Epitanime 2005 : comme chaque année, j'assurais la couverture de l'évènement, et avais officiellement droit aux coulisses depuis l'an dernier. La veille de l'ouverture, le sous-sol de l'Epita se préparait, et les exposants s'installaient. C'est justement juste après avoir pris ce cliché du futur stand Tokebi que j'ai rencontré un gars des éditions Ki-Oon ; en attendant de recevoir son stock, il aidait ses copains à s'installer. On est tout jeunes, qu'il me dit, on a moins d'un an (plus tard, mon crémier me fera remarquer qu'ils sont au moins deux fois plus âgés que ça). Il me fait jurer de lui rendre visite sur son stand durant la convention : promesse pas dure à tenir, compte tenu de ce que j'ai à faire ici. Un regard paresseux sur son badge : Danny quelquechose, éditions Ki-Oon. Bien reçu.

Le samedi, Keul m'offre un téléphone portable et me dit, l'oeil un peu inquiet : "il y a un stand au milieu du forum des exposants, et un des tenants vend son stock comme un marchand de poissons, en criant sur les gens. Il me fait un peu peur". On se rend sur place, et c'est dudit Danny dont il parlait. Danny me dit qu'il est content, parce qu'il y a un manga qu'il tenait absolument à me montrer et qu'il fallait absolument que j'en parle et qu'il faut absolument que les gens fassent une pétition pour que ce soit adapté en film et qu'en plus c'est un one-shot. Je lui prends un volume et continue ma route. Le lendemain, ils avaient vendu tous les exemplaires de ce manga.

De retour au bercail, après avoir récupéré mes heures de sommeil, je pêche le livre dans un sac contenant également un sachet de ramen au poulet et suffisamment de posters pour recouvrir l'Obélisque. Duds Hunt, que ça s'appelle. Ca raconte l'histoire de jeunes qui participent à un jeu urbain où l'on gagne de l'argent en récupérant les "traceurs" des autres participants. Le vainqueur se fraie souvent un chemin par la force, et ça tombe bien parce que les combats sont diablement violents.
Première surprise : l'auteur a un petit mot rien que pour les lecteurs français. Deuxième surprise : une traduction qui ne sous-estime pas le lecteur. Les conversations sur le Net ont des "lol" sans note de bas de page, on parle de "pda" sans perdre des pages dans des détails et les intégrations de texte français sont bien gérées. Ki-Oon fait du bon boulot : au passage, merci d'avoir mis quelques extraits sur le site Internet, dont ma page préférée. Duds Hunt a une lecture extrêmement rapide, un rythme supersonique, un tramage dynamique et un dessin qui va droit au but tout en soignant un trait qui s'attache à de petites choses symboliques - tellement qu'on ne s'aperçoit même pas que les décors sont rarement plus que de simples crayonnés. A la fin du livre, on découvre une petite nouvelle où Tetsuya Tsutsui s'éclate littéralement avec son style mi-traditionnel, mi-ordinateur ; d'ailleurs, il ne se crédite pas en tant que scénariste pour cette vingtaine de page, laissant ce poste à... l'héroïne de ladite histoire ! D'ailleurs, l'homme est excellent scénariste (*) : dans Duds Hunt, il arrive à résumer en un clin d'oeil les finesses des règles du jeu, les divers comportements des joueurs, une myriade de petites situations qui feraient effectivement fureur sur un écran de cinéma. Je n'ai pas pour habitude d'être d'accord avec les quatrièmes de couverture des livres, mais je seconde totalement cette dernière quand elle parle d'un scénario "entre Fight Club et Battle Royale". Si vous vous demandez à quoi ce mélange peut bien ressembler, c'est bien simple : c'est excellent et ça s'appelle Duds Hunt.



(*) On peut cependant remarquer une légère erreur de scénario... Pour éviter les révélations, j'en parle ici en termes évasifs et en texte blanc sur fond blanc (surlignez pour lire) - et soyez sympas de vous abstenir dans les commentaires pour ceux qui n'ont pas lu le manga !
Le personnage principal téléphone à plusieurs reprises à un autre joueur avant de le rencontrer durant une partie : pourquoi n'a-t-il pas compris de qui il s'agissait puisqu'il connaissait sa voix ? EDIT : Okay okay, vous avez tout à fait raison dans les commentaires : on voit en effet qu'il y a un déformateur de voix greffé sur le téléphone ^^ .