Il y a quelques mois, je vous avais fait partager mon rejet de Shonen Collection, le mag' de pré-publication de chez Pika qui avait progressivement réduit le spectre du genre shonen aux comédies sentimentales et aux attributs mammaires. L'affaire étant classée, je m'en retournai aussi sec dans ma mangathèque favorite pour savoir s'ils avaient reçu ma commande d'artbooks hentai.

Ils sont gentils, dans ma crèmerie à mangas : les gérants ont voulu faire en sorte que leur magasin soit également un lieu de rencontres pour autre chose que des otakus en phase pré-terminale dans mon genre. Et ça marche - si vous considérez que voir des cahiers entiers de dessins ou des pâtisseries faites maison laissées en offrande par des clients inspirés et/ou reconnaissants soit un signe de réussite. L'équipe a aménagé leur sous-sol pour y organiser des sessions d'écoute de Visual Rock, des leçons de cuisine nipponne, des parties de Dance Dance Revolution et des cours de manga. Ces derniers sont dirigés par trois garçons pleins d'avenir : Salim, Reno et son cousin Romain. Oui, ce sont des "mangakas français", un contresens tellement aigû qu'il me donne de l'urticaire, mais pour une fois que je vous tiens la jambe avec des représentants de cette espèce, on peut sortir la pommade et prendre son mal en patience jusqu'à la fin de ce texte. Ca a commencé par des après-midi consacrés au storyboard - dessin - encrage - patatipatata, ça continue par la création d'un fanzine réunissant leurs travaux, et c'est pas près de s'arrêter tellement leurs élèves sont doués (c'est le travail de Ketsu sur la photo, qui a aussi fait un logo pour l'éditotaku). Ces jeunes gens ont réalisé un premier manga dénommé Fantasian Saga : Salim et Reno étaient tous deux scénaristes et dessinateurs, Romain a toujours été leur "assistant" - ce qui ne l'empêche pas de nourrir une inquiétante passion pour le mecha design et les portraits bizarres. Partis présenter leur travail à Angoulême, c'est finalement un projet plus personnel de Reno qui fut retenu par un éditeur. Ca s'appelle Dream Land, vous êtes autorisés à admirer les illustrations en couleur (y a-t-il vraiment besoin de préciser qu'ils répondent "One Piece" en premier et en choeur quand on leur demande leurs influences ?), et ça commence aujourd'hui même dans Shonen Collec'. En fait, ça fait des mois que je piaffais d'impatience de vous en parler, mais même quand l'annonce a été faite par Pika, j'ai attendu la parution pour aborder le sujet - question de promotion ou un truc dans le genre.
Bonne nouvelle : Dream Land remplace le déplorable Negi Ma. Mauvaise nouvelle : ce dernier étant le chouchou actuel des lecteurs du magazine, l'annonce a été mal reçue par les fanboys d'Akamatsu. Les précédents auteurs occidentaux parus dans le magazine de Pika n'ont pas été très bien reçus dans les sondages consécutifs - savoir si c'est une question de qualité ou de nationalité est une question que je préfère ne pas me poser. Reno and co n'ont pas l'intention de devenir le fier étendard du manga à la française, ce qui ne les empêche pas de sentir la pression... Salim et Romain font office de "consultants" pour Dream Land ; si la mayonnaise prend avec le public, ils espèrent continuer Fantasian Saga sous forme franco-belge, avec les couleurs et tout ce qui va avec. Et franchement, c'est tout le bien que je leur souhaite - ça me fera lire autre chose que du Larcenet, du Trondheim et du Sokal en matière de bédés. Gentlemen, bon courage à vous !