L’économie dans un RTS étant une très large composante de son gameplay, nous nous sommes retrouvé avec un genre qui innovait peu, et où les seules nouveautés allaient du gadget inutile à une tactification à outrance du genre à travers des mécanismes tels que les Héros de Warcraft III.

Les rares tentatives de bousculement du genre ont souvent été accueillie avec enthousiasme, mais sont malheureusement restées la plupart du temps confinées à des niches de joueurs hardcore ou puristes a cause de divers défauts. J’avais parlé de l’un de ces jeux lors de mes premières participations sur l’édito : un jeu où en guise d’économie il fallait aplatir le terrain en temps réel et qui offrait la possibilité de fabriquer ses unités avec des combinaisons d’unités de bases, qu’on pouvait reformer sur le champs de bataille en fonction de la situation. Ce jeu, c’était Perimeter, qui a eu un succès mitigé à cause d’un gameplay trop lent (les turtle et les guerres façon 14-18, ça ne passionne pas tout monde).

En tant que vieux de la vieille des RTS, vous comprendrez donc qu’a la moindre bousculade de la pseudo sainte trinité Blizzard-Westwood-EnsemblesStudios mon intérêt s’éveille et que je permette de vous en faire part dans ces colonnes, a défaut d’avoir mon propre blog ou de poster ma prose sur des forums que personne ne lit.

Pour ce quartier libre, le titre ayant aiguisé mon intérêt est Achron (prononcez à l'améwicaine: "aikronne"), un RTS en cours de développement par Hazardous Software. Son intérêt ? Le « T » de RTS.

Achron n’est pas un jeu qui à l’instar d’un Supreme Commander ou d’un Total Anihiliation cherche à renverser le genre en sapant la base : à savoir l’économie, si vous suivez. Au lieu de ça, on nous propose rien de moins que de pouvoir effectuer des voyages dans le temps… en temps réel. Ça vous parait bizarre ? Préparez de l’aspirine, parce que ce n’est que le début.

Le principe de ce jeu est du faire du temps une composante stratégique vitale du combat. Chaque joueur possède dès le début de la partie la capacité de se déplacer dans le passé ou dans le futur sur une fenêtre limitée à quelques dizaines de minutes. Via une interface ad-hoc, le joueur peut à tout moment voir ce qu’il s’est passé ou ce qu’il va se passer, et à l’aide d’une réserve d’énergie spéciale, la « Chronoenergie », peut influer sur le temps passé en donnant des ordres à ses unités.

Exemple concret : vous avez une petite base bien pépère avec une petite troupe suffisante pour la défendre. Manque de pot, pendant que vous étiez occupé à autre chose, votre adversaire vous attaque en prenant le flanc de vos troupes avec une force plus faible que la vôtre, et extermine vos unités, et bientôt votre base. Holy Shit, GG ? Non, pas dans Achron. Vous savez quand votre adversaire va attaquer, et par où. Remontez simplement dans le temps, et donnez l’ordre à vos unités de se placer de manière à accueillir les troupes adverses de front. Dans cette position et vu leur infériorité numérique, l’ennemi se fera laminer sans problèmes. Revenez au présent, et attendez de voir les changements effectués dans le passé se propager au temps actuel, à l’aide du mécanisme des vagues temporelles (je reviendrai plus loin là-dessus). L’écran se brouille, et en lieu et place de votre base en état de destruction avancé, se trouvent votre base et vos troupes, intactes, en train de poutrer de la piétaille adverse. Vous savourez votre victoire et d’un coup, l’écran se brouille à nouveau, et il n’y a plus aucune trace des unités adverses. C’est comme si… elles n’étaient jamais venues. Exact, votre adversaire, voyant que l’issue de la bataille lui était défavorable, a préféré annuler son ordre d’attaque en remontant lui aussi dans le temps ; pas folle la guêpe.

Vous voyez le genre. S’il y a une chose qui me semble sûre avec ce jeu, c’est qu’il promet de belles parties de Mindfuck. Mais pousse-t-il la logique « temporelle » jusqu’au bout ? J’en vois déjà en train de se demander ce qu’il se passerait si on soumettait le moteur du jeu à un bon paradoxe des familles. Inutile d’espérer pouvoir faire une division par zéro à votre ordi, le moteur sait, paradoxalement, gérer les paradoxes, et nous le prouve en vidéo à travers le paradoxe du Grand-père.

Une question que vous vous poserez sans doute est : mais comment est-ce que ça peut marcher ce bazar ? Il faut savoir que le mécanisme du moteur de jeu repose sur deux éléments : la ligne temporelle et les vagues de propagations temporelles.

La première sert de support à l’ensemble du temps du jeu, en posant notamment des bornes à partir desquelles les joueurs ne peuvent plus agir et définissant en temps réel quel est le point « présent », et donc les zones du « futur » et du « passé ». C’est à partir d’elle qu’on peut repérer les actions menées au cours du temps et suivre en direct les modifications apportée au passé. Les vagues de propagations quand à elles sont comparables à des essuie-glace qui pousseraient en permanence les modifications faites dans le passé vers le présent, tout en les répercutant sur les vagues précédentes afin de donner une existence « passée » concrète à un évènement. En d’autres termes, elles sont les éléments qui vont faire que vos actions effectuées dans le temps deviendront le présent. On voit qu’elles passent quand l’écran se brouille.

On pourra donc s’attendre dans ce jeu à des joyeusetés inédites et des retournements de situation bien cocasses, à base de TIME PARADOX : avouer que voir son armée sensée venir à bout d’un adversaire disparaître parce que ce dernier a envoyé une petite escouade dans le passé pour s’occuper des usines ayant servi à produire ladite armée (et si les usines sont détruite avant d’avoir pu produire les unités, forcément ces dernières n’ont jamais existé…), c’est quand même pas banal.

Je pourrai vous faire un roman sur les possibilités qu’offre la gestion directe de la quatrième dimension dans un STR, mais je préfère que vous fassiez votre propre opinion là-dessus. Je vous invite à aller consulter les vidéos d’Hazardous Software, qui expliquent en profondeur les fonctionnalité de leur moteur de jeu ; et vu ce que je viens de vous sortir, je pense que si vous n’avez pas tout compris, cela vous éclaircira (c’est en anglais par contre). Pensez juste à doubler la dose d’aspirine avant d’y aller, parce que faut vraiment suivre pour tout comprendre, mais c’est déjà plus aisé avec une image.

Et sinon, à part ça ? Il faut savoir que le développement du jeu est toujours en cours, et que la version présentée dans les vidéos est une version alpha, et ça se voit. Les graphismes semblent sortis d’un autre âge, les mouvements des unités sont saccadés, les animations sont faites du strict minimum. On pourra constater une amélioration des graphismes dans la dernière vidéo sortie avec des textures de terrain plus détaillées, qui laisse présager quelque chose d’honnête pour l’apparence finale de la bête.

Il y a fort à parier en revanche que l’économie et l’équilibrage des unités sera on ne peut plus classique, histoire de ne pas dérouter complètement les futurs joueurs, qui à mon avis vont avoir bien du mal à saisir le concept de bataille temporelle. Parce que oui, je pense que vous l’aurez trouvé tout seul, ça a quand même l’air diablement complexe, et cette potentielle complexité me fait craindre de voir reléguer ce concept épique à un énième jeu de niche pour Hardcore Gamerz. Il faudra voir ce que va en faire le développeur avant de s’avancer définitivement là-dessus.

La sortie ? Le souci, c’est qu’il n’y a aucune date officielle pour le moment, car Hazardous cherche encore un éditeur pour son jeu, qui à ce stade, est plus un concept qu’autre chose. Alors si la perspective de pouvoir chrono-backstabber vos amis en ligne vous enchante, faites parler de ce jeu autour de vous. Il s’agit de montrer à un éditeur potentiel qu’il y a un public prêt à acheter le jeu, et j’en suis convaincu vu les resucées de resucées qu’on nous sert depuis des années dans le genre…