L'édito aurait pu commencer de meilleure façon: la première phrase du rédac' chef est: "asseyez-vous confortablement et fermez les yeux". Excellente manière de ne pas lire son texte, quoi. Dans lequel je m'attendais à trouver ce qu'on lisait dans les éditos de Player One, Génération 4 ou Pif quand le prix du papier montait et justifiait les quelques francs en plus au passage à la pompe. GameFan numéro 4 passe à 5€50 contre 4€50 jusque là, et perd la reliure qu'il avait gagnée au N°3. Le papier est légèrement plus épais, la couv' est toujours glacée (et moins large que les pages du magazine!), les pubs sont toujours quasi-absentes. Plus pour longtemps: ils ont pris contact avec une régie. Mais pour ceux qui n'épluchent pas le forum de leur site Internet, pas d'explication sur cet euro supplémentaire. Pourtant, les internautes ne paient pas, eux. Alors que Kanpai-Net décide d'arrêter les frais sur GameFan, le raton-laveur reprend le flambeau et compte les points.

Couverture moyenne sur le thème de MGS3, qui fait l'objet d'un superrrr dossier de Fab' cosigné par un "Parakeet Baboon", qui n'est qu'un énième nom de plume de quelqu'un de déjà connu par un pseudo. C'est propre à la presse "loisirs" que de multiplier les identifiants, la même qui fait un star system de ses auteurs. En témoignent les pages de léchage de boules, fort bienvenues dans un mag' "dont la denrée la plus rare est le manque de place chronique" (sic), dixit le rédacteur en chef. Je résume pour ceux qui n'ont pas suivi: ils disent qu'ils manquent de place (chose qui est une 'denrée', donc ils ont besoin de manque de place. Wow), et ils mettent des rubriques axées sur la présentation des auteurs ou leur journal intime. "Le Journal d'Aliasaka" n'est qu'un vulgaire blog, inutile à souhait et qui aurait davantage sa place sur le site Internet. Le "GameFan Who's Who" frappe fort, portant aux nues notre cher Frédéric B. Vous savez, celui qui a écrit les scandaleux articles sur "les relations amoureuses et les jeux vidéo" et le marché de l'occasion FR dans le numéro 3. Celui qui a avancé sans preuve et sans source que Eve a rencontré Lilith dans la Bible ou que "les joueurs ont une libido haut dessus (sic) de la moyenne". Faut croire que c'est un demi-dieu, puisque sur la photo en page 68, il utilise une cabine téléphonique sans insérer de carte (PCV? Il reçoit un appel sur sa ligne privée?). Faut croire qu'on nous a envoyé la mauvaise moitié. Faut croire aussi que mes critiques de GameFan contiendront systématiquement une rubrique dédiée à son compte, parce que là encore, il fait très fort.

Cette fois, Fred B a signé un article intitulé "Violence et Horreur Vidéoludique - Jusqu'où iront le mal et la peur?". Texte trop soigné par rapport à ce qu'on a précédemment lu du même auteur, même si l'on retrouve des poncifs (comme la paraphrase sur les "règles et filets"). Après une rapide recherche, surprise: le texte est un copier/coller d'un article publié en février 2004 sur Puissance-Nintendo! Evidemment, ce n'est précisé nulle part dans le mag', et les fautes de grammaire ont subsisté. A partir de là, trois points de vue possibles. Celui du webmaster de P-Nin: en plus de me poser des questions sur la cession des droits de publication, est-ce que ça me ferait plaisir qu'un rédacteur réutilise son texte écrit par philanthropie quelques mois plus tard pour se faire du fric? Celui du rédac'-chef de GameFan: est-ce que ça fait pas mal au cul de rémunérer un type pour un vieil article recyclé? Enfin, mon préféré, celui du lecteur de GF: j'ai pas l'air d'un con à payer non plus 4,5€ mais 5,5€ pour lire des textes trouvables gratuitement? Tirez vos conclusions...
Pendant qu'on en est dans les pratiques douteuses: le vol de photos sur le Net. L'article - fort sympa - sur "l'Univers des Collectionneurs" se présente comme une "fiction" dont les similarités avec des personnes existantes est "voulue". Ecrit à la première personne, il sous-entend au moins que l'auteur y a mis du sien, à tous les sens du terme. On voit des photos de chambres emplies de jeux vidéo, dont une légendée à la première personne. Sauf que: elles sont tirées de VideoGameCollectors.com et le site n'est pas du tout crédité! Alors le petit journaliste amateur que je suis va se permettre de donner une leçon rapide: quand les lecteurs se rendent compte de ce genre de chose, ça vire souvent au vinaigre. Ces types font un site gratuitement, vous utilisez leurs efforts dans une publication payante sans même les nommer. Quand le magazine AnimeLand a pompé des infos sur Cyna.net, ça a chié grave dans la colle, si je puis me permettre. Quand la pratique se généralise, pareil; question de déontologie. Certains citent leurs sources (Lemming à la fin de l'article sur le hardware ps2, par exemple), d'autres pas: la politique de la maison a l'air vraiment au point. Je vous parle aussi des JPEGs tout flous des cartes PC-FX en page 97 ou vous avez compris?

Maintenant que les gros morceaux ont été lâchés, passons à la critique générale. Dans l'ensemble, j'ai passé un bien meilleur moment avec ce numéro 4! L'orthographe est en hausse de qualité (après tout, c'était difficile de faire pire). L'excellent papier sur le marché de l'occase japonais, contrastant cruellement avec celui du mois dernier sur le marché FR (oui, j'enfonce le clou et je l'assume). La rubrique "Comment faire un jeu vidéo" qui s'attaque enfin à la viande: le Game Design, et c'est bien expliqué (+5 points pour avoir cité GamaSutra!). La présentation de tout Sukoiden suivi du test du quatrième opus, le reportage sur l'AM Show, le dossier sur les consoles NEC (bien qu'il donne l'impression qu'il n'y en a eu que pour les Tengai Makyou... C'est le jeu le plus cité du magazine ce mois-ci). Parenthèse perso: en parlant de la rubrique rétro, voir Lords of Thunder crédité d'un "rétroscore" de 9,6, c'est pas un peu abusé? Je l'ai et ça reste un shooter à des années-lumières derrière le premier ThunderForce III venu... N'empêche, la rubrique rétro fait encore une fois un carton plein, entre des papiers fournis, un super texte sur la saga Strider et un "WindJammers VS KOF 98" hilarant. Enfin, +20 points pour avoir parlé de l'artiste anonyme Space Invader, qui avait fait l'objet d'une double page dans Libé ou de quelques passages à la télé.
Points noirs: on sent l'inculture totale de l'équipe pour le gaming PC. Unreal Championship 2 est présenté comme "une version modifiée du jeu Unreal Tournament 2004 sorti récemment sur PC": bu-buuuu! N'importe qui ayant pris la peine de regarder la vidéo de l'E3 a compris qu'UC2 ne sera pas un remake XB d'UT2004, à l'instar du décevant UC qui était une resucée d'UT2003. The Liandri Conflict est présenté comme un Unreal avec le choix entre 1ère et 3ème personne, armes de poing ou à distance, autrement dit bien plus un hack'n'slash qu'un quake-like. J'ai trouvé le lien précédent en partant du site web officiel: c'était pas le Pérou - le strict minimum en fait. Voir une aussi grosse bourde montre que personne n'a vu le jeu tourner ou fait le moindre effort de recherche; je sais, les screenshots, c'est joli.
On note aussi que l'abréviation "NTSC UE", qui ne veut toujours rien dire, a la peau dure dans la rubrique des tests. La part de chaque console est plus équitable que dans les précédents numéros, même si la ps2 monopolise toujours plus de la moitié de la rubrique. La ligne éditoriale expliquée dans le n°2 ("tous types de jeux, hors RPG, rétro et support arcade") commence à montrer ses limites: le mini-magazine Arkadia n'a aucun test ce mois-ci alors qu'OutRun 2 est critiqué avec les autres titres du moment! En ce qui concerne les jeux en import, l'actualité de ce mois d'octobre met du plomb dans l'aile de GF. Les jeux sont presque toujours testés dans leur version de pays d'origine, ce qui permet souvent un cran d'avance tout en faisant la promo du phénomène d'import si cher au hardcore gaming. Sauf que. Sauf que le mois dernier, un article dans GF rappelait que l'importation restait un acte rare pour les joueurs. Que Gradius V, encensé et sûrement acheté en version JPN en masse (et bien chéros) suite au test de GF, sort en ce moment en version EUR avec plus d'options et pour 30€ seulement. Que Donkey Konga, critiqué dans ce n°4, a une version occidentale complètement refaite. On se demande évidemment: "et si GF avait été là au moment de la sortie nipponne, est-ce qu'ils se seraient limités à la version JPN sans en reparler à sa sortie officielle chez nous?" La réponse se trouve dans le test de Phantom Brave, en import US parce que... "GameFan n'existait pas encore [à sa sortie japonaise en janvier dernier]". Message reçu: au risque faire passer ses lecteurs à côté de versions moins chères ou de meilleure qualité après leur internationalisation, GF préfèrera être le premier sur le coup. C'est un choix, aux lecteurs d'en juger.
Ensuite, les "avant-premières" en couverture, toujours un peu mensongères: DMC3, Mario Party 6 et le projet NICO, consistant toutes en une pauvre news d'un quart ou d'une moitié de page. On peut aussi s'interroger sur la pertinence de causer de tuning de stick arcade sur seulement une page: c'est pas assez détaillé pour que les gens s'y risquent! Et surtout sur un stick officiel Dreamcast, accessoire qui vire à l'objet de collection... Et pour finir, le manga "King of Gamers" qui me semble de plus en plus parti pour finir dans le mur. Il existe au Japon des mangas sur tous les métiers et passions possibles, mais rares sont ceux qui réussissent. Pourquoi? Parce qu'on ne fait pas un bon manga sur les jeux vidéo en prenant un shonen bien basique puis en remplaçant les katanas par des sticks arcade, les noms de techniques ninjutsu par, je cite, des "pad PSI première série non officiel avec une croix supa naintando" (authentique), et les tramages par deux teintes de gris. De plus, ne pas citer de vrais jeux et mettre des "Brake WW Evolution Beta" à la place n'arrange pas les choses.

En bref: GameFan commence enfin à prendre forme. Raconter une journée de collectionneur avec du quasi-vécu, analyser les voitures d'OutRun 2, faire un coup de projecteur sur une saga du RPG méconnue à l'occasion d'un test, parler de la scène amateur au Japon, mettre 6 pages sur de l'AM Show moins d'un mois plus tard, écrire "Namco(t)" (page 94): moi je dis, voilà comment on s'adresse vraiment aux hardcore gamers, voilà comment GF atteint son but. C'est vraiment une bonne tournure prise par le magazine, qui se trouve une identité, une ligne éditoriale vraiment appréciable. C'est aussi vraiment dommage qu'il en profite pour offrir quelques mauvaises surprises au lecteur ciblé, forcément exigeant: repomper le Net l'air de rien, copier/coller de vieux articles, raconter quelques belles conneries ou commencer à se prendre la tête en photographiant ses auteurs avec des lunettes de soleil retrouvées dans les poubelles des frères Washowski. Pour un prix à présent bien plus proche de la concurrence et avec la pub qui ne va pas tarder à remplir les pages, la suite de l'aventure va être croustillante; bon courage.