C'était quand, la dernière fois qu'un manga m'a fait rire au premier coup d'oeil, juste en le feuilletant ?

Ah ! Je m'en souviens. C'était l'histoire d'un mangaka, et au début, il avait un assistant qui fonçait vers son studio, se cassait la gueule de son vélo, se mettait à saigner comme un porc, mais continuait son chemin en voyant que ses mains étaient intactes et qu'il pourrait donc dessiner. Une fois arrivé à l'atelier, le mangaka disait qu'il devait dessiner une scène de meurtre, mais pour se mettre dans l'ambiance, il devait visiter les lieux d'un véritable assassinat qui avait été commis quelques jours plus tôt. L'assistant repartait sur son vélo... Quelques instants plus tard, le téléphone sonne à l'atelier : le gars venait de tomber sur "mieux" : un meurtre tout frais au sang encore chaud - et évidemment, le mangaka se demandait si l'assistant quelque peu zélé n'avait carrément pas saigné lui-même quelqu'un pour faire du bon boulot...
Ce manga, je n'ai même pas retenu son nom, tellement j'avais feuilleté négligemment la chose avant de la reposer, au lieu de la ramener à la maison. Quelques mois plus tard, j'ai décrit la scène auprès de mon crémier pour qu'il m'aide à retrouver sa trace, et la nouvelle tomba comme un couperet. Glop glop : ça s'appellait "La Plume de Feu". Pas glop pas glop : les éditions qui l'ont sorti se nommaient Muteki et ont coulé corps et biens après avoir sorti un grand total de quatre livres. Maintenant, à moins d'avoir un coup de cul monumental chez un bouquiniste, ce manga qui m'a fait marrer au premier coup d'oeil, je peux me le carrer bien profond. Bien joué, champion ; alors que tu passes ton temps à dire que les décideurs de ce monde ne comprennent que l'argent et qu'il faut prouver la rentabilité de ce qu'on aime, voilà que tu ne peux justement plus te procurer un truc qui t'a plu parce que tu ne l'as pas acheté. Nan franchement, bien joué.

La couverture du tome 2 de Keishicho 24 m'a fait rire. Une couverture ! Depuis la Plume de Feu, ça m'était pas arrivé, un premier contact si franc. Hop, je vais pas me faire avoir une nouvelle fois, je passe ni une ni deux à la caisse avant de le lire. Et vous savez quoi ?

C'est du caviar.

Purée, c'est à hurler de rire. J'ai même pas envie d'essayer de me souvenir de la dernière fois qu'un manga m'a vraiment fait hurler de rire (Dr Slump ? Non, il doit bien y avoir eu plus récent quand même), mais Keishicho 24 s'offre ce luxe, et pas qu'une seule fois. Le scénario, c'est du Kochikame, mais sous acides, portant un tutu et se baignant dans les restes déchiquetés d'une tarte à la fraise géante cuisinée par des martiens. Au fait, Kochikame, c'est pas sorti en France, non ? C'est un manga qui dure depuis 1976 (!) et raconte les aventures assez comiques d'un commissariat. Keishicho 24, c'est l'histoire d'un jeune flic qui croit commencer une carrière pourrie à la circulation, mais qui se retrouve embarqué dans une brigade d'élite où les agents ont tous les pouvoirs - et je parle aussi bien de pouvoirs juridiques que de pouvoirs limite-super-héros, quoi. Arrêter le ministre des affaires étrangères parce qu'il a pris un sens interdit avant de le passer à tabac, neutraliser à mains nues un missile nucléaire (le général américain responsable du tir : "on nettoyait le missile et le coup est parti tout seul"), enseigner aux enfants de maternelle qu'il ne faut traverser la route que lorsque le petit bonhomme est vert, rien ne leur est impossible.
Et pour ne rien gâcher, c'est techniquement très bon : certains décors ou visages font un peu "dessin industrieux craché par un assistant certes attentionné mais qui en a déjà tracé quelques millions tout aussi soignés et industrieux", mais pour le reste, le rythme est rapide, le trait est sauvage, les caricatures sont au poil, bref, c'est fait avec amour et on se laisse volontiers porter par ce délire non-stop. Du caviar, je vous dis.

C'est signé Hideki Ohwada et édité chez Kurokawa, éditeur tout jeune (à ne pas confondre avec les éditions Kadokawa qui doivent se soucier de la France comme de leur premier sushi) qui a l'avantage de ne pas nous rouler dans la farine, puisque le volume est à 6,5 €, et dont le choix éditorial est cité par Grégoire Hellot (le Greg du Joypad à la grande époque ou du Gaming à sa courte époque) et qui emploie Fabien Vautrin (le Fab du Sugoi, de la Push-Start Radio et du GameFan) au Photoshop pour lettrer les pages sans abîmer le manga. Donc oui, la version française est bien faite.



Mise à jour : à propos du tome 5...