Dilemme : Electronic Arts est la version occidentale du Mal personnifié dans l'industrie du jeu vidéo - son alter ego oriental étant évidemment sony - mais je n'arrive pas à détester la démo de Command & Conquer 3 - Tiberium Wars. Vous avez vu ? J'ai tellement apprécié cette dernière que j'en ai écrit le nom en entier. J'adore les jeux vidéo avec un sous-titre cool et à rallonge, mais surtout cool : Advance Wars 2 - Black Hole Rising, Wing Commander III - Heart of the Tiger, No One Lives Forever 2 - A Spy in H.A.R.M.'s Way, Call of Cthulhu - Dark Corners of the Earth, Splinter Cell - Chaos Theory, et j'en ai encore plein d'autres à citer mais on va croire que je cherche à rallonger le texte (comme si j'étais payé pour ça!). On dirait que ces jeux-au-titre-à-rallonge-mais-vraiment-cool sont systématiquement bons (Steel Battalion - Line of Contact ou MechAssault 2 - Lone Wolf), et j'en ai même acheté certains juste parce que leur titre me plaisait particulièrement (Psi-Ops - The Mindgate Conspiracy, SpellForce 2 - Shadow Wars), et je n'ose parler des expérimentations de Capcom, collant des "X" et autres "Super Battle Strike 64" un peu partout dans ses titres. Bref.

Ainsi donc, je préfère Command & Conquer (attention : article datant de 2002) aux Blizzarderies. Mais Command and Conquer Generals, premier titre de la série développé en interne par EA après avoir liquidé les studios Westwood, était une pustule dans la série. Manichéen, hors des scénarios du Tiberium et d'Alerte Rouge, avec une barre de menu en bas et pas sur le côté, sans aucune cinématique entre les missions, 3D loin d'être artistique... Un excellent exemple de ce qui arrive à une licence quand elle se fait bouffer par EA. Nous sommes retournés sur Ground Control II - Operation Exodus ou SpellForce - The Order of Dawn (yay pour les sous-titres).

Puis voici cette démo de C&C3, le jeu sortant le mois prochain. Un des éléments qui rend fan de la série, c'est sa présentation irréprochable : les programmes d'installation étaient des merveilles délirantes de détails, la voix off de l'interface était digne d'un superordinateur bunkerisé, les options cliquaient et clignotaient au moindre mouvement de la souris sans obstruer votre stratégie, tous les briefings étaient en vidéos plein écran avec un kitsch carrément culte (Kane, le chef de la faction NOD, était - et est toujours - joué par le réalisateur des cinématiques chez Westwood !) et il arrivait que vos missions soient interropues par ces scènes... Act of War avait tout compris en s'inspirant lourdement de tout ça ; c'était lui, le vrai C&C Generals. Les C&C étaient restés en 2D à une époque où les RTS 3D commençaient à être communs, mais il s'agissait d'une 2D distinguée, propre et fluide. La technologie 3D n'était pas prête, quoi. Et là, on dirait qu'EA a tout compris. Du briefing en vidéo HD mi-kitsch mi-gros budget, une interface bourrée de pointeurs qui se font oublier tout en restant sexy, et une 3D superbe, qui atteint enfin la précision de la 2D passée. Ca bourrine, ça pète dans tous les sens, j'arrive pas à le croire, c'est du C&C.

Dilemme du début d'article : c'est raton-gamer qui raisonne raton-laveur, ou l'inverse. Tu boycottes EA ! Tu sais qu'ils vont te pénétrer d'une façon ou d'une autre ! Soit le jeu sortira buggé jusqu'à la moelle (commun), ou ils sortiront un add-on hors de prix dans trois mois (Battlefield 2), ou il y aura une protection débile contre la copie (Keanu Reeves : "woah, déjà vu"), ou le jeu demandera d'avoir le disque dans le lecteur alors que toutes les données (y compris les vidéos) seront sur le disque dur (classique), ou il y aura un spyware qui analysera ta consommation de pub dans le jeu (Battlefied 2142), ou ils fermeront les serveurs multijoueur dans un an (tous les titres EA Sports)... Ou tout ça à la fois.

Deuxième dilemme : Supreme Commander. En d'autres temps, Total Annihilation, en 3D sur des terrains gigantesques en relief et aux grandes attaques de centaines d'unités sur une musique symphonique qui vous donne encore des frissons, techniquement et stratégiquement supérieur à un Starcraft sorti six mois après lui, était tombé dans l'oubli face à un zerg rush en 640x480 en 2D. Son principal défaut ? Ne pas avoir un -craft dans le nom. L'autre problème, c'est que son univers était quand même vachement oubliable : deux factions de robots qui se ressemblaient vachement se mettaient sur la gueule sans trop de raison, l'histoire n'était qu'un prétexte à la baston. C'était comme un jeu d'échecs : diaboliquement précis et stratégique, mais terriblement anonyme. A l'opposé de la saga des Terrans face aux z'aliens, aux réactions des joueurs sur la destinée de Sarah Kerrigan ou l'origine des Zergs.
Supreme Commander risque de revivre l'expérience de son grand frère : au moment de sa sortie, il demande une configuration matérielle qui n'existe pas encore, son univers est aussi impersonnel qu'une cuvette de chiottes (n'en déplaise au magazine Background qui a trouvé le moyen de faire 10 pages à son sujet), et son nom inconnu sort face à une célèbre licence suivie par une fanbase énorme. Et pourtant, si on s'en tient purement au gameplay, il est supérieur : des cartes énormes, une victoire qui ne se base pas sur le cliqueur le plus épileptique, un arbre technologique bien plus vaste que celui de C&C (qu'on visite entièrement dans la démo)... C'est prouvé, l'affectif l'emporte sur la raison.