est plutôt amusant, c'est l'utilisation par Nixou de cette même méthode qu'il dénonce pour démonter les tentatives d'analyse des animés par les bloggeurs. Il prend ainsi quelques exemples isolés pour appuyer son propos, ignorant les nombreux articles et analyses de qualité qui peuvent exister ailleurs sur blogs ciblés. Appliqué à un film, cette méthode reviendrait à condamner un chef d'oeuvre pour une minuscule erreur de montage à la 4eme minute. J'ai même un exemple en tête : dans Blade Runner, en figeant l'image du DVD à un moment clef, on peut voir les câbles soutenant la caisse d'Harrisson Ford. Mais OMG quoi, ce film est une bouse!


Il me vient plusieurs objections. Tout d'abord, présenter les jeunes ados que nous fûmes comme des consommateurs décérébrés d'animés bousesques est une généralisation abusive. Nombreux parmi nous connaissions totalement la faible valeur artistique d'un DragonBall ou d'un Ranma, tout en passant outre.
C'est la dichotomie entre goût personnel et sens artistique qui se crée lors de la formation d'une personnalité, et explique qu'on puisse adorer une série, un film, un livre, tout en estimant sa valeur comme oeuvre à zéro. Certes, tous ne sont pas capables de cette distance. Mais la plupart des otakus possède ce minimum de bon sens qui leur permet de trier le plaisir brut du plaisir intellectuel. Un anime chiant peut être excellent (Miyazaki), un anime intéressant peut être excellent (Cowboy Bebop), un anime intéressant peut être mauvais (Evangelion), un anime chiant peut être mauvais (Naruto). Tout oeuvre peut s'apprécier à deux niveaux, le plaisir immédiat lors de sa vision, et l'analyse qu'on en fait à posteriori. Cette dernière est facultative mais nécessaire.


Nixou moque cette propension à trouver dans chaque animé bateau des trésors d'intelligence. Je ne suis pas d'accord. L'analyse, même non maîtrisée, est toujours préférable à l'absence d'analyse.
Prenons d'abord le cas de celles du Raton, qui sont en général très intéressantes et justes. Décortiquer un animé, ce n'est pas forcément glorifier la culture dont il est issu. Différents éléments s'offrent au spectateur, chacun pouvant être d'inégale valeur. Ainsi, Death Note, pointé par nixou, présente un scénario plutôt malin, voir intelligent. Si l'on précise cette vision, ce scénario est très intéressant sur sa moitié, puis s'essouffle dans sa dernière partie. Mais l'animé n'est pas que scénario. On peut ainsi pointer une réalisation moyenne, une mise en scène décevante, une narration passable. Au final, l'animé discuté se voit éclairé, le revoir avec ces éléments provoque un plaisir différent, une plus value par rapport à la première vision émotive.
Et, me direz-vous, dans le cas d'une analyse mauvaise? L'erreur, l'imprécision menace chacun d'entre nous. Au plus haut niveau, dans les plus hautes spécialisations, dans les domaines les plus précis, l'erreur existe. Je le constate souvent quand je parcoure certains libres écrits par des sommités. L'erreur n'est pas condamnable, car ce qui importe est la démarche : la volonté de comprendre (intelligere en latin) et de rendre ce qu'on pense savoir par écrit. Les skyblog sont peut-être une catastrophe orthographique et stylistique, mais au moins c'est de l'écriture. Lire Harry Potter ou un Manga est préférable à une absence de lecture. Un article analytique moyen est plus souhaitable qu'une absence de pensée.


Il ne s'agit donc pas de doter le hobby de lettres de noblesse, mais de reconnaître en chaque chose ce qui est bon et mauvais. Raton le fait régulièrement n'hésitant pas à pointer ce qui fait tâche dans l'animation et plus largement la culture japonaise.
Socrate, la base de notre culture occidentale, nous a transmis l'importance du questionnement, du doute, de la remise en cause. Ne pas exercer cet arbitrage nous rapprocherait au fond du Japon, ou la philosophie est bien différente. Peut-être est-ce votre souhait. Mais, en attendant, amis bloggeurs, continuez à écrire. Du flot de billets naîtra bien une petite lumière.