John Woo, Jet Li, Johnny To, Yuen Wo Ping... A peu de choses près, on connaissait tous les dragons du cinéma hong-kongais. A peu de choses près. Il aura fallu un bon bout de temps avant que les occidentaux découvrent Stephen Chow, via les réseaux du VideoCD qui auront fait connaître Shaolin Soccer. Avec cette renommée mondiale arrivent tout un tas de merveilleux avantages : le film se fait massacrer sur la table de montage, une pression énorme pour sa carrière, un Shaolin Soccer 2 inévitable, et j'en passe. En attendant ce film de commande (pour voir ce que donne un "film de commande" fait par un cinéaste hong-kongais, regardez Hulk par Ang Lee ou Mission Impossible 2 par John Woo), voilà Crazy Kung Fu.

Joie : l'humour scato-morveux est toujours là, ce qui laisse penser que la version internationale du film n'a pas été modifiée (le dernier plan est d'ailleurs un enfant avec deux cavernes débordantes de richesses en guise de narines - on n'aurait pu rêver mieux comme fin). L'histoire ? Inracontable, parce qu'elle est complètement décousue : on passe d'une guerre entre des gangsters et un quartier rebelle à un duo à la Laurel & Hardy à des maîtres d'arts martiaux retraités à une guerre entre le bien et le mal, et tout ça sans aucun lien - ou si peu. Pour peu qu'on regarde ça sous forme de divertissement vide-cerveau pour épileptiques ayant oublié leur dose de Ritaline, c'est potable (ceci est également vrai pour Star Wars Episode 3). Cependant, si vous vous attendez à du cinéma hong-kongais avec ses acteurs élastiques, ses personnages géocentriques et sa pseudo-morale pour faire plaisir au gouvernement local, repassez dans la salle lors des rediffusions des productions Shaw Brothers.
Autre truc énervant : la surenchère d'effets spéciaux. Okay, le film se veut too much, mais ça dessert le cinéma HK, dont les talents naturels des acteurs ne sont plus à démontrer. vous vous souvenez de The One avec Jet Li ? Ce film US était tellement truqué qu'on ne savait plus si c'était Jet Li ou les ordinateurs qu'il fallait remercier pour le spectacle. Comme Jim Carrey, dont le visage aux zygomatiques dopées n'avait vraiment pas besoin d'un Mask digital pour qu'il soit spoookey. Ici, c'est pareil : les effets spéciaux cachent les performances des acteurs... et tout le spectacle se dégonfle.
On a vraiment affaire à un film qui ne tient pas ses promesses et se prend pour le boeuf américain - ou qui tente de vanter le plumage de ce dernier, on ne sait pas. Par exemple, on commence avec quelques plans d'un quartier taillé sur mesure pour accueillir les batailles les plus délirantes du cinéma, pour un film théâtral, à l'unité de lieu inébranlable puisqu'il n'y a même pas besoin d'aller voir ailleurs : des escaliers, des cordes à linge partout, une grande place au milieu, que demander de plus ? La meilleure scène de baston y a évidemment lieu, un combat entre deux musiciens-croquemorts d'un côté, un tailleur et un boulanger de l'autre. Avec le gag sur le lancer de couteaux qui est à hurler de rire, on tient l'apogée du film. Las ! Stephen Chow perd son temps en nous faisant sortir de ce décor de rêve pour nous traîner dans une prison, dans le quartier général des Triades (un lieu qui fait grincer les dents tant il pue le mauvais studio kitchissime), ou dans des rues absolument anonymes. A l'exception des deux proprios, il ne sait que faire de ses personnages et se contente de les laisser se bourrer le pif en saupoudrant le tout de quelques références à Shining, Dark Water ou Spider-Man pour amuser la gallerie. Un gros gâchis qui se termine sur un combat bâclé et DragonBallZédesque, galipette cinématographique que l'on savait déjà stupide depuis Matrix Revolutions... Seuls les américains arrivent à faire des films formatés pour l'international, et c'est exactement ce que Chow a tenté de faire : résultat sans surprise, c'est un échec.