Ca y est, depuis le temps que j'avais envie de voir un film de Takashi Miike, le réalisateur tout secoué dans sa tête de la trilogie Dead or Alive (aucun lien de parenté), c'est chose faite.

C'est l'histoire de Shigeharu, un gars veuf et riche, qui décide de se remarier. Profitant du conseil d'un pote bossant dans le cinéma, il profite des auditions de ce dernier pour un projet foireux afin de se trouver la femme parfaite. Il flashe sur une beauté glacée : Asami Yamazaki. D'ailleurs, je sais que je fais une mise en abîme, mais la production a dû se casser le cul lors des auditions pour le film afin de trouver l'actrice qui jouerait ce rôle : Eihi Shiina a un visage qui correspond parfaitement à la définition de l'ami du héros, absolument parfait mais avec un tout petit quelque chose de pas rassurant.
Tout le film est centré sur leur relation, du point de vue de l'homme. Asami est heureuse de quitter son passé pas très heureux pour rencontrer cet homme mûr et généreux. Shigeharu est transi par cette yamato nadeshiko, perfection de l'épouse japonaise, qui parle toujours la tête légèrement baissée, a été une danseuse pendant toute sa jeunesse, et semble presque tombée du ciel dans ce pays qu'il dit envahi de femmes bêtes et vulgaires. La scène du casting prend d'ailleurs un malin plaisir à faire défiler une farandole de pouffiasses et d'idiotes avant de montrer Asami, qui arrive comme un nuage.
Audition est très délicat dans sa manière d'aborder le spectateur. Il distille d'infimes indices qu'en effet, quelque chose cloche. Au milieu, Asami s'évapore dans la nature, et Shigeharu part à sa recherche. On continue à croire que la machine ne tourne pas rond, mais on peut penser qu'il se fait des idées. Le doute est même sur la jaquette du film : cette fille doit être complètement chtarbée. Et pourtant, ça n'est sûrement qu'une impression, ou une fausse piste. On hésite.

Jusqu'à la fin.

Dans un sens, l'incertitude qui plane sur le film fait que, quelle que soit la réponse à nos questions, on ne s'y attend vraiment pas. Mais en plus, la réalisation du final pousse vraiment loin les limites du tolérable. Ou les dépasse. Pour ma part, j'en ai eu l'estomac noué. J'ai dû me lever et faire quelques pas pour faire passer le goût de bile dans ma bouche, et c'était pas fini. J'ai demandé à voix haute à Takashi Miike de ne pas aller plus loin. Il y a quelques siècles, afin que le peuple chinois reste pur et chaste jusque dans ses pensées, l'empereur avait eu l'idée du "supplice chinois" : une torture si atroce qu'elle était indescriptible, et la seule imagination de cette dernière était suffisante pour dissuader toute mauvaise idée. Je crois qu'on en a un aperçu à la fin d'Audition.

En fait, ce film est comme une décharge électrique : tension plate pendant toute la bobine, où l'on suit simplement un couple qui a du mal à croire à son bonheur, puis un homme qui tient simplement à revoir cette femme qu'on connait si peu. Puis arrive le finale : Takashi Miike pousse un interrupteur, et bzzzt, on se prend une grosse chataigne qui vous serre les tripes. Puis le générique défile, et c'est complètement passé, on respire à nouveau. Les souvenirs restent bien gravés dans la tête - aussi bien pour l'histoire que pour son dénouement si efficace - mais à moins qu'on le regarde à nouveau, la tension ne reviendra pas.
Je ne sais pas si je peux vous recommander de voir Audition. On réalise bien que le rythme est volontairement mou, et peut-être même que le seul but du film est de mieux vous désarmer pour vous surprendre de plus belle au dernier moment qui, je ne le dirai jamais assez, est à réserver aux estomacs solides. En tout cas, c'est un monument de construction d'ambiance et de mise en condition du spectateur ! Dans les vidéo-clubs et les endroits où l'on croit utile de classer les films par genre, celui-là est rangé dans la catégorie "Horreur"... et je crois qu'il y a sa place, puisque j'ai été véritablement horrifié.