C’est une niche de jeux à laquelle je n’avais cependant jamais tâté avant de me procurer Grand Ages Rome, dont la démo m’avait paru convaincante. Il s’agit en fait du successeur d’Imperium Romanum, dont la démo ne m’avait en revanche guerre convaincu à l’époque de sa sortie, notamment par ses mécanismes de sanction que j’estimait un brin trop sévère (on avait pas le temps de satisfaire les besoins d’une catégorie de population qu’aussitôt après celle-ci passée au niveau supérieur commençait déjà à descendre en flèche votre popularité parce qu’ils n’avaient pas les produits demandés…) et sa gestion des ressources assez hasardeuse à cause des roulements de carrières des familles habitant votre ville.
En jouant à la démo de Grand Ages, j’ai eu la surprise de constater un changement majeur : celui de la gestion des ressources.
Elle ne se faisait plus par apport, mais par flux. Dans le premier cas, vous deviez attendre bêtement que vos paysans, après moult animations, commencent à produire votre première tonne de blé, que cette même tonne soit ensuite stockée dans un entrepôt et qu’enfin un gus du marché vienne la chercher dans ledit entrepôt afin de la proposer aux habitants.
Tandis que dans le second, une fois la ferme fournie en main d’œuvre et en surface cultivable, on se retrouve avec par exemple 14 unités de blé de disponible pour la cité. A partir de ces 14 unités disponibles, 4 seront consommées par le marché une fois celui-ci debout et avec là encore des employés pour le faire tourner, ce qui fait que le blé disponible pour votre cité tombe à 10 unités. Faites un moulin à eau, donnez-lui la main d’oeuvre nécessaire à son fonctionnement et il vous consommera les dix unités de blé restantes pour les transformer en 10 unités de farine, dont 5 d’entre elles seront utilisées par une boulangerie qui produira du pain et alimentera les alentours.

Ce que ça change ? C’est plus rapide, plus clair et on s’y retrouve d’autant plus facilement. Il y a les bâtiments qui produisent d’un côté et ceux qui consomment de l’autre. De plus, dans Grand Ages, les bâtiments d’une même chaîne de production n’ont pas besoin d’être à portée les uns des autres pour pouvoir fonctionner ; toutes les ressources crées sont véritablement considérées comme étant à la disposition de toute la ville en n’importe quel lieu, et vous n’avez pas à vous frapper la gestion d’entrepôts ou autres chaînes de transports. Les seules contraintes présentes dans le jeu sont celles de devoir optimiser le placement de vos bâtiments distributeurs de services (temples, nourriture, divertissements) dans vos zones résidentielles et celle de faire en sorte que les bâtiments où devront aller travailler vos entogés restent dans la zone d’effet de leur habitation.

Ce système a séduit le joueur de SupCom que je suis, habitué à penser en flux de ressource (un mex T1 = +2 de masse, une usine T1= -5 environ, etc.) et je me suis donc procuré Grand Ages Rome, en ce grand moment de disette de RTS et de jeux de gestion qu’était début 2009.

Voilà ce qu'on peut obtenir au bout d'une heure de jeu, sans se fouler, et en ayant débloquer presque tous les bâtiments...


Verdict ? J’ai été déçu. Non pas par l’éco du jeu complet qui était en tout point identique à celle de la démo, mais par tout le reste du contenu du jeu est, à mes yeux, très… limité.

Tentons de nous expliquer clairement. Le jeu est déjà sensé se diviser en deux parties : d’un côté la gestion de la cité et de l’autre une partie RTS pour combattre les barbares et défendre votre ville. Et autant la première partie rempli ses objectifs haut la main, autant c’est extrêmement mitigé pour la seconde.
Les barbares sont vraiment cons et limité à l’envoi permanent du même type d’unité à un même point de la carte ; bref, du bon scripté comme on en fait plus… Ils ne chercheront pas à vous contourner pour attaquer votre point faible, non, ils continueront à foncer connement au même endroit, même si vous avez dressé l’équivalent de la muraille de chine Romaine sur leur passage. Tout au plus s’attaqueront-ils au moindre bâtiment que vous aurez dressé sur leur chemin, même si celui-ci est une tour de défense gardée par une armée deux fois plus nombreuse qu’eux… Pour le coup, on dira volontiers qu’ils sont fous ces Gaulois.
Leurs bases restent de plus limitées à de simple villages fixes sans aucune évolution possible, dont le seul intérêt est peut-être de vous rapporter des esclaves une fois que vous les aurez écrasés, et encore… Il est bien plus intéressant de se procurer lesdits esclaves par voie commerciale.
Bref, pour la partie RTS, ce n’est pas vraiment ça. Tout au juste si on peut se demander l’intérêt réel à l’implémenter tant elle est réductrice.

Quand à la seconde partie, celle de la gestion, elle tiens à peu près toute ses promesses, mais souffre d’un inconvénient majeur : une fois passé les premières parties où vous tâtonnez un peu de partout pour savoir comment marche précisément tout ce beau monde, on se rend vite compte que les seuls challenges qui s’offrent à nous sont de savoir se procurer une des ressources minérales rares nécessaires pour attirer des citoyens de niveau supérieurs dans la cité. Et généralement, c’est réglé en faisant un rapide tour de la carte pour voir si l’on en dispose ou non ; avec dans le cas d’une réponse positive construction d’un avant poste avec un petit hameau périphérique pour pouvoir exploiter le gisement, et en cas de réponse négative une simple construction de comptoir si l’on dispose d’une borne commerciale ou d’un bonus de route commerciale permanent, permettant d’importer ce qu’il nous manque à moindre coût si l’on a pas fait de grosse conneries dans les finances de sa ville. Et pour renflouer facilement lesdites finances, rien de plus simple…

Il faut savoir que le jeu propose trois catégories de citoyens. Tout en bas de l’échelle, on trouve la plèbe, le mec de base qui ira bosser dans les mines ou les champs, et qui finira au mieux comme prêtre au temple de Saturne du coin. Il peut également bosser dans les commerces de fin de chaîne comme les boulangeries et les boucheries, mais sera avantageusement remplacé par des citoyens de la classe supérieure : les Equites.
A savoir que pour attirer ces derniers dans votre cité, il faut que vous disposiez d’une ressource spéciale qui ne peut être produite que par vos plébéens, et à la seule condition qu’au moins 50% de leurs besoins en nourriture soient satisfaits, objectif que l’on atteint assez rapidement sans se poser trop de problèmes de gestion. Et vous êtes obligés d’employer pas mal de plébéens en début de partie pour vous procurer toutes les ressources nécessaires à la construction de votre cité, ce qui fait que vous vous retrouvez avec un excédent important de cette ressource, qui est nommée « marchandises ». Et vu que cette même ressource se négocie fort cher sur les routes commerciales, vous êtes donc assuré d’avoir un confortable revenu de deniers à moindre effort pour vous développer. Ce truc là permet de vous y retrouver systématiquement, même sur les cartes dites « difficiles », qui du coup ne sont pas vraiment à la hauteur de la difficulté annoncée…
Une fois ce truc en place, il devient facile d’attirer des Equites, qui en consommant un peu des marchandises produites par la plèbe, vous fourniront de la soldatesque disponible pour vos troupes. Et enfin, au sommet de la pyramide sociale se trouvent les Patriciens : la haute société bien éduquée voire noble, qui serviront principalement à faire tourner vos temples et vos bâtiments de loisir à leur efficacité optimale. Et autant vous dire : on ne sent pas vraiment de difficulté majeure pour passer d’une classe à l’autre…

Aurai-t-on donc une petite chance au niveau du contenu alors ? Las ! Une fois atteint le niveau des Praticiens, tous les bâtiments ou presque sont débloqués, et on se rend vite compte qu’on a fait le tour de la plupart d’entre eux, et que la seule chose qu’il nous reste à faire est de tenter de contenter au maximum tous les besoins des habitants là où on ne les avait laissé qu’au minimum.
A noter que contrairement à Imperium Romanum, les citoyens d’une classe n’ont pas la possibilité d’évoluer vers le niveau suivant ; il y aura en permanence dans votre cité des habitations des trois classes qui cohabiteront.

Au niveau des modes de jeu disponibles, il faut noter que là encore c’est la dèche : seul un mode campagne et un mode scénarios libres sont disponibles, les deux modes se partageant le stock de cartes de lieux romains historiques comme Lugdunum par exemple. Le multijoueur ? Il y en a un oui, mais même tarif, uniquement sur ce pool de cartes et rien d’autre. Et puis, sans l’avoir essayé il ne me tente pas trop à vrai dire…
Il manque à ce jeu des composants qui à l’heure actuelle sont quasi indispensables à tout jeux de gestions/stratégie digne de ce nom. A défaut d’avoir un éditeur de cartes afin que les joueurs puissent se faire leurs propres lieux de constructions, on eût apprécié d’avoir un générateur de cartes aléatoires afin de sortir de cette sélection de carte bien trop restrictive (a peine une vingtaine). Notons tout de même la présence d’un élément à la mode : la touche de RPG avec un profil à créer au début de la campagne et des point d’expériences gagnés lors des missions. Toutefois, si vous avez le choix entre plusieurs familles romaines fictives avec chacune leurs avantages et leurs inconvénients, vous n’aurez pas droit à une narration distincte pour chacune d’entre elles.

Bref, le jeu est bien pauvre en regard de ce que fait la concurrence, et c’est ce qui, accumulé avec les autres petits défauts, m’y a fait renoncer malgré son système économique qui avait de quoi me plaire. Sa simplicité peut toutefois servir à ceux qui souhaiteraient s’initier au genre sans vouloir se perdre dans les méandres d’un arbre technologique et d’une gestion dignes du labyrinthe de Minos dès le départ. Attendez tout de même de voir le prix baisser, car à 45€ neuf, j’estime que c’est beaucoup trop pour ce que c’est.