J'ai un aveu à vous faire : je ne suis pas un otaku. Si si, même si ça me fait mal aux seins, j'avoue que je vous ai menti depuis tout ce temps. Je faisais croire que je passais mon temps à lire des mangas, mater des DVD et jouer à des jeux vidéo en bouffant du Nutella et en écrivant pour un site que personne ne lit, mais c'est pas vrai. Tenez par exemple, en réalité, j'ai profité de la soirée pour aller faire du jogging, même si je me suis vautré dans un chemin tout plat comme une grosse buse en écoutant du Minmi (*) dans mon lecteur de MP3 - c'est d'ailleurs bizarre, les informations que le cerveau vous envoie alors que le sol se rapproche ("protège tes doigts, t'as un article à écrire ce soir" - résultat, je me suis écorché la paume droite).

Pourquoi ce mensonge ? A cause de Keul, vous savez, le gentil garçon qui tape du PHP. Ceux qui lisent le site depuis un bout de temps ont pu lire son article sur le manga Transparent (Satorare), écrit à l'occasion de la semaine "quartier libre" où les lecteurs publient leurs textes dans cette colonne. Ce que vous ne savez pas, c'est qu'il est devenu raide dingue de cette série si particulière et figure de proue de ces mangas "moches-mais-le-scénario-fait-tout". Dingo-fanatico-évangéliste. Si j'ai le malheur de me connecter sur ICQ, c'est un popup de Keul dans les 5 secondes qui suivent et un "t'as lu Transparent ?". Si lors d'une discussion anodine, je lui dis que j'ai fait un tour de mes crèmeries à mangas, la riposte "t'as acheté Transparent ?" est inévitable. La solution était évidente : ne rien faire, ou laisser flotter l'idée que je ne faisais rien. D'où réponses à base de "nan je suis pas sorti" et "je peux pas je regarde du hentai là" ou encore "ah oui mais y'a Sakura Taisen 5 qui est sorti aujourd'hui et j'ai trouvé une boutique qui va avoir un exemplaire de l'édition limitée à 1200 exemplaires mais ils vont la vendre à 250 € et on sait pas ce qu'il y a dedans mais les fans parmi les clients commencent déjà à se jauger dangereusement pour savoir qui la prendra et va y avoir un mort c'est sûr" (authentique). Je suis un otaku occupé, pas le temps de m'occuper de mangas douteux !

Et finalement à l'Epitanime, le même Keul m'a orienté vers le dépôt vente où les 5 premiers volumes de ce foutu manga étaient disponibles. 15 minutes plus tard, un orga et ami est venu me voir pour vérifier si j'avais vraiment réservé ces livres "avec des dessins moches dessus et pas de filles nues dedans". Il y a quelques jours, j'ai pris le volume 6 fraîchement paru et le vendeur m'a fait à peu près la même remarque lors du passage à la caisse.

Ainsi donc, Transparent est putain de moche. Même après l'arrivée de quelques assistants, c'est toujours atroce et ça semble même empirer dans ce volume 6 (le personnage de Lin Katagiri qui était toujours très jolie me semble assez moche dans ce tome). Côté histoire, vous êtes déjà au courant : on suit quelques cas rarissimes de "transparence", une maladie (fictive bien sûr ! ) où le patient, au QI prodigieux, émet à son insu toutes ses pensées dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres autour de lui. Au Japon, le gouvernement fait jouer la mascarade aux civils et s'assure que ces trésors de la nation soient utiles et ignorants de leur condition. Il y a un enfant, un médecin (soumis au secret médical ! ), une adolescente à qui ses parents ont conseillé de toujours dire ce qu'elle pense pour limiter la casse... Les tranches de vie de ces transparents se succèdent au fil de volumes.

Hélas, certains personnages disparaissent rapidement de la série ou quelques chapitres sont complètement inutiles. Dans les pages laissées à l'auteur en fin des volumes reliés, on apprend que l'histoire aurait dû se limiter au premier chapitre, à l'origine un one-shot - sauf qu'évidemment, la dictature des lecteurs a demandé une suite... ou que le dessin est mauvais parce que Makoto Sato écrit son scénario jusqu'à la dernière minute, quand il n'hésite pas à avouer qu'il lui arrive d'être en panne d'inspiration (si j'ai autant hésité à commencer cette série, c'est bien parce que je craignais qu'elle ne tienne pas la durée avec un scénario de base aussi complexe et risqué). Le résultat est donc à la hauteur : la qualité graphique est constante (elle reste bien mauvaise) et l'histoire est parfois inégale. Mais l'idée est si originale, et son traitement si adulte (il y a de grands moments dans le traitement des transparents dont la cruelle réalité est paradoxalement si humaine - comprenne qui pourra) qu'on finit par être envoûté. Ca s'adresse vraiment aux patients, qui sauront passer outre le dessin passable et les sautes de qualité narrative... Sûrement que ça finira mal pour la plupart des personnages, à moins que le manga ne se prenne un coup de hache sur la nuque parce que les lecteurs en auront marre, mais il y aura quelques morceaux de bravoure avant le crash - il y en a déjà dans les volumes parus chez nous.