Il y a quelque chose d'antinomique dans la promotion de la psp par ses fanboys ; d'un côté, ils n'hésitent pas à mettre en avant des tableaux comparatifs des capacités techniques de la DS et de la psp en hurlant bien fort que Nintendo est dépassé, et de l'autre, les titres originaux (comprenez, pas tirés d'une licence existante) les plus intéressants sur la machine sont des jeux conceptuels qui auraient pu tourner sur une 32-bits de salon. Lumines, Mercury, Karakuri (Tokobot chez nous)... Peut-être que c'est à cause de cette incapacité à faire des jeux nouveaux qui en mettent plein la vue que sony est passé de cette situation à son exact opposé en moins d'un an, je n'en sais rien. Cette console est l'impersonnalisation de l'adage "qui peut le plus peut le moins". Un monstre de puissance qui ne sait se montrer inventif qu'en se tournant les pouces.

Loco Roco ne risque pas de changer cet état de fait, mais il est attendu par pas mal de monde comme l'espoir inespéré (sic) de la console. Quand je dis "pas mal de monde", j'inclus également ses détracteurs. En témoigne le sieur Laveur Raton qui, lors d'un article censé pronostiquer le futur immédiat des jeux vidéo pour un magazine spécialisé, a brossé un portrait du marché des portables en large faveur de la DS ; il a cependant gardé un coin de phrase optimiste pour Loco Roco, "qui semble parti pour devenir le Katamari Damacy de la psp". Dont acte.
Bien que le titre soit une licence nouvelle, le concept n'est pas original pour autant : déplacer un personnage en faisant pencher le décor, c'est déjà vu. Dans Super Monkey Ball, c'est le monde et non pas le singe encapsulé que l'on dirige. Ou Kirby Tilt 'n' Tumble et le fort moyen Yoshi's Universal Gravitation, jeux avec un capteur de gravité monté dans la cartouche - la similarité entre Loco et Yoshi n'est d'ailleurs pas passée inaperçue. Comme quoi, un des jeux les plus attendus de la psp reste une repompe.
Mais bon, je maintiens ma position sur Yoshi's Universal Gravitation : ce n'est pas un très bon jeu que j'avais acheté pour sublimer les incessants retards de la version européenne de WarioWare Twisted. C'était en juin 2005 et Twisted était déjà sorti depuis plus de six mois au Japon, et à l'heure où j'écris ces lignes, IL N'EST TOUJOURS PAS LA ! Non, pas d'import pour celui-là, je le garde comme dernier espoir d'intéresser ma maman aux jeux vidéo et il faut bien qu'elle comprenne le verbe au début de chaque mini-jeu qui indique ce qu'il faut faire. "Dernier espoir" reste relatif, quand même. Vous devriez la voir en train de pivoter furieusement la PlayStation Mobile à la manière d'un volant pour piloter la voiture de Ridge Racer. En fait, je pourrais filmer la scène et la poster sur YouTube, mais il y a une bonne raison pour ne pas le faire : la vidéo serait si hilarante de pathétisme qu'elle ferait tellement le tour du Net qu'elle finirait par être citée dans quelque reportage présentant les jeux vidéo comme un loisir pour dégénérés, et serait finalement portée à l'attention de ma génitrice qui me laisserait déshérité. Or, ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas ?

La démo de Loco Roco est la première de son genre sur la psp : on peut enfin caler le fichier sur MemoryStick et jouer à un jeu sans le moindre temps de chargement. Officiellement, s'entend - tas de hackers désoeuvrés que vous êtes. Surtout qu'elle sert surtout à faire passer la pilule de la mise à jour vers le firmware 2.7 de la console, qui la verrouille bien évidemment de la faille GTA Liberty City Stories, dernière porte de sortie vers les émulateurs et autres bidouilles. Perso, je n'en avais pas grand-chose à cirer, vu que chaque GTA sans visée à la souris a le don de me gonfler immensément après seulement quelques heures. La stratégie "je te verrouille ta console mais je te file quand même un truc cool à la place" est quand même en train de se généraliser : Halo 2 qui scanne la Xbox et vire les dashboards modifiés, Mario Kart DS qui désactive les DS avec la moindre soudure non-officielle, GTA LCS qui force la psp en 2.5...Enfin bon.
Si vous hésitez entre vos émus SNES et la mise à jour, voilà de quoi vous faire une idée du contenu : comptez moins de 15 minutes pour boucler la démo la première fois, mais attendez-vous également à vous la refaire plein de fois tellement il y a des trucs cachés un peu partout. Faux murs, plafonds qu'on casse à coups de boule, interrupteurs un peu partout, la lune endormie qui ouvre un passage secret après qu'on l'ait réveillée... Tout dans ce jeu me fait très fortement penser à du Nintendo, jusqu'à dire que Loco Roco est l'exact remix de Yoshi's Island version sony. Vous vous souvenez de l'écran de la carte, où un instrument s'ajoutait à la mélodie à chaque fois qu'on terminait un monde ? Les Yoshis multicolores ? Et les Cotonou Prout Prout ? Les oeufs qui vous suivaient dans une queue-leu-leu un peu anarchique ? La notation à la fin du niveau sur la récupération de fleurs ou votre capacité à finir le niveau sans vous être fait toucher ? Vous vous souvenez de Super Mario World qui ajoutait un tam-tam à la mélodie quand on grimpait sur Yoshi ? Tout ça, on le retrouve dans Loco Roco. Le thème musical est carrément chanté par le Barbapapa-like qu'on déplace, à la façon de Luigi dans Luigi's Mansion. Quand elle se sépare en petits groupes, chaque boulette continue à chanter dans son coin, donnant un résultat proche d'une chorale d'école maternelle sous acides - allez l'écouter sur le site officiel, c'est fendard. Les ennemis - des visages de rastas avec des dreadlocks, style réduction de têtes par une tribu pigmée - se déplacent en flottant, comme les flocons hallucinogènes de chez bébé Mario. De grosses fleurs cachées un peu partout dans le niveau sont très importantes pour avoir un bon score. Je ne serais pas étonné d'apprendre que quelques anciens membres de Nintendo auraient été débauchés par sony pour pondre ce jeu, tellement on se retrouve transporté dix ans plus tôt.

Techniquement, c'est tout pareil de comme on a dit au commencement du début de l'article : pas un gramme de troisième dimension ou de débauche graphique, tout est en vectoriel. Le firmware 2.7 ajoutant la prise en charge du Flash (officiellement tout du moins - il n'a pas voulu lire le moindre épisode des Happy Tree Friends), le jeu pourrait tourner avec qu'on ne ferait pas la différence - et si ça se trouve, peut-être qu'il tourne réellement en Flash. Problème inhérent à ce design épuré et aux couleurs pastel chatoyantes, le contraste lumineux du jeu fait ressortir la sale rémanence de l'écran. Quand on fait pencher l'écran et que le sol vert laisse place au ciel blanc, la ligne d'horizon est accompagnée d'un jaune baveux qui fait penser que le petit-mais-deviendra-grand Loco Roco laisserait une traînée de slime comme un vulgaire escargot...
Mais à l'instar de ses confrères originaux mais austères, Loco Roco est amusant. Si amusant, en fait, qu'on peut tomber sur un truc mauve et turgescent qui ressemble à une érection canine sans même faire de rapprochement déplacé avec l'acteur italien de films pour adultes.
Cependant, n'est pas Nintendo qui veut. Cette démo est un quasi-sans-faute, le jury émettant toutefois des réserves sur la maniabilité. Pas la jouabilité hein, l'ensemble tourne avec trois touches et pas de croix ou stick directionnel. On penche l'écran avec L ou R, on sépare et on reforme Loco Roco avec Rond qu'on enfonce plus ou moins longtemps. D'ailleurs, ce n'est pas l'utilisation intensive des deux flippers qui m'a rassuré sur leur solidité... L'inertie particulière de la boule demande un temps d'adaptation, mais il reste très difficile de lui faire faire des sauts précis. Et lorsqu'on se retrouve dans certains passages secrets qui demandent des acrobaties qui seraient déjà pimentées avec un personnage bipède, c'est la catastrophe. La démo est facilement finissable, mais attendez-vous à une sacrée frustration dans les lieux cachés - je pense à la série de sauts qu'on atteint depuis le trampoline-berceau, derrière le faux plafond. On sait ce qu'on veut faire, on sait comment le faire, on s'est bien entraîné, mais boule-de-gras ne suit pas dès que ça commence à devenir ardu. Donc, maniabilité douteuse dès qu'on a besoin de précision. En clair :



Je sais où est la dernière fleur, je sais comment l'atteindre, mais la mise en pratique m'est impossible sans que le cerveau reptilien ne prenne la priorité sur le corps pour lui faire pousser quelques cris de rage dignes de Cro-Magnon 1er. C'est bon de voir que certains us et coutumes sont si intégrés à l'être humain que même la mémoire génétique s'en souvient.