Quand une industrie florissante a soif d'encore plus d'argent, la marche à suivre est évidente : il suffit de râtisser plus large dans la pyramide des âges. MacDo a créé les Happy Meals, l'industrie pharmaceutique les camisoles chimiques pour mouflets, les jeux vidéo ont pour ambition de squatter toute la famille avec leurs "divertissements digitaux" ("console" est maintenant un mot tabou), et les boutiques japonaises de fringues gothiques ont pondu Rozen Maiden et Shinigami No Ballad.
Au cas où il y aurait besoin de le rappeler, le gothique est quand même d'origine européenne, vous savez, l'architecture des églises et tout ça. Et à l'instar du rock californien ou des légendes grecques, le voyage vers les antipodes n'a pas été sans heurts. A l'arrivée, les légendes grecques ont donné Altered Beast, le gothique avec des gens qui se scarifient la peau en jouant à Doom a été exploité dans les fesses pour donner des résultats vestimentaires proches du Bisounours dépressif, et le rock californien est toujours aussi naze. Bref, faut pas confondre les versions japonaises avec les versions originales.

Shinigami No Ballad est vraisemblablement un de ces animes faits pour enseigner une seule chose aux enfants. Pokémon nous a appris que Nintendo pouvait vraiment vendre n'importe quoi, Mon Voisin Totoro expliquait qu'un épi de maïs était un super cadeau pour sa maman, et Shinigami No Ballad nous dit que la Mort est une lolita gothique (gosu loli si vous avez envie de frimer). Qui s'appelle Momo. Avec un chat horriblement animé et une faux plus grande qu'elle, pour le sous-entendu sexuel qui va bien afin de justifier le sempiternel "double niveau de lecture" de la culture visuelle nipponne. C'est tout ce que vous pourrez tirer de cette série, même en la matant en entier - ça, c'est un des châtiments qui m'attend au dernier sous-sol quand cette gamine viendra me chercher. Surtout avec une qualité de production aussi passable et des acteurs de voix à l'encéphalogramme plat.
Sérieusement, le troisième épisode sort dans deux jours, mais les deux premiers suffisent amplement à comprendre la suite. Momo et son chat sont les seuls personnages récurrents ; à chaque fois, il y a un maximum de deux ou trois personnages, et le "client" de mademoiselle est bien mis en évidence (il est évidemment le seul à la voir ou à l'entendre). C'est un peu comme l'intro d'un épisode de Six Feet Under, où on sait bien qu'il va y avoir un mort pour occuper la famille Fisher, mais étiré sur une demi-heure. Donc oui, c'est chiant. Et naïf. A en mourir. Prenez les collections de livres "Monsieur et Madame", ajoutez "Madame Gothique" et vous y êtes.

Premier épisode : un couple d'écoliers s'occupe d'un chaton errant. La fillette est inexplicablement prise d'un malaise, tension dramatique, le garçon l'aide en sortant... son spray de salbutamol. La petite est juste asthmatique ! Et un asthme magique, qui ne se manifeste que dans les moments où elle ne fait rien et surtout pas quand elle grimpe une grosse volée d'escaliers. A l'école, le lendemain de son décès, quelqu'un a mis un bouquet de fleurs sur sa table. Non, ce n'est pas une coutume japonaise. C'est juste de mauvais goût. Ne faites pas ça chez vous, c'est sérieusement tordu. Si on veut apprendre aux enfants à gérer la mort, leur montrer ce genre de rituel digne d'un concert de Visual Rock n'est sûrement pas la bonne méthode. Episode suivant : un couple de collégiens, et Momo passe son temps à apparaître devant le mec pour lui dire qu'il va bientôt crever. Sauf que c'est pas pour tout de suite et qu'elle faisait ça uniquement pour qu'il fasse quelque chose de sa vie au lieu de mater le plafond de sa chambre, comme par exemple culbuter la suscitée demoiselle. Le tout enrobé de phrases dignes de Forrest Gump ("ce ne serait pas amusant si on pouvait changer son destin"... wtf ? J'espère avoir mal compris la phrase !), bien évidemment. Autrement dit, les auteurs ont vendu ça à une boîte de production avec cette "approche de la mort" complètement dégénérée, mais cet anime reste un sous-marin commercial des nippo-gothiques pour infiltrer les jeunes esprits innocents et leur vendre des souliers avec des motifs de crucifix sur la semelle. Au secours.