Halo était le jeu qui a fait vendre des Xbox à plus de 350€, et dégageait cette saveur d'un classique du jeu vidéo. Peut-être parce que c'était un autre quake-like parfaitement taillé pour une console précise, démontrant à la façon de GoldenEye que le genre peut exister sans clavier ou souris à cette condition. Le stick analogique ne doit pas émuler un mulot, il doit le remplacer. Un faible nombre de touches ne doit pas limiter les actions, il doit les rendre plus accessibles. Ignorez la version PC, c'est un ratage sans nom. A audience différente, jeu différent. Halo a établi le standard en matière de véhicules, a fourni un univers bien ficelé comme on en voit rarement dans les FPS, et a lancé le concept des Lan Parties aux consoleux. On ressort régulièrement le disque pour montrer que la Xbox a des jeux bien à elle alors que c'est un titre paru au lancement de la grosse boîte noire - aux mauvaises langues d'affirmer que ça prouve bien que rien d'autre n'est valable depuis.

Elles peuvent se marrer, les mauvaises langues; Halo 2 est le jeu qui va faire vendre des Xbox à 150€. Ou 199€ avec le titre, deux manettes et deux mois de XboxLive, ce qui semble également être un deal passionnant pour tous ceux qui ont déjà une console modifiée. Qu'est-ce que le jeu a à offrir? Exactement pareil que le premier, mais en plus gros et avec le Live. Un mode histoire qu'on peut faire en coopératif à deux, du multijoueur avec une flopée de modes de jeu modifiables,et le sempiternel contenu téléchargeable. Et on peut tenir une arme dans chaque main et voler les véhicules ennemis, aussi.
Le mode solo continue donc le long scénario amorcé dans Halo. Pour résumer rapidement, une guerre perdue d'avance entre humains et aliens - pompée sur le bouquin "Starhammer", mais c'est autre chose. On joue le rôle du seul espoir des humains - un soldat génétiquement modifié doté d'une armure style abri anti-atomique -, qui après avoir réduit à néant l'arme de destruction massive d'en face, doit maintenant protéger la Terre. Pour le gameplay, c'est pas compliqué: on en prend plein les mirettes. C'est du FPS bourrin et simple comme du Quake ou du Unreal, avec des niveaux gigantesques organisés en zones chargées de manière quasi-invisible. Quand je dis "bourrin et simple", ça implique aussi des moments frustrants: des salles aux ennemis illimités tant qu'on ne trouve pas l'astuce pour s'enfuir, des portes à la Zelda qui s'ouvrent comme par magie quand les lieux ont été nettoyés ou des sauvegardes automatiques pas toujours au bon moment (parfois tous les cinq mètres, parfois rien même après 3 escarmouches bien chiantes qu'on devra se refaire à la moindre erreur). C'est bien plus grand que tout ce qu'on voit actuellement sur console et la quasi-totalité des jeux PC - un peu comme le premier Halo à sa sortie. Car c'est vraiment comme dans le premier opus: hordes d'aliens, défoncage à coups de grenades, de crosses et de flingues récupérés sur les cadavres, passage en force des lignes ennemies à bord d'un tank ou d'une jeep où votre copain pilote la tourelle en coopératif (si vous êtes seul, l'IA est excellente) et j'en passe. Si vous n'avez pas fait la campagne de Halo, celle de Halo 2 vous éclatera les yeux pendant 10 heures. C'est tout? Ben oui: même si les niveaux sont bien plus longs et qu'ils sont au nombre de 15 au lieu de 10, le scénario est torché tout aussi rapidement que n'importe quel jeu actuel. Sauf que le gigantisme de l'ensemble, les secrets cachés un peu partout et la rapidité de l'action font qu'on y revient volontiers, que ce soit pour 10 minutes ou une soirée. Si vous avez joué au premier, voilà ce qui change: c'est plus véloce (le bouclier se vide et se régénère plus vite, on saute plus haut, exit les points de vie), porter deux armes à la fois est jouissif mais légèrement imparfait (j'y reviendrai), quelques ajouts de gameplay mineurs (on peut échanger ses armes avec les soldats ou utiliser des jumelles) et la Xbox est tirée à ses limites. Et c'est pas beau à voir, une Xbox qui souffre; il y a deux gros défauts graphiques qui sautent aux yeux, ont la même origine et font un peu cache-misère.
A savoir, un mipmapping et les détails géométriques mal échelonnés - sortez votre tête de ce seau de glace, je vais expliquer. Le mipmap, pour ceux qui n'ont pas le dernier GameFAN sous la main ou le boycottent pour cause de Fred B, consiste à remplacer une texture par une autre moins détaillée si on s'en écarte. Regardez dans n'importe quel jeu en 3D, vous verrez que le sol devient de plus en plus flou avec la distance. Ca économise de la mémoire, et le jeu fait ça en stockant plusieurs textures ou en filtrant lui-même les détails les moins visibles. Or dans Halo 2, on a le choix entre "texture magnifique pour les plans rapprochés et admirer les détails avant de sniper ce batârd d'alien" et "texture Nintendo 64". Le problème, c'est qu'on passe de l'une à l'autre sans transition quand on s'écarte d'un objet ou quand un détail apparaît brusquement à l'écran; la console n'arrive pas à charger à temps une version détaillée et on voit rapidement un truc assez dégueu, par exemple lors d'une cinématique quand la caméra change d'angle. Ce n'est pas un bug, c'est une limitation mal cachée. Les détails géométriques ont le même problème: normalement, un moteur 3D retire les polygones les moins représentatifs avec la distance pour les utiliser sur les autres objets. Dans Halo 2, la transition entre un beau flingue posé à terre et une bouillie infâme est assez brutale. Tout ça est un peu étonnant surtout compte tenu du studio Bungie (qui développe sur la console depuis le premier jour), un peu choquant visuellement parlant, mais bon: on parle d'un Celeron 733 avec 64 Mo de RAM avec GeForce 3 modifiée, donc on a déjà du mal à croire qu'il puisse générer quelque chose d'aussi énorme. D'autant qu'il se rattrape ailleurs: un seul chargement au début du jeu puis plus rien, image au format 16/9ème et son Dolby youpi-youpi, ralentissements rarissimes et acceptables.

Dans Halo, l'histoire était un 50/50: la première moitié était bandante et le reste était déplorable. Pour ce deuxième opus, c'est un fait: tout le mode solo est aussi bon qu'un pot de Nutella, et il a le même défaut - il se finit mal. C'est vrai quoi, avec la forme foireuse du pot, c'est toujours chiant de récupérer le chocolat qui reste au fond. Ici, la fin est une atrocité censée dissimuler un manque de temps avoué dans le making-of. Beaucoup ne comprennent pas le sens de cette conclusion (il suffit de consulter les forums officiels pour se faire violemment spoiler), mais ceux qui y arrivent - et qui, éventuellement, l'apprécient - voient bien qu'elle est malgré tout foireuse. Halo: à moitié excellent, à moitié nul, une fin superbe. Halo 2: un jeu génial, une fin ratée. Y'a du progrès... Certains s'accrochent à un espoir éthéré - finir le jeu en difficulté Légendaire, des chapitres ajoutés par téléchargement - mais le fait est que ce qu'on voit est une vaste boufonnerie. On ne réduit pas le disque en miettes pour autant (comme ce fut le cas avec Marvel VS Capcom 2 ou les deux derniers Matrix), puisqu'on a plaisir à retourner vider ses chargeurs en solo ou en multi, mais quand même. Ca laisse augurer du meilleur pour Halo 3? On s'en fout, on parle du 2 et le prochain ne sera pas là avant un bout de temps. Ajoutons à cela que la toute dernière phrase du jeu est mal traduite dans la version française et on tient le pompon...
...surtout pour un jeu autant concentré sur son univers et son histoire. Il y a eu les livres, le site ilovebees... Vous ne connaissez pas ILB? C'est une "réalité alternative" qui fut créée avant la sortie du jeu. L'adresse du site apparaissait subliminalement à la fin de la bande-annonce cinéma d'Halo 2, site qui semblait légèrement contaminé par un truc bizarre (une des hypothèses les plus plausibles étant les aliens du jeu tentant d'entrer en contact avec les humains). Il n'y avait pas de pubs pour Halo, le jeu n'était d'ailleurs jamais mentionné. Il y a ensuite eu des appels téléphoniques vers des cabines publiques, des joueurs qui se concertaient... Un sacré boulot qui s'est achevé avec la sortie du jeu et qu'on peut revisiter. Pour en revenir à l'histoire d'Halo 2, on sent que le titre est un enfant du 11 septembre (Halo premier du nom était sorti avec la Xbox le 14 novembre 2001; le travail de pré-développement du deuxième épisode a dû se passer dans une sacrée ambiance): un des premiers niveaux du jeu nous envoie dans un quartier sacrément arabisant (on entend même un muezzin appelant à la prière!), assez mal en point et investi par vous et les autres soldats pour le nettoyer - il y a même des snipers. Plus loin (deuxième niveau, combat contre les deux Apparitions avant l'arrivée du Scarab, dans la rue à gauche), on voit un message de propagande des humains plein de sous-entendus invitant à repousser l'envahisseur...

Ce qui amène à la page des petits désagréments en tous genres. Faut pas se leurrer: Halo 2 est vraiment un excellent jeu, le meilleur que la Xbox a vu passer cette année avec Ninja Gaiden d'après moi et le deuxième meilleur jeu de tous les temps d'après le classement GameRankings (relativement objectif puisque basé sur une moyenne des notes recencées dans les médias, mais donc vulnérable à la hype); ce dont je vais parler dans ce paragraphe peut donc sembler trivial (et ça l'est!), mais mérite d'être signalé, ne serait-ce que pour prouver à ceux qui n'aimeront pas cet article que j'ai passé du temps sur le jeu. Porter deux armes est fun et tactique (on ne peut pas lancer de grenades, on peut changer quand on veut, etc), mais est accompagné de quelques désagréments: toutes les occasions sont bonnes pour lâcher le deuxième flingue. On donne un coup de crosse = on le fait tomber. On utilise une tourelle = pareil. On veut utiliser la troisième arme mise de côté (généralement un bon gros lance-roquettes ou un fusil de sniper) = idem. Irritant. L'IFF a une portée trop courte, faisant parfois hésiter avant de tirer puisque le viseur ne vire pas au rouge. L'écran splitté à deux joueurs est forcément vertical si le dashboard de la console est réglé sur "Ecran Large" et forcément horizontal si la télé est en 4/3, sans possibilité de changer ça dans le jeu. Le melee combo vu dans la démo de l'E3 2003 n'existe plus, le mouvement des coups de crosse me semblant même parfois un peu naze. Même si le moteur physique est maintenant signé Havok, le comportement du Warthog est passé de "Subaru Impreza édition WRC" à "voiture Playmobil". La version française a quelques contresens déstabilisants (comme les termes utilisés dans le XboxLive), parfois nocifs à la compréhension de l'histoire, quand il ne s'agit pas du doublage incompréhensible pour certains personnages non-humains. Les voix ne sont disponibles qu'en français (mais les textes peuvent être mis en anglais), au grand dam de ceux qui se délecteront du doublage original mis en lumière dans le DVD de l'édition collector.

Parlons-en, de l'édition collector. Elle a vite disparu des rayonnages, d'ailleurs. La boîte est en plastique avec une plaque de métal par-dessus, représentant le simple logo bleu de face, le titre sur la tranche et une illustration en teintes de gris du Master Chief devant la ville de New Mombasa au dos. Le tout recouvert d'une jaquette en plastique qui contient toutes les informations de vente (recommandation d'âge, texte de présentation, etc), laissant la boîte proprement dite aussi clean que possible. A l'intérieur, c'est plein: à gauche, le manuel et un livret ajoutant quelques éléments à l'histoire (je crois qu'il est différent de celui qu'on trouve dans la version normale du jeu), quelques pubs et la carte des deux mois de Live; à droite, le DVD et le jeu empilés l'un sur l'autre, ce qui ne manque pas de faire hurler les puristes ("les frottements abîmeront le disque au-dessus", "Metal Gear Solid 2 ou Wind Waker avaient un support séparé pour le deuxième disque", etc). Bon point: le contenu du DVD n'est pas un gros pot-pourri de publi-informations. Le making-of est intéressant et parle même du fandom Halo, les contenus coupés lors de la conception du jeu sont sympas, et il n'y a même pas de bande-annonce d'autres jeux Xbox. Autrement dit, propre.
Au passage, ça me rappelle quelque chose qu'on voit dans le DVD fourni avec Metal Gear Solid 2, à savoir la dissimulation d'infos avant la sortie du jeu. Souvenez-vous: Hideo Kojima avait camouflé le personnage de Raiden et poussé le vice jusqu'à modifier la bande-annonce du Tokyo Game Show en le remplaçant par Snake lors du combat contre Fortune, ou en situant celui contre le Harrier sur le pont Washington pour ne pas montrer la Shell... Bungie a fait pareil: la bande-annonce de septembre 2002 est différente dans le jeu (et encore plus frimeuse à la fin), et le niveau de la démo de l'E3 2003 n'existe pas. Ca en énerve certains, moi j'adore.

Et le mode multijoueur? Le jeu a un bug rendant impossible pour certains joueurs de rejoindre une partie sans attendre trois bonnes minutes pour la moindre connection. Oui, j'en fais partie. Un patch est en cours, mais en attendant, les autres joueurs ont l'air de s'éclater, je n'ai pas eu de lag sur les quelques parties jouées, mais je reste quand même avec la queue entre les jambes. Je parlerai donc dans un autre article du mode multi.

En bref, Halo 2 est la killer app actuelle de la Xbox. Il tire la console dans ses retranchements techniques, est vraiment fun à jouer en solo ou à deux, grand à défaut d'être long, varié à défaut d'être quelquefois répétitif (surtout en intérieur), très bon dans sa narration à défaut d'une fin correcte. Foutrement bien exécuté à défaut d'être innovant... Car Jason Jones (project lead du jeu) n'a pas menti en disant que "Halo 2 est vraiment comme Halo 1, sauf que c'est Halo 1 en flammes, à 200 à l'heure dans un hôpital, poursuivi par des hélicoptères et des ninjas... et les ninjas sont tous en flammes, aussi" (citation, et version SomethingAwful. Notez qu'un logo de ninja en flammes est disponible dans le jeu pour personnaliser votre apparence^^); le jeu est vraiment un Halo 1 sous stéroïdes, qui n'invente rien en reprenant juste une recette qui marche. Ne vous attendez pas à de grandes innovations comme Halo 1 en fit en son temps, mais attendez vous à un très bon jeu malgré tout.
Par contre, les fonctionnalités XboxLive (hors jeu proprement dit, s'entend) sont nombreuses et complètement intégrées au jeu: le principe de virer tout listing de serveur (un concept qui lui est vraiment neuf et va être repris par d'autres pour simplifier le jeu online) et d'imposer des règles et cartes précises limite les campeurs et encourage à jouer pour le plaisir, pouvoir jouer en ligne à 4 sur la même console avec un seul accompte Live est une excellente initiative...
Halo 2 sert de vitrine technologique et ludique pour le XBL (et plus particulièrement pour les fonctionnalités de la version 3 du service) et ne s'en cache même pas. Donc: si vous avez une Xbox et le Live, achat obligatoire. Si vous avez une Xbox sans le Live, mon côté radin vous encourage à l'acheter en occasion (ou en kit avec 12 mois de XBL si vous attendiez une raison d'y passer). Si vous n'avez pas de Xbox et pas l'intention de passer au Live, acheter le pack avec la console et 2 pads vous offre le jeu et une manette (à 150€ la console, 40€ la manette officielle et 60€ le jeu, sortez la calculatrice). Et les 2 mois de Live gratos devraient vous encourager à diversifier l'utilisation de votre connection au Net. Vous l'avez deviné: à défaut de faire de la pub pour avoir la chance de jouer avec mon lectorat adoré, Halo 2 a une véritable valeur ajoutée si vous pouvez jouer avec vos potes, que ce soit en réseau, sur la même console, en ligne ou en coopératif. En solo, il reste excellent, mais attendez-vous à une bonne crise de rage quand vous en verrez la fin. Astuce: trouvez-vous des copains et achetez-le.