Bonne nouvelle: Casterman arrête de nous prendre pour des cons et se décide à séparer sa division mangas de la maison mère. Le résultat se nomme Sakka, et c'est tout bénef pour eux aussi - s'ils font un travail de merde, la honte ne leur rejaillira pas dessus. Leurs livres sont toujours parmi les plus chers de l'édition manga française (entre 9 et 10€), mais la qualité générale semble s'améliorer (enfin un sens de lecture oriental!), tout du moins pour le papier et l'impression. Par contre, il est encore un peu tôt pour juger de la traduction: leur version de l'Habitant de l'Infini/Blade of The Immortal/Mugen no Jyuunin basée sur l'édition américaine me reste en travers de la gorge en tout cas. D'ailleurs, les gens se mettent à râler devant cette réédition à prix d'or jusque dans les pages officielles de Sakka... Sûrement afin d'éviter que ce genre de remarque ne se généralise, Sakka commence son aventure avec beaucoup de one-shots, dont Forget-Me-Not (merci pour les scans sur le site, ça m'évite d'en faire), signé Kenji Tsuruta.

Ca raconte l'histoire d'une fille de 20 ans qui s'appelle Mariel Imari et qui a hérité de ce nom bizarre parce qu'elle est issue d'un croisement nippo-italien... et vit à Venise. Déclic chez ceux qui me lisent depuis un petit moment et se souviennent de mes trois carnets de voyage là-bas. Ca tombe bien, on voit que l'auteur ne s'est pas limité à quelques bouquins pour représenter la ville où "on peut se rendre au travail en dauphin" (Homer Simpson). C'est fidèle, y'a des chats partout, les petites rues sont bien faites, bref c'est pas la carte postale touristique stéréotypée (et on ne voit pas un seul masque!). On entraperçoit aussi l'aéroport Roissy/Charles de Gaulle, pas trop moche non plus. Pour l'histoire, Mariel est une jeune détective issue d'une longue lignée de limiers... dont elle ne pourra toucher le fantastique héritage qu'à condition de retrouver le voleur d'un tableau de la collection familiale, l'éponyme "Forget-Me-Not". Et évidemment, le fieffé maudit n'est pas un Arsène Lupin du dimanche.
Le trait est soigné, le tramage absent (sauf au début de certains chapitres, le premier étant même en couleur. Si les autres sont en teintes de gris, est-ce la faute à Sakka ou était-ce ainsi d'origine?). La narration est étrangement fouillie, et ce n'est pas un compliment: il y a beaucoup de personnages qui arrivent sans qu'on sache pourquoi, beaucoup d'histoires secondaires qui ne servent pas à grand chose, des découpages confus entre évènements... En arrivant à la dernière page, on sent que beaucoup a été commencé mais rien n'a été fini - ceci dit, la conclusion en soi n'est pas mauvaise. Comme une ambition pour faire plusieurs volumes qui n'existent pas, ou au contraire, condenser trop d'éléments dans ce livre. Serait-ce la signature de Tsuruta, dont certains avaient senti une fin à l'emporte-pièce dans Abenobashi Mahou Shotengai?
A part ça, il y a un fan service assez généreux, la traduction française tellement mise en avant par Sakka est fourrée de fautes d'orthographe et de grammaire, et l'héroïne est attachante. En bref, potable, sans plus; dommage.