Voyons voyons... C'est quand la dernière fois qu'on a parlé d'un film à sketches dans cette colonne ? C'était pas pour Getting Any de Takeshi Kitano ? Je crois, ouais. Tokyo! est donc un ensemble de trois moyen-métrages réalisés par deux français et un coréen dans la capitale nipponne : Michel "Eternal Sunshine of the Spotless Mind" Gondry, Leos "je suis un écorché par l'humanité alors c'est ma première réalisation depuis Pola X qui s'est tapé la honte à Cannes il y a dix ans" et Bong "zyva, fais-moi croire que toi aussi t'as vu The Host" Joon-Ho.On va faire un paragraphe par sketch, ça sera plus simple.

Michel Gondry avec "Interior Design" (interviewé par Arte, qui participe à la prod' du film - autre interview par Mad, bourrée de révélations sur l'histoire). Basé sur une bédé ricaine qui se déroule à New York, ici adapté chez les sushis avec un certain charme. Je me souviens de Sofia Coppola qui avait dit de son Lost In Translation que le Japon n'était qu'un prétexte de terra incognita, un endroit où ses deux personnages n'auraient personne et nulle part où se raccrocher. Bref, que ça aurait pu être filmé n'importe où, pourvu qu'on se sente paumé. Donc là, ouais, c'est pareil. Notez combien le scénario d'Interior Design est passe-partout, oublieux du lieu de tournage : l'histoire d'un couple qui cherche à se loger dans la capitale, du point de vue de la copine qui se démène pour un mec qui l'ignore. Carrément sympa, d'autant que ça sort du Japon "carte postale", entre petites rues sales et plans hallucinants : quand tu vois la fourrière automobile de Tokyo, tu tombes la mâchoire, point barre.

Leos Carax avec Merde. Lui aussi clame haut et fort que son histoire aurait pu se situer n'importe où et qu'accessoirement, il n'a rien à cirer du Japon. Une sorte de lutin trashy dénommé Merde (en français dans le texte, pensez-vous) vit dans les égoûts de Tokyo et en sort régulièrement pour bouffer des fleurs et du fric. Mellorine (à force de mettre des liens vers GameUp, je me suis tiré une balle dans le pied : ce site m'a grillé dans le classement Wikio) me fait remarquer qu'il est joué par Denis Lavant, qui a déjà tenu un rôle identique dans le clip de "Rabbit In Your Headlights" par U.N.K.L.E., clip que l'on peut aisément surnommer "Merde en Angleterre" tant le synopsis est proche. Perso, ça m'a laissé un peu froid. Serait-ce l'effet de rareté qui a séduit la presse ? La seule bobine de Carax depuis 1999 est unanimement encensée par la critique, qui y voit le meilleur élément de Tokyo!. Il y a l'obligatoire "nuit à Tokyo avec ses néons et ses écrans géants", mais c'est pour mieux la détruire, mon enfant. Car une chose est sûre, Merde est l'apogée de la Gaule visitant le Japon : le sale gnome aux cheveux roux et aux ongles rabougris qui erre en grognant dans les rues immaculées devant des japonais effarés, le même énergumène qui dit ensuite aux nippons qu'il les hait parce que "leurs yeux ressemblent à des sexes de femmes", le gaijin ignorant qui finit par être soutenu par ce peuple propret et politiquement correct, ça vaut mille reportages de M6 sur les waponais. Gag : c'est là qu'on se dit que le pseudo-otaque moyen, celui qui adore la J-Music dont il ne comprend pas un mot, qui a une énorme "collection" d'animes en fansubs et qui porte des oreilles de chat en public, il quitte la salle, offensé devant une telle insulte au peuple sushi. Sauf que ce même wapounet, tu le colles devant le même synopsis sous forme d'anime produit par Mad House ou Clamp, je te parie mes burnes sur la table qu'il reste jusqu'au bout, qu'il hurle au génie et qu'il en demande une deuxième saison. Carax assume au moins son appartenance aux nouveaux "enfants terribles du cinéma français" que les médias avaient collé à la fin des années 90 aux Dupontel, Kounen et autres Kassovitz. Même que dans Dobermann, un perso se torchait le cul avec des pages de Télérama et des Cahiers du Cinéma, yo. Bonus : Carax a rajouté à sa participation un "Hymne à Merde" diffusé sur le Net, dont les scènes semblent avoir été filmées pour l'occasion (peut-être coupées des 30 minutes qu'on voit à l'écran).

Bong Joon-Ho avec Shaking Tokyo. Vous avez déjà vu un film coréen qui ne soit pas lisse et sans aspérités ? Moi non plus. Et c'est pas maintenant que ça va changer, tant Shaking Tokyo semble vouloir réconcilier le public international qui aura tenu le coup pendant les deux productions des fromages-qui-puent. Au moins, le scénar' est un tant soit peu original : un hikkikomori a sa livreuse de pizzas qui fait un malaise chez lui. Non, il n'en profite même pas pour satisfaire ses bas instincts. Donc certes, le résultat est bien plus convenu que les deux gros délires frenchies, mais la production est incroyablement soignée. Le perso principal n'est pas sorti de son appart' depuis dix ans, et l'image retranscrit parfaitement ça : le moindre détail de la piaule est hallucinant, de la collection des rouleaux de papier-cul aux livres lus depuis tout ce temps. On se dit que comme l'hikkikomorisme limite le film à ce huis-clos, c'est logique qu'ils aient tant investi dans ce petit espace... sauf que la seconde partie finit de surprendre. Mon préféré des trois. 

Au final ? Sans faillir, ça sera dans quelques mois sur Arte, mais il y a encore quelques salles qui le passent. A voir pour se changer l'esprit des blockbusters de Noël, surtout que Quantum of Solace est assez moyen et qu'Arte a besoin d'audience.


Pendant ce temps : depuis une semaine, si vous avez CanalSat ou TPS, vous pouvez mater NHK World sur le canal 447. Non, pas d'animes, mais des doublages anglais sur la plupart des programmes et assez de kanji et d'effets spéciaux façon années 80 pour vous griller quelques neurones. Ah, et si vous faites partie de ces gens qui viennent de commencer un blog d'otaque motivé par la [caps lock]passion[/caps lock], essayez de jeter un oeil sur ces quelques conseils (si vous tiquez sur celui à propos du rythme de parution de vos articles, félicitations, vous êtes une grosse pute) ou postez un commentaire pour m'apprendre l'existence de votre site, ça serait cool.