(merci à Garric pour l'enquête préliminaire!)

Comme c'est malin. Free, FAI aimé de tous pour ses tarifs discount qui ont boosté l'Internet français, commence à montrer ses limites. Non, c'est pas ma faute, r-l.net a beau être populaire, on en est pas à ce point. Leur bande passante est phagocytée - comme tout fournisseur d'accès - par le trafic du peer2peer; une situation où seulement un quart des connections servent à mater des pages web ou son mail, tout le reste passant dans eMule, BitTorrent et leurs copains.
Mais voilà, Free a une réputation à tenir. Ils viennent d'entrer en bourse, et la concurrence est dure puisqu'ils ne sont plus seuls sur leurs créneaux de prix. Bref, manquerait plus que la technique soit mise à genoux à cause des abus du p2p!

Alors hop, chez Free, ils ont pris leurs filtres et ont commencé à faire des économies. Ils n'ont pas fermé les ports, ça se serait vu; alors ils les ont bridés. Exemple? Le port par défaut de BitTorrent est le 6969, celui d'eMule le 4662, et pour Direct Connect, c'est le 411. Si on passe par l'un d'entre eux pour faire quoi que ce soit (essayez de mettre un serveur WWW ou FTP pour voir), ça rame. A régler sur un serveur, ça prend 10 secondes, ce genre de bidouille, mais ça doit monstrueusement faire respirer leur bande passante.
La solution? Changer le port par défaut, tout simplement. Les technos dans la salle vont me dire que le trafic d'un soft p2p peut toujours être identifié par sniffage puis analyse, mais c'est proprement impossible à mettre en pratique face à autant de connections à vérifier. En pratique, dans le client Azureus pour BitTorrent, changez ça dans Vue/Configuration/Serveur. Dans DC++, passez en mode Actif. Dans eMule, ça se passe dans l'onglet Connection des préférences. Si vous ne savez pas quel port choisir, mettez un nombre au hasard qui fasse 4 ou 5 chiffres et qui ne soit pas 7777 (réservé à Unreal Tournament). Ne m'envoyez pas de mails à ce sujet, cherchez un peu vous-même - surtout que cette histoire à l'air d'énerver du monde.

Faut dire qu'il y a de quoi. Brider les ports sans les fermer, ne pas communiquer sur le sujet, et continuer à encaisser tranquillement 30€ par abonné chaque mois: si ça rame, le clampin pas renseigné blâme son ordi ou le serveur en face, mais sûrement pas son FAI, puisque la connection s'établit. La technique qui tue pour faire des économies sans se faire choper... C'est d'autant plus vicieux que l'information n'est évidemment pas confirmée par Free, le bridage est apparemment aléatoire (en critères de temps ou d'abonné? On ne sait pas pour le moment), et trop technique pour être récupérée par les médias. Pourtant, c'est justement par là qu'il faudrait passer pour forcer Free à reculer: quand on vient d'arriver en bourse, on a les yeux rivés sur le résultat de l'action et on veut pas de scandale car on craint chaque baisse substantielle.
Alors ça me ressemble pas, mais sur ce coup-là, ce serait une bonne idée de répandre l'info aussi largement que possible. Parce que les FAI ont pris le pli d'imiter Free, alors je vois pas pourquoi ils feraient pas de même sur ce coup.



Mise à jour septembre 2006 : Ce sujet commence à pas mal revenir sur la table depuis deux mois, alors voici quelques nouvelles. Lors de la rédaction de l'article original, Free se contentait de brider les ports réputés pour le P2P, et il suffisait d'en changer dans son application. Maintenant, Free bride les trames P2P.
Explication : les paquets dédiés à la mule ou aux torrents commencent par un "en-tête" bien précis, indiquant à quel protocole ou application ils appartiennent. Ainsi, même si on n'utilise pas le port par défaut, l'ordi qui les reçoit sait à quel programme les distribuer. Donc quand Free voit du paquet qui commence par un en-tête (ou header en anglais) à mule ou à torrent, il l'envoie sur les petits chemins de campagne au lieu des autoroutes de l'information.

Sauf que voilà : ce n'est pas possible de faire ça au niveau du fournisseur d'accès. Ce filtrage se fait quand le paquet part de chez vous, avant d'aller chez Free... par la Freebox. Hé oui, c'est elle qui vous fait ramer ces flux. Free a donc mis à jour le firmware pour que les paquets arrivant chez lui soient déjà filtrés par la Freebox, leur économisant pas mal de bande passante. Si un autre fournisseur d'accès fait la même chose, il ne peut donc le faire que si vous utilisez "son" modem-routeur fait maison, genre AliceBox, NeufBox, LiveBox, AOLbox...

Deux solutions. Soit vous vous débarrassez de votre machinBox, et vous prenez un modem-routeur classique à la place, genre un bon LinkSys des familles qui fait un bon boulot. Comme ça, vous avez un VRAI firewall-routeur intégré, et vous gérez votre réseau. Désavantage : dites au revoir à la téléphonie IP et à la télé.
Autre solution : cryptez vos données. C'est la solution qui semble être à la mode, face à tous les cas de censure en tous genre - et ce filtrage du P2P en est un. Prenez un client P2P qui crypte vos données avant de les envoyer sur le Net, et votre *Box ne pourra pas les filtrer. Avantage secondaire : il sera bien plus difficile pour la Sacem et autres lobbies tordus de prouver que vous êtes en train de faire des choses pas catholiques - si c'est le cas, petits méchants. Et s'ils s'amusent à essayer de décrypter vos flux ? Ben, ils se mettent eux-mêmes en situation de piratage informatique puisqu'ils tenteront de cracker vos données, sans parler de l'intrusion dans la vie privée que cette action représente ! Désavantage : le cryptage, c'est quand même un peu lourd pour l'ordi. Donc l'utilisation de votre processeur risque de grimper si votre client est mal codé ou si votre bécane est un peu vieille.

Quand même, utiliser des réseaux cryptés n'est qu'une radicalisation du mouvement pro-P2P, qui prouve bien que les lois comme la DADVSI ne font qu'empirer les choses : au lieu de se ranger, les voleurs ne font que passer par des solutions plus extrêmes. Mais c'est un autre débat.

Mise à jour novembre 2006 : Apparemment, tout ça ne touche que les non dégroupés. Si vous laissez un commentaire, pensez à indiquer votre statut !