(Note: Cette semaine, pas de connection Internet locale! J'écris les articles à l'avance sur un portable et je les uploade depuis un CyberCafé. Pas de liens hypertexte partout donc, et allez savoir si les accents et autres caractères français apparaîtront correctement. Vous savez quoi? Si j'essaie coûte que coûte de vous écrire régulièrement, ça doit sûrement être par amour^^)

Vous avez été prévenus: ce sont les premières vacances unplugged que je prends depuis un bout de temps. Pas de connection haut-débit permanente, pas de Slashdot tous les matins, pas de sortie de fansubs à surveiller. Evidemment, c'est jamais le bon moment pour partir: je vais rater le début de la nouvelle saison télé: C+ va diffuser GTO (yay!) une nouvelle émission de soirée présentée par Denisot et des persos en 3D (WTF?!), ainsi que les premiers épisodes de la 3ème saison de 24h Chrono (argh)...Et je viens d'y penser, la sortie du nouveau Prodigy (Always Outnumbered, Never Outgunned)
Bah. Même le voyage était symbolique de cette déconnection. Sur les autoroutes françaises, les stations-service vendent toujours des jouets pourris que même Tati n'oserait pas vendre; je suis tombé sur des figurines intitulées "Ninja Gaiden" qui n'avaient évidemment aucun rapport avec les jeux Tecmo et dont les moulages étaient si mauvais que le bonhomme ne risquait pas d'affronter plus dangereux qu'un plant d'orties - le nom devait être "Ninja Garden", mais mal imprimé, allez savoir. Aux alentours de Milan, la supérette vendait des figurines de Tokyo Mew Mew, anime ici nommé "Mew Mew". Ouais, c'est un autre standing; mais les italiens sont aussi friands de dessins animés japonais. Enfin arrivé à Venise, et bien... Les stations-service, y'en a pas puisqu'il n'y a pas de voitures.
Première constatation: Venise n'est pas une île, c'est une presqu'île. Reliée au plancher des vaches par un pont (construit par les autrichiens et modernisé par les fascistes) qui accueille voitures et train... Mais les seules routes conduisent à de gigantesques parkings. L'entrée de la ville est tenue par un péage automobile tellement chargé qu'on se croit aux caisses d'un parc d'attractions. On laisse sa voiture et on continue à pied; il y a des transports en commun, des bateaux évidemment. Deuxième constatation: c'est pas une grande ville, et comme il y a des ponts partout, on peut aller où on veut en marchant.
Pour se repérer, n'utilisez SURTOUT PAS la phrase "il y a une église dans le coin". Sur une carte pour trouver le cybercafé d'où je vous écris, j'ai compté quatorze églises - et nous parlons d'une mini-carte sur un prospectus, nom d'un chien. Si vous vous orientez à l'aide des bâtiments religieux, il est garanti qu'on retrouvera vos ossements blanchis sur le côté d'une rue. Enfin, j'en arrive à croire qu'il y a deux façons de se faire Venise: la version "touriste" et la version "à l'aveuglette". Pour la touriste, c'est simple: la ville est traversée par un grand canal, pas forcément doté d'une rive - les bâtiments sont souvent au bord de l'eau. Il vous suffit de suivre la rue parallèle au Canal Grande, les indications vers les principaux pièges à touristes feront le reste. Citons la place San Marco au Sud-Est (pourrie de monde le jour, divine la nuit), le pont Di Rialto au milieu (le pire: des boutiques branchées sont directement installées dessus!) et le Piazzale Roma au Nord-Ouest (qui n'est que le parking où les gens arrivent). Passez-y pour dire que vous y êtes passé, puis fuyez en prenant la première ruelle que vous voyez. Oui, c'est la version à l'aveuglette, et c'est génial.
Venise est un gigantesque labyrinthe, au point que même les Carabinieri (les flics, quoi) s'y paument parfois. A un pont succède un autre. A une ruelle d'un mètre de large succède une impasse sur l'eau. A une église succède, ben, une autre église. Pas un seul touriste, rien que des vieilles pierres et des cris lointains d'une mamma qui hèle ses gosses. On ressent régulièrement la petite montée d'adrénaline qui vient quand on se dit "merde, là je suis vraiment perdu" et qu'on regrette de ne pas avoir de Palm Pilot avec module GPS. Presque personne dans les rues en-dehors du circuit touristique, vraiment: le quartier central de San Polo semble fait pour ça. La ville est bourrée d'aberrations urbanistiques avec des murs qui sont là sans raison, des portes qui donnent sur l'eau et donc uniquement accessibles en gondole. Le champ de vision est très réduit puisque les maisons ont trois ou quatre étages, les places sont petites, les magasins se font rares: c'est là que quelque voix dans mon crâne me souffle "t'as salopé cette partie, recharge ta sauvegarde".
Les mots sont lâchés: jeux vidéo. Encore eux. Je m'enfuis pendant une semaine et ils me reviennent en pleine face (*). Pour ces ruelles un peu vides parce que les peupler prendrait trop de mémoire sur la petite Dreamcast, Shenmue semble évident - surtout qu'on se perdait parfois dans le deuxième opus. Lâchez cet annuaire ouvert à la section "Asile Psychiatrique": le deuxième niveau de House of The Dead 2 est une repompe complète de Venise, avec son exploration en bateau et ses zombies qui vous attaquent depuis les ponts; la ville principale dans .hack//SIGN y ressemble également trop pour être honnête. Evidemment qu'ils s'en sont inspirés! Mais voilà pourquoi on peut légitimement "s'y croire" sans passer pour un doux dingue: Venise ressemble à un jeu vidéo et des jeux vidéo ressemblent à Venise. Viennent ensuite les magasins thématiques, dont ledit thème semble tellement réduit qu'on se demande comment ils peuvent survivre. Dans nos aventures binaires, on a des échoppes qui ne vendent que trois types de potions et on trouve ça rentable. Ici, vous avez des magasins qui ne vendent que des chemises (déjà, ça semble bizarre), que des cravates (j'vous jure, des étagères bourrées de cravates!), ou que des masques. Vous me direz, les masques, c'est normal puisque c'est Venise. Et je vous réponds que personne dans les rues n'en porte: soit c'est une idée reçue, soit c'est uniquement pendant le Carnaval de Venise. D'accord, mais ça n'arrive qu'une fois l'an; la ville de Cannes ne compte pas des dizaines de vendeurs de smokings pour sa quinzaine annuelle du cinéma, quand même. Ces magasins de masques, donc, ont toujours quelqu'un dedans qui peint invariablement un autre masque, et on se demande bien où il sera rangé puisque les murs en sont fourrés; ils doivent faire un stock pour le Carnaval et se faire vider chaque année, je sais pas. Nom de Dieu: des dizaines de magasins remplis de masques et personne n'en porte. Les deux épisodes de Zelda sur Nintendo 64 me semblent bien moins tordus maintenant. Encore un exemple de référence otakesque? Il y a un "Hotel Adriatico", le même nom que celui de Gina dans Porco Rosso. Quand vous passez devant ça après votre vingtième magasin de masques de la journée et que vous réalisez que vous vous êtes perdu, vous pouvez me croire quand je vous dis que le cerveau trouve presque normal de chercher une touche "Reset" quelque part.

(*) Puis bon, si on est là pour faire un carnet de bord classique, ça va être quoi ensuite, hein, des dossiers sur ma calvitie et des analyses d'urine, comme on en trouve dans les "blogs"? Plutôt crever!

Deuxième partie