Je n'aime pas les téléphones portables. Ca sonne quand on ne veut pas que ça sonne, ça fait chier les autres mais "les autres" en ont un, les gens qui ont subi la coupure de réseau de cette semaine étaient plus effrayants qu'un rôliste qui n'a pas eu sa soirée d'AD&D, ça a mauvaise haleine, ça coûte cher, ça refile le cancer et ça rend con. Hors, mon gentil copain Blacksad m'a prêté le sien (y'a juste écrit "Motorola" dessus, je sais donc pas le modèle) pour que je me fasse une idée sur les jeux vidéo qu'on trouve sur le support. En tant que critique objectif pour tout ce qui n'est pas sony (boo) ou Sega (youpi), j'ai fait mumuse avec l'objet jusqu'à ce qu'il affiche un écran noir. Première constatation: la batterie tient moins longtemps que sur un GBA.
J'avais un vaste choix de versions complètes, Blacksad étant un blasé de dernière zone quand il s'agit d'user ses fonds de pantalon sur les chaises de l'Education Nationale. Rayman 3, Rainbow Six 3, FHM Sexy Poker (oui, moi aussi), Might and Magic, Stuntman, Nightmare Creatures, Vans Skate and Slam... Deuxième constatation: même si les éditeurs semblent variés, la quasi-totalité des productions sont signées Gameloft, studio apparemment leader sur le marché. Ils ont raflé les licences Ubi Soft et quelques autres, développent en masse et n'ont pas l'air d'avoir de concurrence sévère.
Allez hop: on commence avec Stuntman. Pour ceux qui ne connaissent pas le jeu original sur PSdaube, ça sort de chez Reflections (Destruction Derby!): au lieu de faire des courses, on fait des cascades en suivant un tracé bien particulier du genre: renverser tonneaux, sauter sur toit, poursuivre voiture... Sur portable, c'est en vue de dessus, ça fait 16 couleurs et ça rame. Pensez à du GameBoy en couleur ou de la GameGear avec l'énergie d'un GameBoy.
XIII: shoot en 2D de profil niveau Amiga 500 à ses débuts (pensez Blues Brothers). Temps de chargement rédhibitoires, couleurs bof, son crade. Pour s'en tenir à la licence d'Ubi Soft, on voit panpan sur l'écran quand on tire et boum quand il y a une explosion. Yay.
Rainbow Six 3: shoot tactique 2D en vue de dessus. Lui colle bien plus au jeu d'origine, avec une forte inspiration Cannon Fodder (l'absurde en moins) pour le système en pointer-cliquer. Pour une ouverture de porte, on a le menu en roue (ouvrir, ouvrir avec flashbang, avec grenade...) qui est la marque de fabrique du titre, et on dirige plusieurs équipiers - même si ça reste basique. Le tout est vraiment fidèle à la console de salon, avec les mêmes missions et de nombreux mécanismes qui se retrouvent.
Splinter Cell - Pandora Tomorrow: Un des plus chiadés de l'ensemble, et un écrase-batteries de première classe. 2D en vue de côté, décors changeants, architecture des niveaux aussi illogique, tordue et sadique qu'à l'époque des 16-bits. On peut juste regretter que le jeu respecte sa référence au point d'en garder le plus gros défaut: on va du point A au point B, et on se fout bien du reste. Quand un objectif vous demande d'espionner un cartel de la drogue, vous ne faites que traverser le niveau en tuant, évitant ou assommant tout ce qui bouge sans jamais avoir à réfléchir un peu ou écouter à quelque porte que ce soit. Faut pas trop en demander non plus!
Vans Skate and Slam: du Tony Hawk en vue de profil. Gros sprites, trois boutons à exploser pour sortir un trick un peu fin, et le jeu est pourtant bien mou. A réserver aux pros du SMS qui cherchent de quoi atteindre le point de non-retour sur leur syndrome du canal carpien.
Nightmare Creatures: AHAHAHAHA! Hum, pardon, je pensais au jeu d'origine. Vous savez, un des seuls titres du studio Kalisto, l'enfant de Nicolas Gaume - l'homme qui a un chapitre rien que pour lui dans "Le Marché aux Voleurs" (Amazon). C'est à lire si vous voulez vous payer une bonne tranche de rigolade sur celui qui a faussé ses résultats en sortant des deals chimériques avec SquareSoft, a capitalisé sur le succès du seul Dark Earth et j'en passe. Les deux épisodes de Nightmare Creatures furent de vastes boufonneries qui fermèrent le ban de ce pharaonique fiasco. Le jeu sur téléphone portable est un beat'em'all à arme blanche et à sorts magiques, avec scrolling et déplacement sur plusieurs plans. Le son est toujours quasi-inexistant - je pense encore à certains jeux Amiga qui laissaient le choix entre son et musique, mais pas les deux en même temps - et le décor en arrière-plan change tous les deux niveaux. Le gameplay est on ne peut plus classique, avec recyclage de sprites quand on augmente la difficulté ("gargouille rouge" a les mêmes attaques que "gargouille bleue" mais demande plus de coups pour être tuée). Notons les noms français et chinois à l'intro, laissant supposer que Gameloft sous-traite là où il faut. Animations et graphismes de qualité, mais ça reste du Metal Slug médiéval-fantastique sous Prozac. En tout cas, c'est mieux que le jeu d'origine.
Might And Magic: le plus récent de tous, et celui qui a le plus de différences selon la puissance de votre portable. Aventure en 3D isométrique (yeah!), avec des noms qu'on retrouve dans les génériques d'autres jeux cités plus haut qui laissent supposer qu'on a affaire à une autre production sino-française. On saute sur des talus pour escalader une montagne, on se met sous une barre de métal brillant pour utiliser son grappin, on ouvre des portes en posant des caisses sur des interrupteurs, on casse des arbres qui barrent le chemin... Landstalker iz in da house! Mais l'habillage de l'ensemble me semblait suffisamment original pour me faire supputer à un jeu original développé pour le marché chinois puis violemment rebaptisé à l'obtention de la licence M&M... Bruitages tape-tape aie-aie, image belle pour les yeux, durée de vie pouf écran noir ces engins n'ont pas de sauvegarde automatique dans ta gueule pauvre naze.

On sent les limitations étranges du support: couleurs riches, pas de multijoueur (!), son pauvre, processeur qui suce une batterie comme de la Chupa Chups. Franchement étonnant pour des appareils censés faire du bruit de qualité avant tout! Les écrans tapent facilement dans les teintes variées (il faut bien justifier une image correcte quand on prend des photos) mais ça n'en flingue que plus la durée de vie de l'ensemble! Ca fait réfléchir sur l'autonomie de nos gadgets: un GBA ne dure pas plus longtemps si vous jouez à Kuru Kuru Kuru Kuru Kururin (Kuru Kuru Kuru!) plutôt qu'à Advance Wars 2; mais on sait déjà que la batterie de la PSP sera très sensible à l'usage qu'on voudra bien en faire. Les téléphones portables sont de la même trempe, et c'est à croire qu'aucun constructeur ne pense à se servir des standards Java ou du parc existant pour s'opposer sérieusement à Nintendo. Oups, pardon, j'avais oublié le N-Gage. Nokia a préféré faire son propre format de cartouches, faisant ainsi une nouvelle console ignorant les avantages de la téléphonie portable pour le résultat faramineux qu'on connaît... Un autre défaut, c'est que la plate-forme n'a aucune âme - qui lui soit propre, s'entend. Pas de mascotte, pas d'habillage commun, pas de standard dans la conception des touches pour jouer... Gameloft pourrait profiter de son monopole pour lancer des collections ou des catégories clairement étiquetées pour chaque type de joueurs: occasionnels, adultes fans de puzzles, hardcore, etc. La vache, si une boîte m'engage pour faire de la veille technologique, elle touche le jackpot. En attendant (la Nintendo DS), je reste à ma NGPC et mon GBA... Oooh, la jolie GP32, viens voir papa...