Joie. J'ai pu trouver l'édition française de Dômu par Katsuhiro Otomo (éditions Les Humanoïdes Associés), et Dieu sait combien c'est un bouquin difficile à dénicher.

Faisons bref pour l'intro: Je rappelle aux lobotomisés dans la salle que Katsuhiro Otomo, c'est monsieur “Akira”, aussi connu sous le nom de Dieu. Dômu (“Rêve d'Enfant”) fut un manga en 233 pages noir & blanc qu'il dessina et scénarisa en 1983. Et en 1984, il commença Akira. Voilà, passons à la viande.

Résumé: dans un quartier HLM japonais, une série de suicides se produit; les gens se jettent dans le vide sans motif apparent... Au pooint que l'on en vient à se demander si ces immeubles ne sont pas hantés.

Soyons clairs: le monde aurait connu Dômu avant Akira, je me demande si ce dernier aurait été considéré comme un des plus grands animes de tous les temps. Car Akira pioche énormément dans Dômu. C'est bien simple, des personnages entiers en sont issus, ainsi qu'une bonne partie de la trame est commune aux deux oeuvres. La principale différence reste l'échelle: Dômu se passe dans un groupe d'immeubles, Akira se déroule dans Neo-Tokyo. Dômu tient en un livre là où Akira en prend 14. Je ne vais pas dire que Dômu en fut le brouillon, mais il me fait penser à un concept, une expérimentation à petite échelle. Voilà pourquoi Akira a volé la vedette à son grand frère: il est plus long, plus violent, plus brutal... mais pas plus maîtrisé. On se rend compte que dès Dômu, Otomo savait déjà parfaitement ce qu'il faisait, comme s'il n'avait plus rien à prouver. A la lecture de Dômu, j'en arrive presque à réaliser qu'Akira n'a finalement rien inventé, il a juste amplifié ce qui existait déjà dans Dômu. Mais la moelle épinière reste la même, y compris les thèmes: le plus visible et récurrent restant le fossé entre les générations. D'un point de vue technique, c'est parfait, du Otomo comme on le connaît: peu de trames, de grands dessins qui donnent le vertige, une maîtrise parfaite de l'espace. Comme dans Akira, les gens semblent étouffés, pris au piège par les blocs de béton parfaitement carrés. L'oeuvre se termine dans une vraie anarchie là encore merveilleusement orchestrée par l'auteur. L'histoire commence comme un polar et finit... comme du Akira, c'est à dire proprement indescriptible mais tellement soufflant à la lecture.
Ca me fout la trouille, quand même, de voir comment nous sommes tous passés à côté de Dômu alors que nous avons tous vu Akira. Je n'ai jamais entendu parler de Dômu dans des critiques ou des articles d'Akira, comme si cette oeuvre avait disparu de la circulation quand l'anime était arrivé... Franchement, ça fait peur.

Edition française: étant publié par une boîte n'ayant pas trop l'habitude des mangas, le sens de lecture est occidental, pas cool. Mais à part ç, c'est du tout bon: la traduction semble sérieuse, le lettrage est agréable à l'oeil, le papier est très bon, la couverture (pas de dessin original hélas !) est en carton dur.

En bref, si vous le voyez, achetez-le, au minimum, feuilletez-le. Vous verrez qu'Akira a eu un précédent qui mérite tout autant d'attention.