Il y a quelques temps, je vous avais parlé de ma petite soeur, qui fut éduquée à base de jeux d'aventure et de Monty Python jusqu'à ce que la puberté détruise tous mes efforts. Ca dévorait tous les point 'n' click qu'on lui donnait à manger, vomissant quand ça parlait trop (Les Boucliers de Quetzalcoatl ou le très-sympa-mais-hélas-trop-bavard ToonStruck), même les Sierra pour grandes personnes. Et justement, le premier Phantasmagoria fut l'objet d'une amusante anecdote. Mais avant de la raconter, j'anticipe votre question : elle avait 12 ans et oui, nous jouions en version non censurée. Je rappelle le scénario : un jeune couple qui emménage dans le grand-manoir-désert-en-haut-de-la-colline-d'un-petit-village-de-pêcheurs, et l'on joue la demoiselle lors de leur première semaine dans l'inquiétante masure (à raison d'un CD par jour !). Poursuivant l'exploration de délicieux clichés cinématographiques, le mec devient frappadingue dans le dernier chapitre et poursuit l'héroïne dans la maison. Autrement dit, les énigmes sont maintenant chronométrées, la petite soeur est alors terrifiée et c'est le raton qui doit s'y coller.

Les produits pour joueurs occasionnels (ces casual gamers dont on entend tant parler depuis le Démineur, SingStar et la Wii) ont cette absence de limite de temps en commun. Si la défaite est programmée parce qu'on prend trop de temps à agir, le néophyte panique. Il n'y a même pas de Game Over quand le compteur du Démineur atteint 999 !

Portal aurait amené la même anecdote : on commence connement avec des puzzles marrants dans une vue à la première personne simplifiée (trois boutons)... mais rapidement, on en appelle à la dextérité de quelqu'un qui sait s'y retrouver dans un environnement virtuel complexe, avec la compréhension et les réflexes cognitifs ainsi requis. Si vous avez déjà joué à Quake et que vous n'êtes pas trop con, vous devriez boucler la chose en moins de quatre heures, comme tout le monde. Ajoutez une heure pour boucler les six maps bonus et mon respect si vous terminez la dernière. En même temps, je présume quand même que vous autres qui lisez ce site avez déjà joué à Quake et n'êtes pas trop cons - mais alors, pourquoi êtes-vous si nombreux à n'avoir toujours pas touché Half-Life 2 ?

Petit rappel : comme tout plein de gens se sont procurés l'Orange Box, il y a toujours la communauté Steam de l'éditotaku, ainsi qu'un clan sur Xfire. Engagez-vous, surtout si vous aimez les discussions d'otaques sur fond de Team Fortress 2.

A la manière d'un WarioWare qui résume le jeu vidéo à ses plus simples appareils (comprendre ce qui se passe, trouver un machin, appuyer sur le bouton au bon moment), Portal considère le joueur comme ce qu'il est : un gentil couillon qui choisit de se soumettre à toutes sortes de stimuli pas forcément plaisants. C'est lui qui l'a voulu, alors qu'il en soit ainsi : Portal profite allègrement de cette soumission volontaire pour l'humilier et le traiter comme un rat de laboratoire, le ramenant à son comportement débilisé de pousse-bouton. Oui, comme dans WarioWare, voilà pourquoi j'en parlais.

Un gameplay simple et innovant avec une narration pointue et vicieuse : les deux raisons du succès de ce jeu. Le gameplay vient d'un projet de fin d'études et la narration des auteurs de feu Old Man Murray. Sans le scénario, Portal aurait donné un excellent jeu-concept sur un mécanisme déjà existant mais mal exploité jusqu'à maintenant. Un peu comme les moteurs physiques qui servaient à afficher de jolis cadavres tombant de façon réaliste, jusqu'à ce que Valve fasse des énigmes sympathiques dans Half-Life 2. Les portails, on connait : il y en a un dans Pac-Man, nom de Dieu. Pareil dans Prey ; vous allez me dire qu'ils étaient déjà posés, mais la version de 1997 permettait de les installer soi-même (aussi en multijoueur !) - et un mod permet de faire pareil avec la version commercialisée. Donc maintenant que Valve (ou du moins les étudiants embauchés) a montré une utilisation marrante des portails, on peut s'attendre à voir le concept repris un peu partout. Dans un jeu hentai, j'espère : ça permettrait à deux personnages de se faire un plan à trois.