(merde, encore un article sur l'actualité)

Lorsque le premier ministre a dit "La France a envie qu'on la prenne, ça la démange dans le bassin", il a joint le geste à la parole. Le gouvernement actuel est quand même arrivé à faire sortir les casseurs de leurs banlieues (en hiver, qui plus est), les étudiants de leurs facs, et les internautes de leurs gonds. Oui, je parle de l'imprononçable DADVSI, ou "droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information", ou "on a pas trouvé plus pompeux pour la mise à jour de la loi sur les droits d'auteur". Je résume rapidement : afin de s'aligner sur les directives européennes datant de 2001, la loi française devait être mise à jour, et le projet ramait depuis deux ans. Et au tout dernier moment avant le bouclage de la loi avant présentation à l'Assemblée, le ministre de la Culture dépose de nouveaux amendements.
Face au problème des téléchargements de divx et autres mp3 de fichiers copyrightés, l'article 1 proposait le principe de la "licence globale". Autrement dit, à l'instar de la taxe sur les supports vierges (on paie une taxe reversée aux auteurs sur toute cassette VHS, CD-R, etc et le piratage, genre enregistrement de films à la télé, est ainsi "toléré"), tout un chacun serait amené à payer une taxe sur son abonnement Internet, considérant ainsi qu'on utilise ce dernier principalement pour voler des films ou de la musique. Cet article 1 déplaisait bien évidemment pas mal de monde, les industries "culturelles" en tête. Il a fini à la corbeille et a été remplacé par l'amendement 272, qui annule l'article 1. Si vous avez envie de vous énerver, je vous invite à regarder l'enregistrement de la session parlementaire qui est tout simplement hallucinante : les députés de l'opposition qui évacuent l'hémicycle et les UMP qui restent votent le 272 plus vite que leur ombre (deux secondes, temps réel - vidéo 5).

Mieux : l'amendement 150, dit "amendement Vivendi", ce qui en dit long sur son instigateur. Il punit de "trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende" le fait d'utiliser ou inciter à utiliser "un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisé d’œuvres ou d’objets protégés." Et on revient au dilemme de la photocopieuse : dans les établissements scolaires, cette machine passe le plus clair de son temps à photocopiller des documents copyrightés. Peut-on la qualifier de "dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisé d’œuvres ou d’objets protégés", parce qu'on s'en sert régulièrement à des fins illégales ? Est-ce qu'eMule, Bittorrent et autres logiciels de peer2peer entrent dans cette définition ? Les avocats des majors diront que oui, les accusés en face répondront que non. Le texte de loi est volontairement trop flou pour laisser les cas de jurisprudence faire le tri. Donc oui, ça risque d'être un beau bordel.
Sauf qu'un alinéa a été ajouté : "Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l’échange de fichiers ou d’objets non soumis à la rémunération du droit d’auteur." Ce qui ne change pas grand chose mais dédouane le peer2peer (Bittorrent ayant carrément été créé à la base pour alléger les serveurs offrant les distributions Linux). Mais encore une fois, il suffirait qu'un avocat montre quelques sites proposant des liens e2dk de films pour faire pencher le tribunal en leur faveur... d'autres disent que cet alinéa ajouté de justesse limite considérablement la portée de cet amendement. Voire. Il reste impossible de savoir si un soft comme eMule a été programmé en étant "manifestement destiné" à voler des oeuvres protégées. Mais à force de lobbying, l'industrie du disque est arrivée à faire entrer l'équation "peer2peer = piratage". Le rapprochement est vite fait ; d'un point de vue purement technique, c'est tout l'Internet qui est ainsi criminalisé. Textes de loi inapplicables car trop flous powa !

Passons sur les autres détails, genre l'amendement 176 qui devait exonérer de la taxe sur les supports numériques vierges les hôpitaux et autres "acteurs de la santé" qui n'a pas été voté, ou l'interdiction de contourner toute protection contre la copie, même si c'est pour pouvoir faire jouer le droit de la "copie unique à usage privé", celui-là même qui nous autorisait jusqu'à présent à faire un backup de notre préssssieux disque de Daytona USA pour les générations futures... puisque pucer sa Saturn pour pouvoir y exécuter des copies de sauvegarde sera interdit - et très lourdement verbalisé, le barème étant lisible ici. Et le jour où le disque sera trop usé ? Tant pis. Le droit de la copie privée est ainsi réduit à zéro. Ou pour rappeler que le texte passe en "état d'urgence" décrété par le gouvernement, soit une seule lecture à l'assemblée et une autre au Sénat.
Oui, passons sur ces détails pour réfléchir sur l'avenir. Si vous faites partie des 80 % de français qui lisent ce site (les stats ne mentent jamais), souvenez-vous que les prochaines élections présidentielles ont lieu dans un an - votez en votre âme et conscience. Si vous faites partie des 20 % d'internationaux et que vous avez envie d'héberger un gentil petit raton-laveur pour agrémenter vos vacances (et les siennes) tout au long de l'année, écrivez-moi.



Dans cinq minutes, on ouvre la session IRC hedbomadaire, sur #editotaku@irc.worldnet.net (ou entrez un pseudo dans la case à gauche). Si mon instinct ne me trompe pas, Mario Kart DS, Pangya et politique seront les mamelles de cette soirée.