En train de jouer à Killer7 en niveau Hard, et des gars arrivent en défonçant la porte avant de m'assomer. Amateurs ! Selon le guide du tueur à gages, ils auraient dû savoir qu'il est bien plus efficace d'ouvrir la porte discrètement. Enfin, ça ne fait pas une grande différence, maintenant que j'occupe le coffre de leur voiture. Momentanément transformé en légume bavant, mon cerveau juge utile de me repasser "le film de votre existence". Manque de pot, c'est une vidéo toute pourrie dans un format RealPlayer mal encodé.
Dernier souvenir vu dans le court métrage ? Ca remonte à avant-hier. En train de parcourir les rayonnages d'une mangathèque, quand la vendeuse s'approche, un téléphone à la main. Elle me demande : "comment on écrit 'Laurent' en japonais ?" Blablabla-pas de R ou de L en japonais blablabla ne pas écrire le T final sinon on devrait faire "Lorento" blablabla ça donnerait un un truc genre 'Wolan-n' une fois mis en kanji. Elle me refile le téléphone et dit de l'expliquer au bout du fil, alors que le reste du magasin s'intéresse à la scène. Je prends le combiné, tombe sur une mère de famille qui pose la question pour son fils. Je répète tout haut ce qu'elle vient de me dire et la salle éclate de rire : "ah, c'est pour qu'il se le fasse tatouer ?"

J'émerge. La tête dans la boue. Il pleut, il fait nuit, il fait froid, et un gros cube brillant flotte trois mètres plus haut. Il allume comme un projecteur vers le sol en direction du véhicule où mes kidnappeurs m'avaient fourré. Flash. Le tas de métal a laissé place à quelques cendres fumantes. Oh-oh. Faut pas rester là. Courir. Membres endoloris, il faut un moment avant de s'élancer. T'es tout mou, mon gars. Le cube continue à me suivre en survolant lentement. S'enfuir vers la droite ? Une sorte de mur de rayons lasers. Un regard aux alentours : c'est une décharge publique. En voilà une protection bien poussée pour quelques poubelles ! Courir à gauche en espérant que le photomaton volant ne me choppe pas. Un tronc d'arbre, je rampe. Mince, une barrière électrique. Coincé. J'essaie d'y toucher pour voir si elle est efficace, et un journaliste qui passait par là a écrit une dépêche sur le résultat. Au dessus de ma tête, flash. Le rayon m'éjecte dans un saut vers la gauche de 10 mètres, au delà d'un autre arbre, au delà de la barrière électrique. Une autre carcasse de voiture que j'ignore : courir à gauche me réussit. Plus maintenant : une crevasse. Zut. Le photomaton vient de recycler la vieille voiture, laissant un trou. Hop, on tombe dedans.

Cavernes. Une petite bille au sol. A droite, des tentacules au plafond, comme une réminiscence de ce film débile de tout à l'heure qui a pris un malin plaisir à s'attarder sur les dessins animés japonais pour adultes. On passe en force, même si ça colle sur les épaules. Membres toujours aussi douloureux, c'est dur de bien courir. On fourre la bille dans un mur, un couloir s'éclaire. Super élaborée, cette décharge, quand même.
Beurk, une sorte de cadavre tout dégueu avec un gros monstre au plafond. De petites chauve-souris qui essaient de grignoter un peu de viande : la scène est vraiment dégueulasse (pour l'amour du ciel, ne cliquez pas sur ce lien). Mais par vice voyeuristo-gore (merci Ogrish), je m'approche. Tout douuucement. Le truc au plafond commence à grignoter une chauve-souris et je passe vite fait. Encore un couloir, et encore un truc dégueu au plafond : un mec englué dans une slime jaune et qui tient un flingue. Me wants ! Sauf qu'une grosse araignée guette, et je n'aime pas ces saletés. Même en sautant, j'arrive pas à attraper le gun.

Pourtant, c'est ce qu'il faut faire : sauter pour faire tomber l'arme. Oh puis merde, j'en ai marre : rien que pour en arriver là, je suis mort une bonne trentaine de fois. onEscapee est un jeu ukrainien datant de 1997, mais au gameplay vieux de cinq ans de plus. Titre sorti à l'origine sur les Amigas boostés de dernière génération, il s'agit d'un clone d'Another World. Il a été adapté sur PC puis distribué en freeware durant l'hiver dernier, peu avant que son modèle soit également remis au goût du jour. D'ailleurs, d'aucuns ont profité de l'occasion pour souligner combien ce gameplay du die and retry ad infinitum vire en ce XXIème siècle au ad nausea. Sérieux, même en 1997, ce massacre du joueur tenait du masochisme latent. C'est voulu, non ? Qui aurait laissé passer cela, sinon ? N'y avait-il personne lors du cycle de développement pour dire "ça ne passe pas !" ? Comme pour le cinéma, les livres ou la musique, les jeux vidéo ont leur lot de conneries si stupides, si évidentes, qu'on se demande comment elles ont pu aboutir dans le produit final. Le premier boss d'Otogi, qui, fort à propos, répète "none shall pass !" toutes les trente secondes. La difficulté de onEscapee, donc. La pseudo-conclusion de Halo 2, comme un bras d'honneur au joueur, comme une ultime audace des développeurs quand ils n'ont plus le temps de terminer leur jeu, et que la seule solution est tout simplement de ne pas mettre de fin. Ca ne l'a pas empêché de se vendre à quelques millions d'exemplaires, ce qui n'a pas échappé à d'autres studios qui ont ensuite cru bon de faire pareil. "Génial ! On peut faire ça et la clientèle ne nous en tiendra pas rigueur ?" : Rare avec Perfect Dark Zero ou Crystal Dynamics avec Tomb Raider Legend, eux aussi vendus sans conclusion. Avec Halo, Bungie a aussi inventé le personnage immortel, qui récupère des pires assauts en soufflant quelques instants derrière un mur. Toujours plus friands de titres torchables par monsieur Connard, les éditeurs courant après le "grand public" se sont empressés d'intégrer ça dans leurs produits.
C'est amusant, non ? En dix ans, on passe de onEscapee, un jeu au gameplay austère à la difficulté qui fait passer Another World pour une promenade de santé chez les gros aliens gris, à Call of Duty 2, shoot finissable avec une main dans le dos.

Cette difficulté surréaliste, à l'instar de ces gaffes de développeurs manifestement bourrés ("none shall pass !"), on en vient à se demander si ce n'est pas voulu - comme s'ils voulaient bien précisément que leur jeu ne soit pas finissable. On a déjà vu ça : la Team Ninja a taillé Ninja Gaiden dans ce but précis, et j'attends encore de trouver quelqu'un qui ait terminé Ecco The Dolphin sur Dreamcast. Prendre le joueur à rebrousse-poil, l'empêcher d'admirer la totalité de votre travail ? Ca tient presque de la démarche artistique, ça : faire en sorte que le spectateur (autrefois passif) mérite sa place. Paradoxal, mais c'est le seul argument qui me vienne à l'esprit pour dédouaner ces développeurs sadiques. Ou alors, non : c'est par logique. Cet après-midi, j'étais en train de jouer à Super Shinobi sur Mega Drive, dans le niveau de la base militaire, quand soudain, l'interrogation : pourquoi je trouve des munitions de shurikens au milieu d'une base militaire ?



Demain soir à 21 heures, session IRC hebdomadaire sur #editotaku@irc.worldnet.net, mais vous pouvez aussi passer en tapant votre pseudonyme dans le menu à gauche. Attention, la semaine prochaine, c'est l'Epitanime ! Donc, pas de session la semaine prochaine. Comme il y a déjà pas mal de lecteurs qui semblent venir à la convention, on va essayer de voir qui sera là ou comment se reconnaître. Si vous venez à la 'tanime et souhaitez rencontrer les autres lecteurs ou l'idiot qui écrit ces lignes, pensez à passer sur IRC. Sinon, laissez un commentaire ici. Ou si vous êtes timide, envoyez-moi un mail.

Oh, ça va vraiment être une session blindée. Au même moment, Fogiel va encore nous montrer un accro aux jeux vidéo... Tant mieux, on commencait à se dire que taper sur les "loisirs vidéoludiques" était passé de mode.