Arrivé de nulle part, créé sur Amiga 1200 à une époque où les PC 486 et Pentium avaient définitivement enterré toute concurrence technologique, une démo de Worms se faisait toute petite sur un CD de Génération 4 (le n°85, je crois). Ca pouvait tourner sur un 386 Rex, on alternait entre 2 niveaux totalement destructibles parmi une génération aléatoire permettant des milliards de possibilités, et une maniabilité à 3 touches (sauter - tirer - menu des armes). Le concept était simplissime : des Lemmings par équipe de 4 se bouffaient le nez à coups de bazookas et de grenades (et la corde ninja se nommait "batrope" dans la démo). L'alchimie entre action et stratégie.
Il y avait des idées audacieuses dans Worms : la destruction totale du terrain, la gestion du vent, le jeu au tour par tour, les largages d'armes pendant la partie, le manuel d'utilisation frappadingue, la multitude des armes et des équipements, la jouabilité entre plate-formes et le Lemmings des familles... Tant de nouveautés dans une seule galette - le CD ne servait que pour les pistes audio et les vidéos comiques, le programme faisant à peine 4 Mo - et pourtant, les joueurs adhérèrent sans problème. Worms sortit sur toutes les consoles et devint le jeu multijoueur idéal pour le PC ou pour ceux qui n'avaient qu'une seule manette ; les autres débranchèrent les manettes en trop avant d'appeler leurs potes.

Pas besoin de consulter mes tickets de caisse pour que je me souvienne encore d'avoir acheté simultanément Duke Nukem 3D et Worms Reinforcements (ou Worms Plus pour les intimes). Par je ne sais quelle faille spatio-temporelle, les deux jeux purent cohabiter dans mon temps libre. A condition de bien s'y connaître, il était maintenant possible de jouer en réseau, d'ajouter ses propres niveaux et ses propres voix. De nouveaux décors, de nouvelles armes (Banana Bomb !), des cartes spéciales, une boîte superbe. Mon épisode favori.
Car il y en a eu, des versions de Worms : la Team 17, atteinte du "Syndrome de Street Fighter 2", sortira à tour de bras le même jeu sous différentes versions. Worms 2, sous Windows et en haute résolution ; Worms Armageddon, ajoutant de vrais menus en lieu et place d'un "frontend" pourri ; Worms World Party, soi-disant axé multijoueur sur le Net alors que cette fonctionnalité était disponible depuis longtemps... J'ai toujours eu du mal à accrocher aux vers en Super VGA ; leur lifting graphique alla de concert avec un agrandissement et une plus grande complexité des niveaux, certains finissant par ressembler à un gruyère injouable dès le début de la partie. Au milieu de tout cela, Worms Blast, un puzzle game inspiré de Puzzle Bobble/Bust A Move. Puis le vide.
L'an dernier, la licence refit surface : Sega venait de racheter la licence qui passait à la 3D. A ce moment-là, j'étais trop occupé à lire Gaming, à jouer à Otogi ou avec un autre ver. Puis il y a eu Worms Fort (avec une campagne de pub signée Sega), compliquant encore la stratégie, déjà bien corsée avec la 3D.

Et enfin, aujourd'hui sort Worms 4 Mayhem... édité par Codemasters. Pour résumer, la licence Worms est passée entre les mains d'Ocean, de Microprose, d'Atari, de Sega, d'Ubi Soft, et enfin de Codemasters... Généralement, c'est plus la marque d'une patate chaude et un peu pourrie qu'on se passe d'un éditeur à l'autre que celle d'un hit absolu qu'on s'arrache. Mais ce nouvel éditeur semble bien faire les choses : aussitôt sorti, le jeu est à 23€ sur Amazon (et à 30€ ailleurs) sur PC ou 40€ sur console - pas de Cube cependant. Si on résume la situation, la Team 17 et Codemasters méritent un 10/10 rien que pour leur compréhension de l'industrie vidéoludique : 1) ils sortent leur titre durant le creux de l'été, 2) la technologie est éprouvée et déjà utilisée dans deux titres, donc le programme tourne sur les ordis de Néanderthal et est garanti de ne pas planter à tout va comme c'est le cas du gros jeu de cet été, 3) la plupart du contenu vient des versions précédentes, donc les coûts de production sont réduits au maximum, 4) à en juger par la démo, le gameplay est un retour aux sources sans forts à construire ou scènes stupides de plate-formes, 4 bis) deux démos sont disponibles : une solo et une multi, 5) la version Xbox fonctionne en multijoueur sur le Live, 6) campagne de pub sans prétention, 7) prix minuscule. On a vraiment l'impression qu'ils veulent relancer la licence Worms, qu'ils ont mis en place une stratégie bien huilée, et j'ai bien envie de leur donner raison, parce que la démo est en train de me séduire. Au minimum, Worms 4 Mayhem se fera des amis parmi les joueurs fauchés ou les fans de quickies, ces pressés nostalgiques de l'arcade et des jeux au gameplay simple et rapide. Rien qu'avec ça, je serai déjà heureux.