Je déteste aller au cinéma. Ou plutôt, je déteste les gens qui vont au cinéma. Cercle vicieux : d'aucuns me feront remarquer que c'est un peu moi que je hais par procuration, mais ça n'a rien de bien nouveau. Il a vraiment fallu que je regarde les photos qu'on a prises de moi la semaine dernière à Paris pour réaliser que ma calvitie ne s'arrange pas. Les gens qui vont au cinéma ne sont pas des cinéphiles, tout comme ceux qui jouent aux jeux vidéo ne sont pas des gamers et ceux qui votent n'ont pas une once de civisme le restant de l'année ( "année", parce que mine de rien, on vote beaucoup ces temps-ci). Ou comme partout, c'est une minorité qui est plus bruyante que la majorité... Et je dis "bruyante" au premier sens du terme. Bande de pauvres dégénérés du bulbe, éteignez vos portables, arrêtez de froisser ces sacs de bonbons et fermez votre boîte à tartes.

Le film commence. S'il vous plaît monsieur le projectionniste, mettez le son à fond. Assourdissez les rats qui vont grignoter pendant ce film, couvrez leurs paroles, activez le brouilleur. Et là, coup de génie : Bruce Willis parle doucement. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Les gens tendent l'oreille, écoutent le film. Dingue. Ca y est, il utilise son flingue, le malfrat fait un vol plané digne des mafiosis dans Hitman tellement le cadavre est léger et- blam, il se prend une balle. Pour citer Gendo Ikari, tout se passe comme prévu. Merde, en fait la conversion s'est faite au mot prêt et je me retrouve à réciter les dialogues de mémoire. Rodriguez prend son temps : c'est pointilleux, brut, fidèle. Le montage est lent, avec un plaisir très malin à gratuitement lier les histoires (dans les livres, Frank Miller ne s'autorisait que de très discrètes références d'une histoire à l'autre). Mon côté nerd s'insurge quand même devant les deux-trois modifications presque puritaines : à la fin, le Yellow Bastard porte un calebut alors qu'il était à poil dans la bédé ou Nancy jouée par une Jessica Alba qui ne voulait pas faire de nudité et se retrouve suffisamment vêtue pour ressembler à une bonne soeur à côté des autres filles de Sin City. En plus, j'ai rien à foutre de ce sous-GUNNM et série TV pour dorks qu'est Dark Angel, mais je me bats bien les noisettes sur l'air de la Traviata de votre Jessica Alba, qu'elle fait toute tache dans ce film et qu'elle joue mal. Que ses fans ne se sentent pas offensés (ils lisent ce site, paraît-il), hein... J'ai beau avoir un faible pour Laetitia Casta, okay, j'admets volontiers qu'elle joue si mal que je préfère avouer être un grand fan d'une illustre inconnue : Jessica Paré, une canadienne (et pas "québécoise", j'adore ce pays et ne soyons pas sectaires) qui a joué dans "Stardom" et "Lost and Delirious". Jessica, si tu lis ça, sache que je t'aime de toute la partie pure de mon coeur - d'accord, elle est pas énorme mais c'est déjà ça). Tant qu'on en est à parler de femmes, celles du film sont incroyablement proches de celles des livres ; j'ai eu une réaction tellement primale que j'ai dû perdre quelques points de QI lors des passages dans la vieille ville.
J'aperçois un carré blanc dans un coin de la salle de cinéma. Nom de Zeus, il y en a encore qui utilisent leurs portables ici. En regardant les ombres qui peuplent le cinoche, on voit que leurs visages sont aussi blêmes que dans ce film. Au générique de fin, les deux tiers du staff est réservé aux équipes d'effets spéciaux. Les images de synthèse sont un peu "toc" sur les voitures, mais à part ça, c'est surtout du gros travail sur la lumière et la couleur. Tout un tas de subtilités qui ont dû coûter bonbon... et pourtant, ce film garde un côté film noir de série B (pour peu que ce mélange de genres soit autorisé), bourré de références ou d'invités : lorsque Marv passe au confessionnal, bah le prêtre c'est Frank Miller, yay! Et on entend le cri de Wilhelm au début! c'est officiel, je suis un geek irrécupérable. Et à en juger les réactions non-chiantes de la salle, Sin City arrive aussi à séduire "les autres" ; en matière d'adaptation de comics "indépendants" (autrement dit, ne mettant pas en scène des gens qui mettent un slip par-dessus leur pantalon), même Hellboy n'avait pas fait aussi bien. Grandiose.



EDIT : Si je ne m'abuse, Sin City est le troisième film à se choper un zéro pointé sur CAPalert (on a déjà parlé d'eux ici - attention, leur critique contient des révélations sur l'histoire). Bien joué !