Petit Jésus, merSiN !

C'est officiel, SiN a enfin droit à une suite ! Mais si, SiN, souvenez-vous... J'avais rapidement abordé son cas dans cet article, mais c'est l'occasion de se rafraîchir la mémoire.
Il s'agit d'un jeu vidéo PC sorti au même moment que Half-Life, soit fin 1998. Voilà, je viens d'expliquer en une phrase pourquoi plus personne ne se souvient de ce titre. Pourtant, il avait fait parler de lui à l'époque : à l'instar de Daikatana, SiN avait commencé à être développé sur le moteur de Quake, avant d'être refait sous celui de Quake 2 en raison du boom de l'accélération 3D. Il s'était ainsi fait beaucoup attendre, et sa sortie pile pour Noël avait manifestement été motivée par l'éditeur Activision... Puisque la version 1.0 avait des temps de chargement de presque 3 minutes entre chaque niveau et un bug corrompant toutes les sauvegardes (chose que je n'ai réalisé qu'après avoir perdu toute ma première journée de jeu). De plus, le patch corrigeant tout ce merdier pesait une trentaine de méga-octets - souvenez-vous que nous étions à l'époque des modems 56k. Et évidemment, Gordon Freeman et ses vacances à Black Mesa ont déSiNtégré ses dernières chances de percer... Quoique. Peu après Noël, les - nombreux - disques toujours dans les magasins avaient été remplacés par la version patchée 1.01 (j'ai la version 1.0, un vrai petit collector-souvenir de cette époque des patchs en folie !), mais le mal était fait.

Mais en tant que jeu, que valait SiN ? Il s'agissait d'un shoot 3D extrêmement dynamique et rapide, avec un solide sens de l'autodérision dans son environnement et une histoire plutôt bien ficelée. Le personnage principal, John R. Blade, était un flic noir avec de grosses dreadlocks - ce qui, au passage, permet de réfuter Libération et Canard PC dans leur affirmation que CJ (GTA San Andreas) est le premier héros black de jeu vidéo. Il courait après la méchante Elexis Sinclaire, la biochimiste à gros seins, cuir rouge, yeux verts, piercing sur le nombril et cheveux ténébreux qui ornait la boîte du jeu. Enfin, la boîte française, parce que les américains ont eu droit à un artwork moins osé. Cette dernière, fortement inspirée par ses collègues d'Umbrella Corp, avait pondu une drogue qui pourrissait les villes et - accessoirement - transformait les gens en monstres tout poilus et pas contents du tout. Enfin, Blade était guidé par son copain JC, un hacker recyclé par la police qui donnait plein d'infos dans l'oreillette et sans interrompre le jeu (tous les dialogues étaient doublés et/ou sous-titrés en anglais, car SiN n'a jamais été traduit ; il était sorti "tel quel" en France). L'univers était très documenté, comme en atteste le magnifique manuel, en grande partie composé du journal de Blade, avec coupures de presse et dessins de ses cauchemars. Et le gameplay ? SiN s'était inspiré de Duke Nukem 3D : l'interactivité avec les décors était incroyable pour un jeu en "full 3D" : dès le premier niveau, on trouvait une pièce de monnaie dans une fontaine qu'on pouvait utiliser sur une cabine téléphonique, on pouvait utiliser les ordinateurs avec la même aisance que Doom 3 aujourd'hui, détruire les décors... Le début du jeu, parlons-en : un hold-up à grande échelle d'une banque, avec hommes cagoulés qui descendent en rappel des verrières, le héros qui arrive en hélico et dégrossit le travail avec une Gatling (Matrix et la cinématique d'intro de Code Veronica n'ont rien inventé ! ). Si durant cette scène de shoot, vous détruisez une pancarte publicitaire montée sur un building, celle-ci tombera dans la banque et vous la retrouverez plus tard à l'intérieur de celle-ci. En passant dans les bureaux des employés, on peut utiliser les ordinateurs pour trouver les codes des clients de la banque et ajouter de l'argent sur le compte bancaire de Blade en utilisant un distributeur, ou débrancher les caméras et systèmes de surveillance... Et comme dirait Gia, SiN, c'était surtout surtout surtout l'invention des hitbox, autrement dit les dégâts localisés ! Plantez une balle dans la tête et l'ennemi se couche immédiatement, explosez-lui la main pour lui voler son arme, mais il vous attaquera à coups de high kicks... Par la suite, on avait quelques phases d'infiltration, une arme "bonus" qu'on obtenait en trouvant ses composants disséminés dans le jeu, des boss gigantesques. D'ailleurs, il fallait rapidement s'accrocher à son slip car SiN était difficile.
Enfin, le jeu a survécu quelques temps avec son mode multijoueur, encore plus sauvage que l'aventure solo. Les niveaux étaient originaux, comme celui inspiré de la Relativité d'Escher où l'on se mitraillait en courant sur les murs ou les planfonds, ou la première des cartes "géantes" où l'on explorait un salon gigantesque (on pouvait même grimper sur les étagères en utilisant les pièges à souris ! ). Bref, ceux qui ont essayé SiN (généralement trouvé en occasion après avoir fini Half-Life) n'ont pas eu de mauvaise surprise - à part Masskot pour qui son disque dur a fait trois "schlonc" lors d'une partie de SiN avant de claquer. Il s'agit malgré tout du titre qui a mis le studio Ritual sur la carte. Faites-moi plaisir, essayez la démo, elle ne pèse que 35 Mo...

Que s'est-il passé ensuite ? Il y a eu un addon, Wages of SiN, introuvable en France et que j'ai dû acheter dans un Virgin Megastore à San Francisco. Cependant, il est fourni dans l'édition Gold que l'on trouve dans les bacs de promotions à 5 €. Blade y affrontait un mafiosi qui cherchait Elexis Sinclaire, cette dernière ayant pris la poudre d'escampette à la fin de SiN. WoS était finissable en une après-midi et on y collectionnait des posters de femmes dénudées en chemin.
Enfin, il y a eu SiN The Movie. Alors ça, c'est un dossier à lui tout seul. Comme je l'avais déjà expliqué par le passé, c'était l'éditeur américain de DVD d'animes ADV qui avait produit cet anime de 60 minutes, évidemment sorti en direct-to-video uniquement en Zone 1. Le budget était officiellement évalué à moins d'un million de dollars, la réalisation était techniquement ridicule, tout en glissements de cellulos et en backgrounds CG. Quant à l'univers... Comment dirais-je ? C'était la vision américaine des animes, et j'ai toujours hésité à écrire un long article là-dessus. Donc résumons rapidement : Armitage a fait un carton aux States ? Super, mettons alors une rampe de lancement verticale de fusées quelque part dans un arrière-plan, ça plaira aux otakus. Ghost In The Shell a bien marché dans la cible marketing visée par ce film ? Excellent, mettons un bras cybernétique au héros, on s'en fout s'il n'en avait pas dans le jeu. Dimension dramatique et fan service ? Tuons JC dès l'intro et remplaçons-le par sa petite soeur inventée de toutes pièces - de beaux morceaux d'ailleurs. Pour l'histoire, on se casse pas le cul et on va prendre le sempiternel "enfant élu aux pouvoirs recherchés par la méchante", ça le fera bien et on a qu'une heure devant nous. Enfin, pour donner une dimension artistique à moindre coût, on va aller chercher l'orchestre symphonique de Varsovie pour la bande-son, ils sont pas chers et les japonais aiment bien bosser avec eux (c'est le même orchestre qui a joué les musiques des films Battle Royale par exemple). Mais ce DVD a au moins une bizarrerie pour lui : les doublages américain et japonais racontent deux histoires différentes, en prenant de nombreuses libertés sur l'histoire, les rôles et les motivations des personnages. La piste audio japonaise était évidemment sous-titrée en anglais, pour qu'on puisse bénéficier des deux scénarios. Pas grand chose à sauver dans l'ensemble, si ce n'est le générique d'intro que j'aime beaucoup (celui du jeu vidéo était déjà très soigné). Mais bon, cet objet SiNématographique était un cochon d'Inde : ADV y testait ses capacités à produire un film original et les américains testaient le marché des animes avec une licence pas trop précieuse pour voir si d'autres jeux vidéo US pourraient bénéficier d'une adaptation (ces dernières étant la chasse gardée des jeux console, traditionnellement asiatiques). Ainsi, ADV s'est lancé dans la production du film live action de Neon Genesis Evangelion pendant quelques années, avant d'enterrer le projet pour le bien de tous.

Ainsi, SiN 2 va exister, grâce à un système qui rend possible cette prise de risques. Primo, le jeu ne sera apparemment vendu qu'en téléchargement via Steam, une application au moins aussi répandue que Napster en son temps (j'exagère à peine). Ca fait peut-être peur aux vieux réacs dans mon genre, mais la réalité est là, telle qu'elle a été expliquée par Warren Spector lors de la GDC 2005 : quand on vend un jeu vidéo par la méthode actuelle (en boîte), le titre n'a que quelques semaines pour se retrouver en haut des ventes sous peine de ne revenir dans les étagères un an plus tard sous forme de collection Budget, puis de disparaître à nouveau, mais pour toujours cette fois-ci. D'où la frilosité des éditeurs vis à vis des coûts de production, distribution et SAV (les patches ! ). Secundo, le jeu sera refourgué sous forme d'épisodes, une méthode utilisée - sans succès - il y a quelques années par le jeu "Arabian Nights" (pas celui sur Amiga, un autre sur PC ; je crois que c'était un titre français), et qui aurait dû être le fer de lance de Fahrenheit - Indigo Prophecy. Je crains évidemment que le coût total des épisodes dépasse celui d'un jeu complet et normal, mais ce système garantit que les avis des joueurs exprimés après chaque chapitre seront pris en compte... Et que la qualité sera constamment au rendez-vous, sous peine de sanction pécuniaire pour les auteurs. Honnêtement, les premiers screenshots sont quelconques : on reconnait le flingue de base qui a toujours le même look d'agraffeuse et les gardes ennemis font un peu trop penser aux Combines d'Half-Life 2. Le jeu tournera avec le moteur Source, choix logique compte tenu du passé entre Ritual et Valve (l'un a développé Condition Zero pour l'autre) et du fait qu'il s'agit du premier jeu "extérieur" à être vendu sur Steam... Mais je me demande si le contrat d'utilisation de Steam n'impose pas d'utiliser le moteur maison, ou quelles sont les royalties demandées par Valve, comparé aux autres distributeurs plus classiques. Peut-être qu'on s'en fout, au fond : SiN 2 arrive.



Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule : merci encore, petit Jésus !