On devrait presque s'y faire: les jeux vidéo "indépendants" sont en voie de disparition. Lorsque le coût du moindre projet se chiffre en millions d'eurobrouzoufs et que la plupart des productions avalent suffisamment de fric pour éponger la dette nationale, il n'y a pas de quoi s'étonner quand les catalogues de sorties enchaînent les suites. Cocasse: Syberia, aventure en point and click développée par un petit éditeur (autrefois bien plus gros: Microïds), a eu droit à un deuxième opus après un succès inattendu.

On peut aussi citer In Memoriam ou Postal 2 dans la liste de ces jeux auto-financés, sortis de nulle part et ayant largement assuré leur part de rentabilité - et de réputation. Notez que ces situations sont exclusives au monde du PC, puisque les auteurs n'ont pas à payer de royalties astronomiques au triptyque Nintendo/sony/Microsoft, pognon qu'ils préfèrent garder pour le développement de leur joujou. Du coup, l'ordinateur reste le chantre de l'innovation, finalement aussi bien sur la technologie que sur le game design.
Sauf que les constructeurs ont fini par trouver un intérêt à ces petites structures: les relations publiques. Ca fait philanthrope de prendre des "indépendants" sous son aile, je vous l'accorde. Mais en plus, c'est la carte à sortir devant les détracteurs assurant que sony ne sort que des jeux de course, que Microsoft ne pense qu'à Halo et que la nouvelle mascotte de Nintendo est Pikachu. Ainsi, sony se frotte les mains d'avoir aidé au développement d'ICO, Nintendo est tout content d'avoir trouvé les Silicon Knights, et Billou achète des boîtes à tour de bras pour les inclure dans ses Microsoft Game Studios, quand il ne cherche pas à vendre sa console au Japon en sortant le chéquier pour un Steel Battalion dont sony ne voulait pas (ou dont le port manette ne fournissait pas assez d'électricité, on saura jamais). Même si les jeux ainsi financés font un four, c'est un véritable investissement dans le capital réputation de la console, puisque les magazines de jeux vidéo et les éditorialistes sur le Net ne manqueront pas de remarquer ces initiatives. Et ça marche vraiment comme ça: Rez, ICO, Otogi et tant d'autres sont passés inaperçus sur les grilles de vente mais sont restés dans les têtes des hardcore gamers et les récompenses de fin d'année de la presse.
Les gros éditeurs qui investissent dans les petits pour s'acheter une réputation de moins gros... Amusant, non? C'est une situation où tout le monde est content: le gros imprime ses communiqués de presse, le petit peut faire son jeu vidéo, et le joueur profite de quelque chose de spécial.

Notez que cet article, à l'instar de quelques autres, parle d'un sujet en général pour ensuite aborder un cas relaté. Passons donc à la deuxième partie, si vous le voulez bien.

Voodoo Vince, sorti à la fin d'année 2003, est donc développé par un de ces studios alternatifs au site web minimaliste et financé par la marque à la grosse console noire et verte qui avait besoin de jeux de plate-forme. Lors de Noël 2002, Microsoft avait déjà visé la cible des enfants (après avoir sorti une manette utilisable par ces derniers!) avec Blinx: The Time Sweeper. Gros matou aux yeux aussi verts que la console qui l'hébergeait, Blinx était armé d'un aspirateur (qui a dit Luigi's Mansion?), jouait avec le temps et avait la grosse étiquette "future mascotte de la console, plus mignonne et moins anonyme que le Master Chief de Halo" collée sur le front. Sorti à 60€, le jeu s'est planté comme une merde et se retrouva deux mois plus tard avec un prix coupé en trois. MS a annoncé une suite à ses aventures pour bientôt.

Voodoo Vince a bénéficié du viandage de Blinx: étiqueté à 25€ dès sa sortie sous les sapins de Noël, il fut réévalué à 60€ quelques mois plus tard... Et certains magasins l'ont remis à 30€ depuis cet été, ce qui cause un beau bordel pour savoir à quel prix vous le trouverez. Comme tout jeu de plate-formes à la Mario 64, il y a des trous sans fond, des ennemis qu'on leur saute sur la tête, des machins que dès qu'on en a 100 on gagne une vie. Ce qui donne à Voodoo Vince son style "alternatif", c'est d'abord un twist sadique et amusant du gameplay: Vince est une poupée vaudou. Donc, à chaque fois qu'elle se plante une aiguille dans la tête, ce sont les méchants qui souffrent. Les super-pouvoirs poussent la chose avec un plaisir à peine dissimulé, et notre pantin de chiffon subit enclumes, attaques d'OVNIs et tronçonnneuses pour mieux occire ses adversaires. Il est donc relativement insensible à l'environnement (mais craint les mojos maléfiques) et en tire un caractère cynique dans son petit univers cartoon - dont les vannes sont en VO sous-titrée. En parlant de ce qui l'entoure, c'est une autre griffe de son héritage d'un petit studio: l'aventure se déroule à la Nouvelle Orléans, et les lieux et couleurs sont dans des teintes en adéquation avec la musique, forcément très jazzy (les thèmes sont interprétés par l'équipe de développement). Au final, on obtient un jeu de plate-formes plutôt grand enfant et bien fun, idéal pour ceux qui ne veulent pas acheter un GameCube rien que pour Mario Sunshine ou qui sont trop grands pour continuer à suivre le plombier (il paraît que ça existe, des gens comme ça). Ca colle à l'image de la console; Microsoft doit être content.