.hack//SIGN se voulait innovant: raconter une même histoire (un MMORPG aux dessous pas très clairs) de trois points de vue différents: anime/OAV, manga et jeu vidéo. Sauf qu'à l'exécution, le résultat fut mitigé, pour rester poli. Les cerveaux derrière le projet dot Hack - Yoshiyuki "manga Neon Genesis Evangelion bouh bouh" Sadamoto le premier - vantèrent sur tous les toits ce concept novateur... A l'exception près qu'ils n'ont rien inventé: au siècle dernier, Serial Experiments Lain nous faisait déjà le coup.
Pendant quelques années, Dybex est devenu un des éditeurs les plus puissants de France et de Wallonie en vendant les VHS d'Eva, de SEL et de Cowboy Bebop par paquets de 500. Et malgré le caractère abscons à souhait de la série, Lain a son cortège de fanatiques - principalement composé de geeks en phase terminale, tout contents d'avoir trouvé un anime qui fasse des références à BeOS ou au protocole IP tout en ayant une fille pour perso principal. L'anime est donc connu de toutes et de tous: pour le manga et le jeu vidéo, c'est une autre histoire.

En fait de manga (The Nightmare of Fabrication, en anglais dans le titre), il s'agit plutôt d'un doujinshi d'une dizaine de pages, trouvable en deux coups de cuillère à pot sur le Wired. On y aperçoit un perso de l'anime (indice pour ne pas spoiler: il a du scotch sur les bras) et un autre du jeu vidéo, ainsi qu'une Lain sacrément secouée du crâne qui bricole une peluche. La chose est parue dans le premier artbook (an Omnipresence in Wired, on y voit aussi des dessins en rapport avec le jeu abordé aujourd'hui) - dur à trouver! Difficile de le placer quelque part dans le scénario, bien que la plupart des théories en la matière avancent que les trois histoires (manga - anime - jeu vidéo) sont séparées, ou des réalités alternatives qui se chevauchent sans véritable influence sur les autres ("gaidens", à la façon des OAVs pour des animes en séries TV). En tout cas, elles amènent plus de questions que de réponses. Le jeu vidéo est sorti sur playstation, et semble de première génération. Pas facile à dire non plus, puisque techniquement, c'est pas la panacée - mais on y reviendra plus tard. Il tient sur deux disques, est positivement introuvable, et il m'a fallu un bon moment avant de trouver la moindre ISO (oui, j'ai avoué, flinguez-moi) - merci à Garric en passant.
Vous vous souvenez d'In Memoriam, le jeu d'aventure qui nous lâchait au milieu d'un programme dont on devait comprendre les tenants et les aboutissants? Yoshitoshi ABe nous refait ici ce coup. Tout ce que vous verrez dans ce jeu, c'est une interface simulant un serveur (il y en a deux, un par CD), avec ses niveaux de sécurité et ses fichiers, avec une Lain au milieu de l'écran qui ouvre les documents pour vous. Il s'agit de vidéos (très courtes et réalisées par une équipe différente de l'anime) ou d'enregistrements sonores (parfois longs de quelques minutes, et impossibles à couper si vous les avez déjà entendus!), qui se débloquent toutes seules au fur et à mesure que vous les consultez. Il n'y a pas de gameplay ou de puzzles à proprement parler, le seul défi étant de réunir les pièces de l'histoire pour pouvoir comprendre ce qui se passe. Et le scénario est vraiment détaché de l'anime: on a affaire aux journaux intimes de Lain et de sa psy - une certaine Touko. Au fait: on apprend assez vite la raison de la mèche de cheveux de Lain (quand Touko le lui demande, elle bredouille que c'est parce que les mauvais esprits entrent par les oreilles). L'une essaie de faire un robot pour remplacer son père fraîchement assassiné - on voit le cadavre et c'est pas joli-joli -, l'autre est paumée entre ses relations de travail et son mec; elle finit par perdre la boule. Ne m'en demandez pas plus sur le scénario, mon cerveau entre vite en buffer overrun quand il est mis face à du japonais - mais cette page (faisant partie de Thought Experiments Lain, dont l'auteur avait refusé ma proposition de traduire son site en français) raconte toute l'histoire. Ah, je viens de me relire et c'est pas indiqué, alors voilà: tout le jeu est en japonais parlé, avez zéro texte utile. En se prenant une journée, on peut boucler la chose et déverrouiller tous les documents... pour réaliser qu'il n'y a pas de fin en bonne et dûe forme. Quand l'histoire se termine, vous le comprendrez par vous-même, mais vous n'aurez pas de "game over" à proprement parler (et le générique est consultable à tout moment dans les options).

En bref, Serial Experiments Lain en jeu vidéo est la fin du projet original, puisque SEL était censé à l'origine être composé de deux animes. Une histoire qui lui est propre, racontée par des pistes sonores et des clips vidéo très courts... Un DVD de bonus façon 1998? Un drama CD, plutôt. Pas de début, pas de fin, pas d'énigmes, pas de jeu, et des temps de chargement en accord avec la playstation à ses débuts. Connaissance parfaite de SEL et du japonais obligatoires, ainsi que des nerfs d'acier pour encaisser la maniabilité insupportable et le labyrinthe psychologique qui sont le coeur de cette curiosité. Make me sad? Oui. Make me mad? Oooooh oui. Make me feel alright? Retournez à l'anime!