Ce n'est un secret pour personne, j'apprécie énormément la saga de Konami. Premier épisode génial, second épisode qu'on-aime-ou-qu'on-déteste (je déteste), troisième épisode fabuleux, quatrième épisode incroyablement quelconque, adaptation en film graphiquement irréprochable mais partant scénaristiquement en sucette au fur et à mesure que la bobine se déroule.
Ce qu'il y a d'important dans cette description de Silent Hill, c'est "la saga de Konami". Quand on est un développeur orienté hardcore, on sait qu'on ne peut pas rouler son public dans la farine. Alors, quand on met en vente un petit UMD promotionnel sur Silent Hill, on l'étiquette avec le prix le plus bas possible - 10 €. Ou si on tient à vraiment rouler les hardcore gamers dans la farine, il faut le faire avec force et détermination, ce qui demande quand même de gros efforts : sortir un Winning Eleven tous les six mois, ou à la manière de Capcom, sortir une quarantaine de révisions de Street Fighter II.

The Silent Hill Experience est à classer dans votre collection à la catégorie "gadgets inutiles", typique d'un machin réservé aux fans qui foire complètement sa trajectoire pour finir en frisbee même pas aérodynamique. Au menu : une playlist de vingt morceaux tirés des bandes-sons des quatre jeux et une pseudo-interview d'Akira Yamaoka (où chacune de ses réponses tiendrait sur un grain de riz), une interview très longue du fort bavard et passionné Christophe Gans, les bandes-annonces des quatre jeux (autrement dit, les scènes d'intro un peu retouchées), la vidéo Usagi qu'on trouvait sur le DVD japonais "The Art of Silent Hill", et deux bédés digitales. Le tout organisé dans un menu en vidéo précalculée où l'on arpente deux pauvres corridors de l'école primaire de Silent Hill (genre D ou The 11th Hour) qui aurait parfaitement pu tenir sur un menu DVD classique. Ca ne tire aucun avantage du format UMD : les effets spéciaux des bédés ont été précalculés et nous avons simplement droit à une vidéo défilante en guise de comic-book, les phylcatères ne sont traduits que par un sous-titre batard en bas de l'écran, et les effets de zoom ont parfois tendance à "aliaser" les textes. Techniquement, c'est la grosse honte et ça montre que personne n'envisage d'exploiter le standard UMD.

En fait, non : la vraie grosse honte de SHE, ce sont ces deux bédés dont je parle tant. Parce que bon, c'est quand même le principal argument de vente de ce produit : tout le monde a déjà les bandes-sons des jeux dans leur Winamp (ou iTunes, je suis pas sectaire), personne ne s'intéresse à des interviews de promo, et les cinématiques d'intro des jeux, on les connaît déjà. La jaquette de l'UMD vidéo ne montre que des extraits de ces bédés.
Ce sont donc des comics dans un style graphique identique aux cinématiques de Max Payne, tout en photos lourdement photoshoppées mélangées à des dessins bâclés par un cocaïnomane. Et les dessins de camés, ça a fait son petit effet il y a dix ans quand ça ornait les pochettes de CD de groupes rock, mais ça fait vraiment pitié depuis que Jamie Hewlett a mis de l'ordre dans tout ça. Mention spéciale pour la première des deux bédés, "The Hunger", dont le style graphique change complètement et sans explication vers les trois quarts de l'histoire, avec une transition si inexistante qu'on ne peut que plaider un soudain trou du budget. Et le pire, c'est que ça pue la pseudo-prétention artistique à deux balles - sauf que quand on met un méchant personnage avec de longs cheveux blancs sur un fond de flammes pour caresser l'entrejambe de la génération playstation qui achètera INEVITABLEMENT ce disque, le foutage de gueule se voit un peu.
Et les histoires ? C'est là que ça fait très mal, justement. Maintenant, tous les producteurs ont compris l'intérêt du mulltimédia : on fait un film Matrix qui fait référence à des évènements qui sont montrés dans l'Animatrix et qui montre des persos qu'on manipule dans Enter The Matrix et paf, le film et le jeu vidéo ont beau être à mégachier, ils font des chiffres de vente faramineux. Pareil pour dotHack qui est toujours aussi foireux aussi bien en jeu qu'en anime qu'en manga, mais ça vend. Il faut tenir ses scénaristes en laisse, ne jurer que par le "canon", respecter les détails de l'univers, créer un ensemble cohérent...
Et là, c'est pas du tout ça. Vous voyez ces CD audio qu'on trouve parfois, "music inspired by the motion picture", où des groupes essaient de faire un morceau qui leur serait venu après avoir zoné dans des volutes de cannabis devant un film ? C'est pas un film, mais là, je pense au groupe Incubus qui a fait une "odyssée musicale" en l'honneur du jeu vidéo Halo. Ils ont dû débarquer chez Bungie avec leur CD, enfumés comme des renards, aussi contents que des fans qui envoient leurs fanarts. J'imagine les gars de chez Bungie un peu gênés d'avoir un groupe aussi foireux leur offrir un truc aussi prétentieux qu'une "Odyssée" en "quatre mouvements", mais avec la ferme intention d'enfermer ça dans un placard, jusqu'au moment où un gars du marketing de chez Microsoft a réalisé que ça touchait parfaitement la cible marketing des 18-25 ans américains et qu'il fallait ABSOLUMENT mettre ça sur le CD audio du jeu. Mieux, la dernière piste de la bande-son de Halo 2 est carrément un morceau d'Hoobastank aux paroles bien publicitaires pour le Xbox Live. HOOBASTANK. Ces bandes dessinées sont un outrage similaire à l'univers de Silent Hill : des bouses manifestement "inspirées" de trèèès loin par les jeux, avec des scénarios aussi basiques que "journaliste découvre que la petite ville cache des secrets" et "psychiatre s'occupant d'une patiente choquée après une excursion à Silent Hill ne trouve rien de mieux que d'y retourner avec elle". Ca se torche les fesses avec le canon des jeux, ça n'ajoute aucune information, et il faut bien compter une heure pour "lire" une de ces bédés. Et une heure de glissements de cases avec deux animations à l'heure et des musiques tirées des jeux qui tournent presque en boucle, c'est lourdingue. Surtout quand c'est moche, irrespectueux de la série sur laquelle c'est censé être basé et aussi mal écrit qu'une fanfiction. Le reste de l'UMD étant inutile, même à dix euros, le verdict est sans appel : nullissime.