Qui est l'otakette?

La sociologie classique américaine a depuis longtemps théorisé les rapports sociaux au sein des établissements éducatifs des USA. Grosso modo, une échelle de valeur sociale, avec tout en haut le couple Cheerladder/Quaterback, et tout en bas l' intello moche et le nerd marginal. Daria en fournit une illustration de qualité (y'a pas que les animes japonais dans la vie).

En France, l'importance du sport scolaire est bien moins grande, et les critères sociaux sont plus mouvants. Un cocktail judicieux de sociabilité, de beauté et de richesse déterminent la place de l'individu au sein de sa classe et de son établissement. Les plus populaires sont en général en avance sur leur croissance, épargnés par les méfaits de l'adolescence comme l'acné, bien habillés (donc argentés), bref, "dans le coup", expression totalement hasbeen que je traduirais par "cool" pour les plus jeunes. Les moins populaires sont l'éxact opposé de ce portrait, nul besoin de détailler, vous saisissez le tableau.

Là où les individus marginaux masculins trouvent un réconfort dans une passion (jeux vidéo, jeux de rôle, animés, hentai, maquettisme...), l'individu féminin souffre en silence de cette fracture sociale. Les femmes sont bien plus marqués par le contexte social que l'homme, qui s'accommode au fond fort bien de ne pas être le mâle dominant. Pendant longtemps, ces marginales n'avaient aucune issues autre que les études, le couvent ou le suicide. Trois voies difficiles. Mais, désormais, elles ont une lumière au bout du tunnel : l'otakisme. Roulement de tambour, suspense et transition.



Pourquoi l'otakette?

Vous l'aurez compris, la fille moche qui fait tapisserie en classe n'entre pas en otakisme par réel intérêt pour le hobby en lui-même. Elle le fait pour réintegrer l'échelle sociale dont elle fut le premier barreau, mais à un niveau bien supérieur. Michel Houellebecq théorise dans son unique bon livre "Extension du domaine de la lutte" la sexualité et les rapports humains comme une forme de libéralisme. Chaque individu voit son potentiel fixé par ses qualités intrinsèques (beauté, richesse, intelligence) mais sa valeur déterminée par une offre et une demande. Très simplement, un homme lambda, moyennement beau, riche et intelligent, ne vaut rien s'il se retrouve dans une soirée où tous les mâles présents sont mannequins, milliardaires et prix nobel, alors qu'il sera très "cher" dans un foyer de trisomiques SDF. Cette valeur n'étant point monétaire mais sexuelle. Vous êtes des lecteurs du raton, donc intelligents, donc vous pigez le truc.

L'otakette était, nous l'avons vu, une fille rejetée par sa classe, moche, peu intéressante. Là où les filles sympa et avenantes suivent une trajectoire linéaire (études d'infirmière ou de secrétaire, sorties en boite et épousailles avec un gentil connard), la moche, en entrant en otakisme, voit son statut bouleversé. Elle se retrouve seul spécimen feminin au milieu d'une armée d'otaku mâles. Suivant la théorie libérale-sexuelle, sa valeur grimpe en flèche. Jadis, les mecs se foutaient de ses CD de Lorie. Désormais, les otakes lui taxent ses CD de Aural Vampire. Jadis, elle cachait ses grosses cuisses sous un sarouel XL, désormais, les otakus admirent ses gros jambons exhibés sous une jupette seifuku. Jadis, ses pleurs, ses peines laissaient tous indifférents. Désormais, son attitude de Drama Queen suscite plaintes et réconfort.

Ce devrait lui suffire. Ce sentiment d'amour, de puissance. Après tout, le pire des vilains petits canard a le droit au bonheur. Hélas, comme tous les grands frustrés, la normalité ne lui convient pas. Il lui faut toujours plus, et c'est chose aisée en profitant des faiblesses structurelles des otakus.




Comment l'otakette?

Il y a un climax (rien à voir avec le porn) dans la relation de l'otaku et de l'otakette. Ce climax, c'est le râteau, le vent, le lapin, ou tout autre terme qui vous vient à l'esprit.
L'otaku est un mec. Il n'a pas, par essence, une grande conscience du jeu social. Il désire niquer, par instinct, mais ne sait pas trop comment arriver à ses fins. Il essaye donc de draguer la première fille non .jpg qui lui adresse la parole (moi aussi je recycle Bashfr).

L'otakette n'est que volonté de puissance (passer de bashfr à Friedrich Nietzsche en deux phrases...). Elle ne désire pas niquer, La frustration de son enfance a étouffé en elle toute pulsion sexuelle. Ce qu'elle veut, c'est la vengeance. Un premier contact. Le mec, en bon novice, croit bien faire en la flattant. De discussion en discussion, des affinités semblent se former. Une rencontre est bientôt organisée. Les deux âmes solitaires se rencontrent. Et là, elle lui met un énorme vent (souvent symbolisé par un blocage MSN), arguant au choix d'un malaise, d'une différence entre l'être virtuel et l'être réel, d'une vie sentimentale complexe (et totalement inventée), ou, si elle manque d'imagination, du classique "tu es un ami pour moi". Puis, elle passe au mec suivant. Encore 665, et elle se sentira enfin vengée.

Pire encore, cette valse des pantins (excellent film, louez-le) a une conséquence grave : lorsqu'elle devient otakette, le Moi de la fille est laminé. Elle doute, n'a pas une grande estime d'elle-même. Mais, au fur à mesure des rateaux, son sentiment de puissance grandit. Elle finit par être persuadée que ses plateform shoes sont belles, qu'elles mettent en valeur ses superbes jambes et sa jupette taille 44. Que la J-pop est un genre musical révolutionnaire, auquel il faut consacrer un blog. Qu'elle est intelligente, que les japonais sont l'avenir de l'homme, et, plus encore, son propre avenir. La femme parfaite qu'elle est devenue, le canard boiteux métamorphosé en cygne, ne peut qu'offrir sa virginité pleine de poils à un mâle japonais. Ou ad minima bridé. Ca tombe bien, ils aiment ça, les poils. Cerise sur le gateau, leur petit penis ne feront que peu de dégats à son précieux hymen. Ainsi, même en cas d'echec de la relation, elle se pretentera face au prochain quasiment vierge. Oui, l'otakette n'en est pas à une contradiction prêt. Elle est la reine des forums, l'impératrice de MSN, la déesse des conventions. Rien ne lui résiste.



Otaku de tous les pays, mefiez-vous! Soyez sages, contentez-vous d'images. Si vous ne faites rien, bientôt vous devrez vous faire brider les yeux chez un plasticien, réduire la taille de votre penis, écouter Aural Vampire et vous habiller comme Erwan Yuki. Et quand bien même, jamais votre kekette ne penetrera l'otakette.