Phoenix Wright vit dans un pays étrange. Un des personnages dit bien que c'est la France (pour la VF tout du moins - la cartouche européenne ne contient curieusement que les langages français et anglais), la monnaie est l'euro... mais on dit "votre honneur" au lieu de "monsieur le président" quand on est à la cour, et les accusés peuvent être condamnés à la peine de mort. Au détour d'une date, on devine que les évènements du jeu se déroulent en 2016 ; les personnages ayant un peu plus de 20 ans et les références à leur enfance étant régulières, on devine le sempiternel message distillé dans l'ensemble de la pop-culture japonaise - "ce sont les enfants qui feront le monde de demain". C'est important de donner le bon exemple. Mais c'est quand même un pays vraiment étrange, où un témoin voit un homme se faire tuer par un autre type, et le lendemain, on apprend finalement que l'assassin était une femme. Et que personne, pas même les scénaristes, ne trouve quoi que ce soit à y redire. Pourvu qu'on n'y pense pas ou qu'on tombe sur une histoire où le scénariste n'était pas bourré, c'est quand même dans les scènes de procès (et pas d'investigation, j'y reviens dans un instant) que le jeu brille : ça crie, ça vanne, ça sort les thèmes musicaux qui vont bien, un témoin pète les plombs, on crie "Objection" comme dans le Tribunal du Peuple, on se marre et on ressort avec un verdict "Non Coupable". En parlant de crier, il n'y a que trois phrases digitalisées dans tout le jeu : "Objection !", "Prends ça !" et "Un instant !". Et pourtant, ça suffit à certains pour affirmer que le doublage français est, je cite, "totalement ridicule".

Phoenix Wright vit dans un jeu bizarre. On parle, on parle, on parle, on fait un choix de temps à autres, et on essaie de ne pas cliquer sur la mauvaise case au mauvais moment de la conversation pour ne pas vexer le juge et perdre le procès. Dit comme ça, on comprend pourquoi on peut trouver des articles sur le jeu qui semble si inintéressant que ledit texte ne parle même pas dudit jeu. Histoire visuelle ? Ben oui. Mais non, en fait. Car il y a un élément qu'on ne trouve normalement pas dans ce genre : l'inventaire. Ca, c'est réservé aux jeux d'aventure occidentaux. On récupère des objets en cliquant un peu n'importe où à l'écran, on les garde dans une liste en bas de l'écran (ou dans le cas de la DS, dans l'écran du bas) et on les utilise vaguement sur un perso en espérant que ça marche. Alors avant d'aller au tribunal, Phoenix Wright mène l'enquête. En fait, on déplace Phoenix Wright d'un lieu à un autre, déclenchant un script de conversation, jusqu'à ce que Phoenix Wright en ait marre et décide de retourner au tribunal. Parfois, c'est bizarre : il vient juste de trouver une note avec "6-7S 20/12" écrit dessus, ce qui ne veut évidemment rien dire en l'état, et il se dit que c'est bon, on a assez d'éléments, pas besoin de chercher la signification de cette note, en avant pour le tribunal. Hun-huuun.

Phoenix Wright est quand même marrant. On sent que Capcom, développeur vénéré car utilisant ses piles de Street Fighter et Megaman pour financer des projets risqués, avait conçu ce projet en one-shot : peu de personnages qui se recoupent perpétuellement et une dernière affaire qui part en feu d'artifice sérieusement enflé. Les auteurs, croyant bien que cette cartouche serait la première et la dernière aventure de leur jeune avocat, ont ainsi fait le quatrième procès qu'il tente de faire rire, réfléchir, pleurer, et que le résultat part dans tous les sens sans vraiment toucher au coeur. Mais voilà, la carrière de Phonenix Wright ne s'est pas arrêtée là : quatre cartouches au Japon, plus ce remake DS qui est arrivé chez nous. Pour l'occasion, il a droit à une cinquième histoire, histoire de justifier l'achat auprès des petits japonais. En tout cas, une fois terminé, on n'y revient pas ; à l'instar des autres jeux d'aventure, la cartouche est ensuite condamnée à tourner auprès de votre réseau de potes - la preuve, je joue sur celle de mon copain Garric. Sans aucun doute, une objection valable à l'achat au prix plein pot. En fait, à son achat tout court. Faites-le vous prêter.